1988. L’hiver n’est pas de retour six mois trop tôt contrairement à ce que chante le groupe français Diabologum dans son album « #3 » (découverte des années 90 pour ma part). Je dois bien avouer que la saison échappe à ma mémoire concernant les lignes qui vont suivre. Quoiqu’il en soit mon frère revient en nos murs pour une poignée de jours. C’est l’occasion pour nous de faire un état des lieux des softs qui tournent sur le CPC 464, les bouquins, les films etc… C’est aussi l’occasion pour lui de me faire plaisir en proposant à mon père d’aller marauder dans l’espace multimédia Mammouth.
Allez, comme pour ce jour de 1987 dont je vous parle ici, nous revoici tous les trois, bravant les quelques kilomètres qui nous séparent de la « grande » ville la plus proche. On ne peut pas dire que la circulation soit insurmontable mais, pour moi, elle l’est bien plus que dans le bourg du petit village à 2,5 km de la maison! Durant le trajet, mon frère parle avec mon père, moi je rêve déjà de mon potentiel nouveau jeu. Trouver une place sur le parking s’avère un peu compliqué mais une personne rangeant ses courses nous fait signe que sa sienne sera bientôt libre.
Les portes du temple de la consommation s’ouvrent à nous, comme si une incantation silencieuse leur en avait donné l’ordre. Le brouhaha des caisses où les chariots s’agglutinent m’enveloppent, une annonce précédée d’un grésillement indique aux clients affairés dans les rayons l’existence de nouvelles promotions. Merci mais ce matin, mon chemin est tout tracé. Une fois les portiques de sécurité franchis, le Saint Graal s’ouvre à moi, oui il est bel et bien là le rayon dévoué à l’Amstrad CPC…. Et lui aussi, l’imposant vendeur aux cheveux roux, qui m’a reconnu avec son regard impassible et son air glacial. A n’en pas douter, c’est le gardien des lieux! Il n’a plus qu’à croiser les bras sur sa poitrine, enfiler une armure, la scène est dans la boîte! En parlant de boîte, celle d’un jeu attire mon regard: La Marque Jaune, adaptation de l’œuvre de Edgard P. Jacobs que je possède en ma bibliothèque. L’emballage diffère de ce que je connais habituellement et pour cause puisque la bande-dessinée (en couverture souple) est incluse! En regardant les quelques captures d’écran au verso, l’éditeur Cobra Soft fini par me convaincre, l’esprit de l’œuvre original semble bien là. Reste une épreuve, celle du cerbère de la caisse mais accompagné par mon père et mon frère j’en fais peu cas.
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Pour qui sonne le glas...
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Sur le chemin du retour, après avoir encore remercié mon frère je lui fais déjà l’éloge de ce jeu que je ne connais même pas encore et j’en profite pour lu offrir la bd incluse car je l’ai déjà au format cartonné à la maison. A peine la Renault de mon frère garée devant la maison protégée par une haie de cyprès arrivés à maturité, je me précipite en ma chambre. Malgré mon empressement, j’admire l’ensemble en allumant mon ordinateur. Une fois la cassette blanche insérée, le « RUN » saisi, je n’ai plus qu’à patienter… et de la patience il va en falloir. Mon frère m’accompagne dans cette aventure, je le sens curieux, mon père quant à lui… disons qu’il est heureux que ce pénible épisode d’achat de jeu idiot soit passé. Le son du transfert des données suit nonchalamment son cours puis laisse temporairement la place à un écran bien stylé reprenant la couverture de « La Marque Jaune » sur un fond musical de bon ton je trouve. Le chargement reprend son cours, quelques minutes après me voici face à Blake et Mortimer discutant dans un salon, au coin du feu.
Cet écran permet au joueur de sélectionner la scène souhaitée. De mémoire, un peu au hasard, mon frère et moi choisissons celle des docks qui par chance s’avère être positionnée juste après la discussion au « Centaur club ». Oui mais voilà, La Marque Jaune semble en avoir décidé autrement. Après quelques instants d’un nouveau chargement, le lecteur nous renvoient un son que je n’ai pas l’habitude d’entendre. En fait si, mais mes oreilles se refusent à accepter la réalité, ne reconnaissant que trop bien la déformation d’une cassette dont le chargement échouera, affichant bientôt un funeste « read error ». Ah… J’arrête la cassette d’autant plus que l’heure du repas a sonné sans le « british style » de Big Ben. Je n’ai pas très faim, mon odorat ayant reconnu par-dessus le marché l’horrible parfum du gratin dauphinois de William Saurin. Pouah! J’ai un peu la même réaction lorsque l’un des nouveaux mogwais crache un beau molard en direction de Gizmo et Barney. Une fois le repas expédié, me voici en train de réessayer le jeu, mon frère me rejoignant une tasse de café à la main. Comme je le crains, le succès n’est pas au rendez-vous et il faut faire face à l’évidence, la cassette est défectueuse. En l’éjectant, nous la regardons sous toutes les coutures surtout la bande bien entendu et cette dernière ne semble présenter aucun défaut visuel, il s’agit d’une autre altération.
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Damned, le kid n'a pas de bol quand même!
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Bon, nous tombons d’accord sur le fait qu’il faille annoncer la nouvelle au paternel et c’est loin d’être une mince affaire. La retenue exige ici que je garde sous silence tous les noms d’oiseaux attribuées aux cassettes (surtout celles dédiées aux jeux) par mon père une fois la terrible nouvelle annoncée. Pour lui ça veut dire reprendre la voiture, retourner au magasin pour échange ou remboursement. Les portières de voiture claquent, le démarrage se veut un peu sportif, l’ambiance est à couper au couteau dans l’habitacle qui me semble avoir rétréci soudainement. Ouf! Le parking est un peu plus dégagé et en quelques instants nous voici de nouveau au sein de l’espace multimédia. Pour l’échange, ça s’annonce mal, je ne vois aucun autre exemplaire dans le rayon dédié. A moins que l’endroit miracle appelé « réserve » ne vienne à la rescousse nous allons droit vers le remboursement, signifiant également la restitution de la bd. Heureusement mon frère l’a glissé dans la boîte avant de revenir. Le vendeur, impassible n’émet qu’un faible « ah » de politesse à l’annonce de notre mésaventure et, comme prévu, n’en a pas d’autre en stock. Nous pouvons passer commande si nous le souhaitons mais je connais déjà la réponse de mon père. L’ambiance n’étant pas sereine pour choisir un nouveau jeu, mon frère me fait comprendre que nous ferons autrement.
Malgré le dégoût d’avoir manqué un bon jeu, je sais que je ne suis pas à plaindre. Des softs j’en ai déjà pas mal pour mon Amstrad. Et puis je sais que mon frère se rattrapera. Sur le chemin d’un nouveau retour, cette mésaventure me rappelle celle de l’Œil de Set dont je vous ai déjà parlé dans un autre article. C’est comme ça, les « read error » font partie du lot d’un possesseur d’Amstrad CPC 464. En ce jour, je sus aussi que La Marque Jaune n’était pas seule dans la boîte du jeu, celle du destin l’accompagnait.