1987. Me revoici chez le mammifère écrasant les prix, en train de pousser le caddie pour ma mère qui s’active à faire les courses. Il n’y a pas si longtemps que cela elle a obtenu son permis et c’est donc dans sa Renault 5 bleu marine d’occasion que la matinée de ce mercredi nous voit partis pour le ravitaillement. Ni elle, ni moi ne sommes réellement emballé de se retrouver dans les grands rayons, au milieu de gens qui discutent parfois juste devant le rayon auquel nous avons besoin d’accéder. Une fois le chariot rempli, direction les caisses et là aussi c’est loin d’être une mince affaire, tout ça sous le regard blasé et fatigué d’une caissière qui rêve déjà d’avoir terminé sa journée ( et combien je la comprends). Alors que les sacs plastiques à l’effigie du pachyderme se remplissent, j’ai un regard de biais vers mon espace préféré, le vénéré magasin multimédia.
Ma mère quant à elle pense à ses mots croisés qu’elle achète dans l’espace presse situé dans la galerie marchande, non loin justement du Saint Graal pour moi. J’ai un plan, sous couvert du « juste un regard Maman », je me rends au milieu des cassettes dédiées à l’Amstrad CPC 464, tout ça après avoir patienté à mon tour que les mots croisés se retrouvent entre deux sacs de courses dans le chariot. Encore mieux, le dit rayon se trouve juste à l’entrée nous permettant de surveiller les courses (il ne faudrait pas qu’on nous pique les tablettes de chocolat noir premier prix et les chewing-gum au goût exotique… trop exotique peut-être). Ne s’agissant pas d’une occasion spéciale, inutile de me diriger une fois de plus vers les productions Ocean ou U.S Gold mais hors de question de me faire avoir par Mastertronic, non Monsieur! D’ailleurs, mon vendeur « préféré » (vous savez maintenant pourquoi si vous avez lu mes précédents articles) est fidèle au poste, j’imagine un peu ce qu’il pense: « Tiens, rev’là le petit con! Ah en plus il ramène sa mère qui n’y connaît rien, génial, ça va être une super journée! ».
Mon regard se perd dans le rayon mais je dois faire vite, il y a du frais qui attends d’autant que nous devons ranger les courses dans le coffre de la Renault 5 puis faire le chemin du retour soit trente bons kilomètres! Mon œil est attiré par une jaquette quelque peu.. dérangeante dirons-nous: celle de Profanation d’un certain Eric Chahi. A l’époque je ne connais pas encore ce nom, inutile de le présenter de nos jours. Édité par une société française, Chip que je ne connais pas non plus me voilà face à une sorte de zombie transperçant la tête d’un pauvre gars avec un poignard dans ce qui semble être un labyrinthe. Étonnamment ma mère ne dit rien, le prix du soft lui convient et hop, me voilà avec un nouveau jeu dans la poche… enfin pas encore, je dois passer le cerbère de la caisse qui désapprouve mon choix lorsque nous nous présentons pour le paiement, je peux le lire dans ses yeux. Il faut dire qu’à la maison, mon père nous a offert Canal + (c’était + avant) et j’ai déjà vu une déferlante de films vivement déconseillés pour mon âge (exemple: « Délivrance » de John Boorman ou encore « un justicier dans la ville » avec Charles Bronson). Quoiqu’il en soit, je ne pense pas qu’une telle jaquette puisse être de nouveau proposée de nos jours dans les rayons.
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Une porte... des mystères... un chewing-gum |
Allez, il est temps de rentrer. Dans sa voiture ma mère clope, beaucoup, c’est pas génial mais j’aime beaucoup ces sorties avec elle mine de rien car j’ai toujours un petit quelque chose en plus. Une fois à la maison, Hors de question de couper au rangement des courses bien qu’il me tarde d’essayer mon nouveau jeu. Ouf, le dernier sac est vidé, direction ma chambre parce que l’heure tourne et je souhaite en savoir un peu plus sur le nouveau venu avant le repas de midi. Pendant le chargement, je relis le résumé: le joueur incarne un aventurier pilleur de tombes armé d’un fusil. C’est simple, efficace, pas très moral non plus mais inutile de se prendre la tête. La cassette blanche avec l’adresse de l’éditeur inscrite dessus continue de dérouler sa bande (un peu plus de 8 minutes), j’en profite pour tester l’un des nouveaux chewing-gum goût exotique (un mélange de saveurs il me semble, agrémenté d’abricot). Il n’est pas mauvais mais j’ai une drôle d’impression en mâchant la sucrerie et retombant sur la jaquette, une sorte d’étrange connexion s'établit. L’écran de chargement ne reprend pas le dessin, heureusement. Ici nous sommes face à une porte entre-ouverte semblant renfermer un savoir interdit.
Une fois le transfert de données achevé et un court écran de présentation, me voilà propulsé dans un labyrinthe au teint jaune quelque peu agressif et des créatures hostiles dont une qui me fait penser à un chewing-gum justement. Je ramasse des coffres sur le chemin. Ouch, le scrolling n’est pas des plus agréable mais je continue ma progression. Je dois bien l’avouer, au bout du niveau, l’ennui commence à poindre son ombre. « Hey, monsieur le gosse pourri gâté, tu ne vas pas faire ton difficile quand même! » Me souffle une petite voix. C’est vrai, je n’ai pas à me plaindre, cependant la réalité est là: Profanation n’est pas le meilleur jeu de ma « CPCthèque ». Oui mais au moins j’ai découvert l’éditeur Chip et aussi le fait que je ne rachèterais sans doute aucun autre de ses jeux! Et puis le chewing-gum que j’ai dans la bouche me laisse un goût désagréable, trop tard l’association est faîte! Profanation rejoint, quelque temps après, les cassettes que j’apprécie le moins dans le carton dédié mais pas avant d’avoir un peu persévéré. Il n’est pas réellement difficile mais trop répétitif et ce n’est pas le changement de couleur entre deux labyrinthes qui changent la donne. Malgré cela, après toutes ces années, je me souviens encore de lui… et de ce fichu chewing-gum!
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