dimanche 27 novembre 2022

Sabbat d'hiver

1989. Dans les bras d’une nuit s’apprêtant à embrasser le cœur profond des ténèbres, l’hiver corrige ses précédentes lignes, ajoutant des accents là où il en avait oublié, le gel quant à lui tient à prouver sa force en montrant qu’il est capable de fendre certaines roches. Tandis que les champs chantent sous l’orchestration du givre, l’astre cendré trouble la pudeur des arbres dénudés par une saison hivernale impassible. Ma fenêtre se laisse quelque peu intimider par le givre extérieur, cependant je suis trop concentré sur l’écran de mon 6128 transfigurant mon visage d’une manière blafarde pour fermer les volets. 

Le soft attirant mon attention mais surtout mon énervement n’est autre que Cauldron, le ton n’est pas à la plaisanterie. Le sabbat se prépare, je dois réunir six ingrédients afin de défaire une citrouille asseyant son arrogance dans les entrailles d’une crypte. Inutile d’aller lui chercher querelle sans les ingrédients réunis (pensez-vous, j’ai déjà essayé!), la cucurbitacée animée par la vie en ces lieux mystérieux se jouera de vous, l’invitant à la suivre avec son sourire malicieux pour mieux vous annihiler dans la toute dernière pièce. Bien que la moitié des vies allouées soit déjà entamée, les rayons lunaires, caressant ma main gauche à travers son périple intimement lié au temps, me confortent pour un nouvel essai. Allez, je suis tout de même capable d’attraper cette clé! Visiblement non, la sorcière semble être plus à l’aise sur son balai et s’envole dans une désagréable cabriole alors que je tente d’attraper l’objet fondu dans le décors.


Quelques écrans plus loin, je parviens tout de même à trouver une autre clé qui m’ouvre l’une de ses grottes aux portes anciennes.  Pendant un instant j’échapperai aux moqueries des fantômes rieurs ainsi qu’aux attaques systématiques des chauve-souris voulant sans doute venger leurs sœurs mijotées dans un chaudron de la vieille femme. Le chemin s’avère hasardeux, les sauts aveugles, la sorcière aussi raide que son balai voit pourtant ses efforts récompensés en caressant du regard l’un des ingrédients situé sur une plateforme rocheuse. A grand-peine, j’obtiens finalement l’artefact… il ne me reste qu’une vie! Un juron est murmuré à la manière du serpent, l’heure avancée n’est pas au bruit, les parents dormant dans une pièce à quelques pas de là. Sur le retour, tout espoir d’accomplir le sabbat se noie dans les flots, la sorcière ne sera donc pas au rendez-vous pour la cérémonie et la citrouille se repaîtra de sa défaite.

Un regard vers mon radio-réveil m’indique qu’un nouvel essai serait boudé par mon besoin de sommeil. Un peu à contre-cœur, je retire la disquette issue de « la collection CPC », éteins le 6128 puis ferme mes volets. Cependant, la nuit est trop belle pour ne pas être admirée. Emmitouflé dans ma robe de chambre à bout de souffle, je me pose aussi silencieux qu’un soupir sur la banquette grinçante bricolée par mon paternel dans la véranda il y a quelques temps de cela. L’air glacial est accentué par l’aluminium structural mais je me sens tellement bien au creux de cette nuit, comme adoubé par cette lune à la lumière filtrée au travers des plaques striées de l’ouvrage vitré. 


Je resterais là un petit moment bien que l’air vif ne cesse de narguer mes pieds nus, m’invitant à trouver la chaleur de mon lit. J’aime tellement ces moments, en harmonie avec les champs alentours, les haies cristallisées. J’ai même l’impression que toute cette végétation me renvoie un amour proche mais il s’agit bien là d’un sentiment égotique propre à l’être humain, ma présence n’ayant aucune importance pour ces lieux. Attendez… une ombre semble s’être dessinée devant l’astre pâle… j’en suis presque sûr, il s’agissait d’une sorcière sur son balais! Hmmmm… peut-être sont-ce simplement  les cratères et mers lunaires. A regret je délaisse la beauté de Nyx pour retourner en ma chambre. Lors de mon retour, le gros chat tigré de la maison « sobrement » nommé Belzébuth par ma mère (car ce dernier attrape toutes les mouches passant sous son nez), dédaigne lever la tête, lui qui ronflait bruyamment tout à l’heure. A contre-cœur il doit se pousser lorsque je me glisse sous les draps réchauffés aux pieds par le matou, mieux qu’une bouillotte! Bientôt le sommeil me gagne et sera teinté par des rêves embrumés. Au-dehors, la pleine lune verra de nouveau l’ombre passer, celle de la sorcière maugréant un sabbat inachevé.

jeudi 24 novembre 2022

Ces ordinateurs sont dangereux

Juillet –– octobre 1993

Dix mois se sont écoulés. Les béquilles ayant soutenu un temps une cheville fragilisée ont laissé place à une démarche plus sûre. Mon tympan meurtri par l’idiotie d’un camarade de chambrée a vu Dame chance poser la main sur sa cicatrisation quasi totale. Cette part d’audition recouvrée me permet de profiter, à dose raisonnable, de mon walkman Aïwa autoreverse offert par mes parents avant mon départ pour le service militaire. 

Au rythme d’un paysage somnolent, le train corail me ramène chez moi, tout du moins pour un temps mais je ne le sais pas encore. Entre les feuilles d’un magazine ciné dédié à la carrière d’Arnold Schwarzenegger, le certificat entérinant mon passage sous le drapeau me fait réaliser la route accomplie et début d’une autre, un peu plus longue, surtout incertaine. Mes pensées sont brutalement interrompues par un militaire du rang faisant partie du même contingent il y a seulement quelques heures encore. Son regard laisse transparaître une lucidité malmenée, son haleine chargée assied mon intuition. La rumeur bruyante,  parvenue jusqu'à moi au travers des portes coulissantes inter voitures, s’ouvrant au grès du déplacement des passagers, était donc fondée. La célébration de « la quille » se veut un peu trop imbibée pour certains. L’ancien « collègue » sent une envie irrépressible de lire, il est clair que si je lui prête ma revue je ne la reverrai certainement pas alors j’émets un refus d’une manière plus ou moins diplomatique. Ce dernier s’énerve, les conditions sont réunies pour une échauffourée et c’est bien la dernière chose dont j’ai envie mais l’arrivée d’un autre fêtard venant chercher son acolyte sauve la situation. Les deux hommes s’éloignent afin de rejoindre leur joyeuse troupe. J’en profite pour ajouter un distance supplémentaire entre eux et moi, changeant de voiture, d’ailleurs certains voyageurs semblent avoir eu la même idée.

A quelques places de mon nouveau siège, un ado est absorbé par son numéro de Joypad, un magazine que je ne connais pas. Un sourire s’esquisse sur mon visage , je me revois lire les numéros Amstrad Cent Pour Cent, empilés à côté de mon 6128 endormi sous les housses confectionnées par ma mère. L’heure d’arrivée approximative fixée par la SNCF est encore loin, aussi je décide de les passer avec les écouteurs dans les oreilles non sans avoir eu un petit clin d’œil des « Tomny Knockers » écrit par Stephen King alors que je cherchais l’appareil dans mon sac. Ce livre m’a accompagné durant une permission passée en caserne. Bientôt, « The Soul Cages » de Sting vient atténuer les quintes de toux, discussions ou encore froissement d’emballages de sandwichs triangles, sons inhérents au voyage ferroviaire. 

Le sommeil s’invite, en filigrane tout d’abord, puis l’enfant d’Hypnos et Nyx vient apposer fermement ses mains sur mon regard. Ce dernier occultera les avions s’envolant dans un ciel d’azur vers une destination inconnue, laissant derrière eux des fils d’Ariane éphémères. Morphée me délaissera juste avant l’entrée en gare. A ma descente du train, quelques salutations à des têtes connues m’ayant accompagné durant ces derniers mois. Par la suite il y aura des lettres, coups de téléphone puis les correspondances s’estomperont, liées et déliées au grès des chemins de vie. Encore un peu endolori, sac sur l’épaule, je traverse le quai sur lequel les ombres s'étirent. 

Dans le hall de gare où se mélangent parfums de viennoiseries, ceux des journaux et odeur de tabac entre autre, ma mère m’attends tout sourire. Quelques minutes plus tard je n’ai jamais autant été heureux de retrouver la vieille Toyota Corolla avec ses sièges délavés. Mon père, affaibli, est lui aussi content de me voir à sa manière. La route se dévoile bientôt après avoir fait fi d’une circulation liée à l’arrivée du train, dans quelques minutes la ville deviendra un bloc dépareillé dans les rétroviseurs. Les kilomètres seront teintés de questions, surtout celles de mon père concernant mon avenir professionnel. Mes réponses seront laconiques, j’ai clairement besoin d’une transition. Mon chien pose sa tête sur mes jambes, sa présence m’apaise tandis que mon regard se perd dans les dernières lueurs empourprées de cette journée.

Euh non pas de cadeaux pour cette année merci!

Au détour d’un repas simple et quelques mots échangés, les nouvelles du coin: la copine qui m’avait préparé ma cassette avec «In the army now » de Status Quo a déménagé pour construire sa vie, elle a rencontré un homme... mes meilleurs pensées vont vers elle malgré un sourire amer. Durant le service ses lettres m’ont réconforté. La fatigue reprend ses droits mais avant de retrouver ma chambre j’embrasse d’un regard les champs alentours. La lumière du couloir dessine les ombres en mon sanctuaire dont une particulièrement reconnaissable. Avec ses housses, plongé dans cette semi obscurité, le 6128 ressemble à un spectre empli de rancœur. Ma lampe de bureau allumée, l’atmosphère s’adoucit quelque peu mais éclipse le noyer et sapin planté pour mon second noël en ces lieux, j’avais deux ans. Allez, le temps de poser négligement mon sac de voyage dans un coin, je tente de renouer le lien brisé. Le moniteur émet son bruit caractéristique, chassant les derniers effets d’une électricité statique renvoyés pas le tissu des protections. Avant que l’écran bleu ne s’affiche mes mains parcourent le carton destiné aux disquettes… Il me faut choisir un soft qui me fera retourner à la source… Conjurer le sort… Voyons voir… 

Oui, très bien! Mon choix se porte sur « The fantastic voyage » édité par Amsoft, inclus lors de l’achat du cpc 6128 via La Redoute. Oui c’est parfait. Mes doigts n’hésitent pas, je connais déjà la commande à saisir pour ce jeu. A peine le temps de poser le fin boîtier cristal sur le bureau que le jeu est chargé. J’aurais peut-être hésité si il s’agissait d’un chargement cassette. La musique se joue et fait remonter chez moi quelques sensations endormies, je passe divers tableaux mais dois me rendre à l’évidence… l’enthousiasme n’est plus réellement présente. La fatigue est désignée comme la coupable idéale. Je décide d’arrêter là pour le moment. L’Amstrad reprend son allure spectrale, protégé comme il se doit.

Les mois passent, un puis deux petits boulots se présentent. Le soir je m’essaye à d’autres softs parmi les disquettes aux étiquettes griffonnées à la hâte comme par exemple « Panza Kick Boxing »  qu’un ancien copain de classe m’avait donné (je remercie d’ailleurs Khaïlas de m'avoir rappelé ce jeu via sa dernière vidéo. Je vous invite à visiter sa chaîne ici). Pendant le court chargement, mon regard se perd sur les gants de boxe offert par un athlète local professionnel, m’ayant appris deux trois petits mouvements depuis longtemps oubliés. Ces derniers ont vu plus d’un match, leur usure en témoigne. Le jeu chargé, j’effectue quelques combats. J’ai assez apprécié ce soft en son temps. Je laisse tomber, tente autre chose comme "Operation Wolf" ou "Ghouls’n’Ghosts" sans plus de motivation. Les mains croisés derrière la nuque, je pose mes idées sur le poster de « Batman Returns » accroché au-dessus de mon bureau. L’ordinateur éteint, je me lance dans la lecture des anciens numéros d’Amstrad Cent Pour Cent… mais oui! C’est ce qu’il me faut! C’est décidé, demain je me rendrai dans le magasin Mammouth où nous allions acheter des softs

Il n'écrasera plus les prix désormais...

Au volant de la Toyota, les kilomètres défilent, dans son habitacle résonne la chanson « Country feedback » de R.E.M puis « The magnificent seven" des Clash entre autre. J’ai profité de mon service militaire pour finaliser l’obtention de mon permis sur une Renault 4L avec ses vitesses type « karaté ». Heureusement pour moi, les leçons de conduite accompagnée m’ont sauvé la mise, celles données à l’armée et l’examen du permis ayant été très légers (une marche arrière, deux coups de clignotants, une priorité à droite… et c’est bon). Quelques instants plus tard, le voilà (non, pas Albator) avec son enseigne défraîchie par les assauts des intempéries. Le fait de chercher une place au sein du parking avec la voiture des parents me laisse un étrange sentiment. Quelques souvenirs affluent, notamment ceux où mon frère était avec nous. 

Allez, il est temps de franchir ces portes coulissantes, accompagné par le contraste des températures… et… Oui, il est encore là, l’espace multimédia du pachyderme, présentant ses portiques de sécurité comme des défenses! Le sourire me revient, de là je ne vois pas encore distinctement les boîtes de softs… mais au fur et à mesure que mes pas réduisent la distance, une certaine appréhension s’empare de moi.  L’Amstrad ne semble plus avoir sa place parmi les rayons là où jadis les boîtiers cristaux de « Renegade » et bien d’autres me faisaient rêver. Absorbé par ma circonspection, je ne le vois pas tout de suite… mais pourtant il est toujours présent lui aussi, l’imposant vendeur aux cheveux roux. Le voile du temps s’est discrètement posé sur les traits de son visage. Micromania et autres catalogues par correspondance ayant fait les beaux jours de mes Amstrad cpc, je ne suis pas revenu ici depuis un moment. 

En levant la tête, nos regards se croisent , un temps d'arrêt est marqué, il semble m’avoir reconnu, lui qui pourtant me regardait à peine lorsque je venais accompagné par mes pairs. Un client l’interpelle, je ne reverrais plus jamais le vendeur. Je sors du magasin quelque peu troublé pour me rendre à l’espace presse, j’ai promis à ma mère de lui acheter ses précieux mots croisés tout comme le programme TV « Télé 7 jours » qu’elle accumule à côté de son fauteuil au rembourrage hémorragique. Bientôt, les parfums de moquettes, plastiques sont remplacés par ceux des magazines, journaux et autres ouvrages. J’ai repéré les deux articles convoités lorsque ma vision périphérique détourne mon attention. Je reste interdit. Tout de noir vêtu, maintenant face à moi, le numéro 49 d’Amstrad Cent Pour Cent. Le sous-titre est sans équivoque: « Nous nous sommes tant aimés ». Je ne compte pas l’acheter mais le prend en mes mains pour être sûr de la réalité de la chose. Un geste maladroit l’ouvre accidentellement, me faisant arriver sur une publicité concernant le livre « ces ordinateurs sont dangereux » écrit par François Quentin. Je repose de le magazine puis sort après avoir réglé mots croisés et programme télé, un peu absent.

Quelques minutes plus tard, me revoici sur le parking. Derrière moi, l’enseigne Mammouth continuera de s’allumer aux premières manifestations nocturnes. D’ici quelques années, le pachyderme subira une nouvelle extinction, ses sacs plastiques verront une autre espèce prendre la place: un oiseau rouge. Pour ma part, octobre 93 marque ma dernière venue en l’hypermarché. A l’heure où j’écris ces lignes, les ordinateurs Amstrad ne sont peut-être plus aussi dangereux mais le souvenir que j’en garde reste féroce.

mardi 22 novembre 2022

Six hommes pour sauver l'ennui - Seconde partie

 1988/1989.

La nuit a été longue, si longue, emplie de songes bordés par une jungle tropicale étouffante, les échos d’une musique ramenant l’âme à d’ancestraux rituels, une peur instinctive commune à toutes les espèces y compris l’homme: Celle d’être pris en chasse par un prédateur. Depuis cette sortie au cinéma en 1987, les effluves (qu’il ne faut en aucun cas croiser) de mon imagination se sont vues accaparées par d’autres œuvres. Le ciel étoilé, sourd aux requêtes humaines (Jodie Foster et Robert Zemeckis nous prouveront pourtant le contraire en 1997),  étend paisiblement son savoir sur les champs alentours, nul signe d’un prédateur en quête de trophées morbides. 

Il vous faudra être indulgent quant aux prochaines lignes, les contours de mes souvenirs se dessinant ici étant plutôt flous. Pourtant, au détour d’une page du magazine réservé aux abonnés Canal +, une nouvelle remet la machine en marche: La diffusion prévue de Predator ce mois-ci!  Discrètement, tout du moins c’est que je crois, j’embarque le magazine… Ma mère hausse les épaules en me voyant faire, ne jurant que sur son programme TV « Télé 7 jours ». Je ne suis donc pas destiné à devenir un « American Ninja » comme fut Michæl Dudikoff, la Cannon Films ne m’appellera sûrement jamais! Dans ma chambre, un xénomorphe sortant d’un poster à grand renfort d’acide semble faire grise mine. Ce dernier se présente sous un format différent des autres, toute en longueur, je l’ai accroché juste à côté de mon lit (faites de beaux rêves) accompagné d’un « quelle horreur! » soufflé par ma mère. L’annonce d’un nouveau champion dans l’arène ne lui plaît guère mais convient fort bien à Ripley que ce combat ne concernera pas. Terminator s’en fiche, Rocky Balboa, lui, continue impassiblement de lacer ses chaussures derrière la porte en vue d’un futur match. Je découpe la page dédiée au Major Dutch et l’appose fièrement sur le mur, juste à côté de mon Amstrad CPC histoire d’être sûr de ne pas oublier la date de la première diffusion… Je sais d’avance qu’il n’y aura aucun risque.

Une cassette, un prédateur.

Les semaines s’écoulent, les jeux défilent sur mon cpc, le magnétoscope émet toujours la même plainte lors de l’insertion d’une cassette. D’ailleurs celle de Tarantula, long-métrage réalisé par Jack Arnold, enregistrée lors de la deuxième partie de la dernière séance diffusée un mardi soir de 1986 m’a lâché il y a peu de temps. A sa décharge, je l’ai visionné un nombre incalculable de fois. Il est temps qu’un successeur viennent à sa rescousse et j’ai spécialement dédié une cassette neuve de marque « Scotch » pour celui-ci (de la bouse cette marque comme me le fera remarquer un membre de la famille versé dans le métier de la vidéo). 

C'est pas très gentil ce que tu as dit sur notre jeu dans ta vidéo...

Il me faut encore user d’une faille temporelle, de quelques jours tout au plus. Ma curiosité a finalement été assouvie, j’ai enfin pu voir « Predator » de John Mc Tiernan avec Arnold Schwarzenegger, le film devenant instantanément culte pour moi, la musique d’Alan Silvestri ayant fait le reste. J’ai attendu l’extrême fin du générique pour être absolument sûr d’avoir correctement effectué l’enregistrement, m’empressant ensuite d’apposer ma marque sur la cassette avec mon écriture manuscrite quelque peu incertaine et en brisant la languette, empêchant une éventuelle erreur d’enregistrement. Comme par exemple l’écrasement de Dracula Prince des ténèbres (Christopher Lee) avec un épisode des cinq dernières minutes. 

Les dimanches matins suivants seront les témoins circonspects d’une cérémonie qui me sera propre: le visionnage systématique de Predator, voyant le major Dutch et ses hommes s’enfoncer dans la jungle hostile, poursuivi par le chasseur extra-terrestre. Parfois, les explosions du film sèment le signal péritel, terminant dans un festival crypté le temps de quelques secondes tout comme la cassette qui parfois laisse une légère bande disgracieuse balayer l’écran. Cela ne me gêne pas. Vêtu de ma robe de chambre élimée, affalé dans le canapé familial tailladé par des générations félines, je suis trop absorbé par Billy ayant déjà compris que leur poursuivant n’est pas humain. Les moustaches de Carl Weathers et Jesse Ventura n’y changeront d’ailleurs rien.

Allez le mec du blog, avoue que tu es jaloux de nos moustaches hein!

Le film terminé, la télécommande aux boutons bringuebalants pour certains se charge d’envoyer la commande de rembobinage du film. Pendant ce temps, mes pensées se perdent sur le tapis passé, style ancien, en provenance de La Redoute. Quelques braises échappées d’une cheminée trop affamée et confortée par un rude hiver, ont grignoté l’ouvrage textile à certains endroits. La fonction éjection du magnétoscope vient interrompre ma contemplation de fortune, je dois me rendre à l’évidence: la cassette ne se rangera pas toute seule! Quelques minutes après, ma robe de chambre laisse mes doigts sentir l’air ambiant à travers ses poches percées et c’est d’un pas traînant que je me dirige en mon sanctuaire. On me suit, j’en suis persuadé, cependant il ne s’agit pas du prédateur, enfin si mais ce dernier ne s’intéresse qu’aux pantoufles de la maison. Il s’agit de mon chien, toujours à l’affût pour jouer. Après quelques échanges de balles avec lui sous la véranda, je me décide à retrouver mon Amstrad CPC. A quoi vais-je jouer? L’adaptation de Predator est exclue, d’ailleurs j’y ai joué très peu… Disons que je souhaitais éviter les répétitions avec le film (ma vidéo concernant la compilation Dynamite de Ocean se chargera de discréditer la mauvaise foi évidente de ces derniers mots).

Mon regard dévie vers la fenêtre qui m’offre le spectacle d’imposants nuages blancs traversant paresseusement le ciel bourbonnais. La météo du jour semble vouloir tenir ses promesses. Mon attention revient à la compilation « explosive » … « Gryzor »… Oui, c’est parfait! Néanmoins, Lance doit arriver par la compagnie bande magnétique, vol 464. Qu’à cela ne tienne, mon imagination a ainsi le temps de vagabonder par-delà l’imposant noyer et ses feuilles bordant ma fenêtre… Son écorce m’intrigue, elle semble avoir été en mouvement le temps de quelques secondes… Un camouflage optique? Tout près de mon cpc, la silhouette du Major Dutch Schaeffer aux abois me fait comprendre que je n’ai pas grand chose à craindre.

Ouais ben j'arrive, je suis sur cassette je te rappelle!

Cependant, un autre prédateur que l’on ne peut arrêter est en route… Son nom est « dimanche après-midi » accompagné par son acolyte « fin de week-end » et comme dirait Scwharzy il n’ont pas « une gueule de porte-bonheur ».

vendredi 18 novembre 2022

Six hommes pour sauver l'ennui - Première partie

1987. Trois âmes sortent d’une salle de cinéma. Mes parents et le conteur de ces lignes? Non, un copain, son père et moi. Il n’y aura donc pas de rue sombre, de meurtre et aucune tragédie similaire à celle de Bruce Wayne. En ce dimanche après-midi, le paternel du copain décide de nous emmener au cinéma pour briser l’ennui. Eux aussi vivent en milieu rural, pas très loin de chez moi et il nous faut donc parcourir un peu plus de trente kilomètres avant d’atteindre le cinéma situé au sein de la plus grande ville près de notre village. Le film? En cet instant ni lui ni nous ne connaissons encore la programmation.

Arrivés là-bas, une foule éparse (devenant sentimentale avec Alain Souchon quelques années plus tard) prend ses billets. Je ne me souviens plus des affiches de tête mais le choix se portera finalement sur « Six hommes pour sauver Harry » réalisé par Stuart Rosenberg (Amityville) dont le casting m’évoque déjà quelques autres films: Robert Duvall, Gary Busey, Mark Harmon, les autres acteurs ne me rappelant rien. Le pitch ne m’inspire pas vraiment: un ingénieur se voit kidnappé en Colombie, Washington  pas très enclin à négocier refuse l’offre des ravisseurs. Les potes de Harry ne l’entendent pas de cette oreille et, accompagnés d’un mercenaire expérimenté, décident de passer à l’action. Non, je ne suis vraiment pas emballé mais je fais silence, je suis invité et qui plus est la place m’est offerte. Les occasions d’aller au ciné sont quasi inexistantes pour moi, la dernière datant de 1982 pour aller voir E.T à sa sortie avec ma sœur, mes parents n’étant guère intéressés par la fréquentation des salles. Ma culture cinéphile est constituée essentiellement par les diffusions télé, cassettes louées par mon père parfois auprès du vidéoclub à la sortie de son boulot, les magazines « Mad Movies » et « Impact », sans oublier Canal + présent dans notre foyer depuis 1984. Je me souviens d’ailleurs encore de la grille des futures diffusions lorsque mon père branchait pour la première fois le décodeur. Ainsi le dessin animé de Mister T, Sherlock Holmes de Miazaki entre autre seraient les premiers à constituer le programme jeunesse de la chaîne cryptée.

Hey les mecs, vous avez lu son avis sur notre film?

1h40 plus tard, je suis assez soulagé de sortir de la salle et là… Juste devant moi… une affiche que je n’avais pas remarqué à notre arrivée attire mon attention: Celle du film Predator avec Arnold Schwarzenegger. Derrière moi j’entends l’adulte qui nous accompagne s’exclamer: « alors celui-là il faudra le voir! ». Cela ne se fera jamais, les chemins de vie en ayant décidé autrement. A présent il est temps de rentrer. Dans la rue bientôt recouverte d’une fine pluie, un homme marche vers une destination inconnue. Vêtu d’un blouson en cuir, cheveux grisonnant, moustache, il porte deux sacs de voyage et je ne peux m’empêcher de penser à Paul Kersey (Charles Bronson) quittant la ville dans « Deathwish 3 » après avoir semé le boxon parmi les malfrats. Dans la voiture, le retour se fait en silence, notre séance ciné n’ayant pas suscité un enthousiasme particulier. Le père du copain fait néanmoins quelques blagues de tonton et nous raconte la fin d'un autre film de série B (plutôt Z) où le méchant termine sa carrière brutalement, affublé d'une grenade dans le slip. Peu à peu, la densité des habitations cède la place aux champs revigorés par la pluie.

 En rentrant, passant à proximité du salon,  la rumeur en provenance des émissions de Jacques Martin me parvient. Après les salutations d’usages auprès des parents indiquant mon retour, je retrouve ma chambre avec mon poster de Commando au-dessus du lit offert par ma mère qui aime le cinéma elle aussi, tout comme les séries (dont l’incroyable Hulk avec Bill Bixby). Mais où se trouve donc l’Amstrad CPC? Le souvenir se veut un peu plus flou sur ce point mais cela se joue à une poignée de semaines concernant son arrivée. Alors que le cycle diurne, imperturbable, poursuit son chemin, je me replonge dans les magazines de cinéma à ma disposition, laissant cette fin de dimanche après-midi que je n’ai jamais réellement apprécié agoniser en attendant l’émission « Sept sur Sept », sonnant le glas d’un week-end trop court tandis que Rosy Varte voyait rouge dans Maguy sur Antenne 2.  Benny Hill viendra panser les plaies à 20 h puis, dans quelques heures, il sera temps d’affronter une nuit où le sommeil n’occupera qu’une maigre place... Et Predator dans tout ça? Il devra attendre la suite de l'article!

dimanche 13 novembre 2022

Imagination vindicative

1988. Mon anniversaire s'approche et nourrit l’espoir d'avoir un jeu pour mon Amstrad CPC 464. Depuis l'année précédente, les bandes magnétiques défilent au sein du lecteur partageant mon temps libre avec le vélo, la lecture et ma culture de cinéphile « télévisuel » grâce à Canal+. Les pages grises de Micromania, nichée au cœur du magazine Amstrad Cent Pour Cent attisent ma curiosité et surtout mon imagination concernant des softs récemment sortis. Quelques pages plus tard, une illustration réalisée par Bob Wakelin servant de support à une pub attire sérieusement mon attention : The Vindicator édité par Imagine Software. Outre cette dernière, les graphismes renvoyés par les captures d'écran juste au-dessus promettent du lourd.

Les beaux jours de l'Amstrad CPC.

Je suis bientôt extirpé de ma contemplation par l’arrivée de mon père qui porte peu d’intérêt à ces lectures liées au monde du jeu vidéo. Cependant, sa venue est motivée par autre chose qu’un énième reproche envers le domaine. N’étant pas du tout au fait de l’univers CPC, il me demande si un jeu destinée à ma machine me ferait plaisir pour mon anniversaire. Inutile de dire que je saisis cette occasion pour lui indiquer le jeu souhaité: « The Vindicator ». D’habitude perplexe, son regard est cependant attiré par les « dog tags » porté par le protagoniste. Vétéran de deux guerres avec citations pour ses actions, j’affiche fièrement ses médailles derrière la porte de ma chambre et suis le gardien de quelques effets personnels liés à cette ancienne vie comme son casque. Il fût un temps où j’écoutais ses récits, saisi par l’effroi. La discussion cesse lorsque je me mets à évoquer le scénario dans lequel la Terre se retrouve sous le joug d’un envahisseur extra-terrestre particulièrement belliqueux. Le personnage, un petit air de Terminator avec ses lunettes, se met en route pour délivrer l’espèce humaine. Mon père ayant quitter la pièce avec le titre du jeu pour passer commande auprès de Micromania, je me replonge dans la contemplation de l’illustration, mon imagination se projetant déjà dans le soft.

Une pub et des coquilles...

Les jours passent, Octobre assoit le règne de cette saison automnale, l’événement tant attendu arrive. Quelques bougies et une part de gâteau plus tard, me voici de nouveau devant mon 464 avec un boîtier cristal en main, celui du jeu souhaité. Pendant le chargement, je consulte la notice et à mon grand étonnement découvre le sous-titre « Green Beret II » en sa première page. Un petit arrangement scénaristique pour renforcer le contexte, préciser que le personnage central est un béret vert, un soldat d’élite. Le jeu vient de terminer son chargement, la musique attire immédiatement mon attention, je l’apprécie déjà beaucoup. Le soft se découpe en trois parties, la première implique très vite la nécessité de faire un plan si on veut se retrouver dans ce complexe destiné à être détruit par nos soins via une bombe. Il faudra aussi trouver les cartes qui, mises bout à bout, délivreront le code pour passer au niveau 2. 

Non mais alors là, on va pas se laisser faire!

Ce second niveau se veut orienter plus arcade, mettant le joueur aux commandes d’un avion puis d’un tank pour se frayer un chemin jusqu’à l’antre final de l’envahisseur, troisième et dernier niveau du jeu. C’est d’ailleurs celui-ci qui a ma préférence, reprenant les graphismes du premier niveau. Il me faudra quelques temps pour terminer « The Vindicator » qui fit partie du cercle de mes jeux préférés sur Amstrad CPC. Après toutes ces années, lorsque je regarde l’artwork de « The Vindicator », je me revois en cette année 1988 ranger soigneusement sa boîte, butin d’un anniversaire, dans mon carton dédié aux bords découpés de façon hasardeuse.

lundi 7 novembre 2022

Well, what can I do for you?

1994 ===> 1997. A regrets, j’ai dû laisser l’Auvergne dans le rétroviseur de ma Peugeot 104 Z après un dernier regard vers les champs qui ne seront plus jamais miens. Sur la route menant à ma nouvelle région d’adoption, l’autoradio estampillé Blaupunkt déverse via les baffles faisant quelque peu vibrer les portières, « Driven to tears » du groupe « The Police ». « What is my reaction, what should it be? » chante Sting… Qu’il en soit ainsi, les choses ne vont pas toujours dans le sens souhaité.  Devant moi, la voiture des parents, conduite par mon père  « omniscient », les kilomètres défilent, l’amertume aussi… Bientôt les lumières blafardes des lampadaires se substitueront aux étoiles du ciel bourbonnais, les rues tentaculaires, bruyantes, remplaceront le hululement des chouettes et les champs cesseront de chanter pour moi sous le givre d’hiver.

Trois gusses, une caisse, un souvenir...

Ce qu’on appelle la vie active est déjà venue à ma rencontre, juste après le service militaire, mais prend une autre forme au sein d’une usine de mécanique, me propulsant dans une spirale de brûlures lorsque les copeaux volent d’une machine peu sécurisée, de sang lorsque mes mains rencontrent l’appétit vorace d’une meule sans âme. Il y a aussi le froid mordant des matins d’hiver éclairées parfois par la pleine lune déversant sa lumière en l’habitacle de ma voiture alors que j’attends l’ouverture des portes dont s’échappe une lumière crue. A l’intérieur, la température n’est guère plus indulgente, la faute au chauffage en panne à moins que ce ne soit celle du patron, un vieux de la vieille des manufactures, qui ne souhaite pas le faire réparer. Place ensuite à l’été, transformant désormais le hangar lié d’amitié aux quatre vents en fournaise appuyé par l’odeur d’huile de coupe, crissement du chariot élévateur et hurlement aiguë des pièces métalliques en cours de transformation. Il y a bien des ombres, celles des inspecteurs du travail, qui passent de temps en temps mais leurs recommandations ne ressemblent guère plus qu’à des spectres de pacotilles brandis pour Halloween. 

Le temps passe (emmène la mémoire comme le chantait Silmarils), les locations s'enchaînent, les parents voient les maisons se succéder, pour moi ce sont les appartements, au détour des saisons une silhouette féminine vient embrasser certains d’entre eux. Il y a aussi le retour à la case départ accompagné par Opale, la chatte noire dont je vous ai déjà parlé dans les articles précédents. En cette année 1997, c’est dans une petite impasse que mes parents louent un modeste pavillon à proximité d’une école de gendarmerie. Le voisinage immédiat est essentiellement composé de familles de militaires mais aussi de personnes retraitées, l’ambiance est plutôt bonne, apaisée. Les bâtiments sont mitoyens pour la plupart et en cette matinée mon père semble avoir sympathisé avec notre voisin immédiat, un officier exerçant au sein de l’école à deux pas d’ici. Il a deux fils, Yann et Frédéric. Le premier est versé dans le domaine informatique et suit des études en ce sens. Le second, un peu rebelle, suit son propre chemin. Nous sympathisons nous aussi et je me retrouve chez eux après quelques paroles échangées.

Là, dans la chambre de Yann, une bécane de compétition (pour l’époque) est à l’œuvre. Il s’évertue à rentabiliser l’achat d’un graveur et d’une pile de disque vierge. Moi, j’ai fait quelques pas timides en informatique avec une configuration honnête (appuyé par l’analyse de Yann) doté de Windows 95. La discussion dévie très rapidement vers le jeu vidéo. L’Auvergne n’est pas la seule à être restée derrière moi, mon cpc 6128 également. Ce dernier a trouvé place chez mon frère l’ayant récupéré lors de sa dernière visite. Mais pour l’heure les discussions sont vives, passionnées. L’opération gravure est momentanément mise de côté et notre amitié se consolide autour de ma toute première partie LAN dans Duke Nukem après quelques connexions et l’ordinateur de leur père rapatrié dans la chambre. Les deux frangins se relaient face à moi, les rires ne tardent pas à fuser bref c’est l’éclate totale.

Nous nous sommes tant aimés...

La partie terminée, les choses sérieuses reprennent, un nouveau disque vierge relance la procédure de gravure. Au bout de quelques instants un message contrarie Yann, les disques vierges semblent être de piètre qualité puisque l’opération vient d’échouer à nouveau. Posée à proximité du clavier, sur un bureau ordonné, une boîte attire mon attention. Accaparé par le problème, Frédéric me tend cette dernière parée de noir sur lequel un démon au regard puissant et moqueur à la fois défie les mortels. Le titre de ce jeu: Diablo édité par… Blizzard? Je ne connais pas mais en réalité le jeu sur PC m’est totalement étranger en cet instant. D’un haussement d’épaule, je signifie aux deux frères mon ignorance concernant le soft. Il ne leur en fallait pas plus pour me faire essayer le jeu.  Après quelques accès disque, me voici face à l’imposant logo Blizzard s’annonçant bruyamment puis le menu principal du jeu reprend les ténèbres de la boîte. Une musique, discrète tout d’abord, monte en puissance. Quelque chose se réveille en moi mais je ne suis cependant absolument pas près pour ce qui va survenir.

Mouaahahahahahahahahahahahahahahaha!

Une partie étant déjà entamée, Yann prends les commandes d’un guerrier. En réalité il est possible de choisir deux autres classes: archer ou sorcier. Un nouveau chargement se présente. Un séisme se prépare dans les cliquetis de la machine… Il suffit d’un seul morceau, composé par Matt Uelmen (comme le reste de la bande son d’ailleurs) intitulé Tristram pour créer en moi un nouveau choc émotionnel lié au jeu vidéo. Quelle musique, non mais QUELLE MUSIQUE!!!! Preuve en est puisque, après toutes ces années, le morceau me sert de réveil matin. En quelques secondes, me voici happé par l’univers de Diablo. J’ère dans ce village où, un forgeron, un guérisseur, un aubergiste ainsi que sa serveuse, un vieil érudit et une sorcière sont en proie à un grand tourment: la désacralisation de l’église locale par un puissant démon: Diablo.  Cette rapide description est loin de faire honneur au « lore » et je laisse les différents wiki compléter ces quelques mots, veuillez me pardonner Roi Léoric!

Pour être tout à fait honnête, à cette époque, mes notions de RPG ne sont que rudiments archaïques même si ici le jeu est de type « Hack’n’Slash ». L’aventure se poursuit, nous voici en l’église maudite, la musique change, l’ambiance est oppressante. Je suis conquis. Frédéric a un petit sourire en coin et donne un coup de coude de connivence à son frère. L’heure tourne, je dois les laisser, des images plein la tête. Entre deux je discute avec leurs parents, je les apprécie également et c’est réciproque. Alors que je m’apprête à sortir, Yann m’interpelle en me tendant un disque. Je reconnais cette dernière, c'est celle de Diablo qu'il me prête. Après l’avoir remercié, je repars avec le sourire, la musique de Tristram en tête qui ne me quittera plus.  Quelques pas plus tard, une tête de chat dépasse des rideaux de ma chambre située au rez-de-chaussé, Opale m’attend de patte ferme avec ses grands yeux jaunes, un peu comme de la télépathie je lui lance « soyons indolents» de la chanson « immobile » du groupe français « Autour de Lucie » découverte musicale post déménagement. Mais en réalité j’ai hâte d’installer mon nouveau jeu!

Et maintenant?  Le disque de Diablo emprunté aux deux frères est depuis longtemps retourné chez lui, se perdant dans les sables du temps (Le Prince de Perse sait de quoi je parle) tout comme nos chemins de vie. D’ailleurs, si d’aventure Yann ou Frédéric lisaient ces lignes, qu’ils n’hésitent pas à me contacter, rien ne me ferait plus plaisir. Entre temps, un certain GOG est venu à ma rescousse, en proposant la réédition de Diablo pour une somme modique. Ainsi, à chaque fois que j’entends les premières notes de Tristram résonner en mes oreilles, je me remémore irrémédiablement cette journée de 1997….. « Well, what can I do forrrr you? ».

Dédié à Yann et Frédéric.

samedi 5 novembre 2022

You're in the army now

Été 1992. Le soleil est là comme le chantait L’affaire Louis trio (un peu plus tard) mais ses rayons me renvoient un goût amer. Au-dessus de mon bureau sur lequel trône mon Amstrad CPC 6128, un poster reprenant l’affiche de Batman Returns réalisé par Tim Burton qui s’apprête à sortir. Comme pour pas mal de films ayant leurs affiches accrochées sur les murs de ma chambre, je ne le verrai pas au cinéma mais lors de sa diffusion à la télé. De toute façon je n’ai pas réellement le cœur à ça, me contentant de tourner distraitement les pages d’un magazine Mad Movies dédié à la saga Alien dont le troisième volet réalisé par David Fincher est prévu pour la fin août. 

Pourquoi ne pas écouter un peu de musique, histoire de me changer les idées? J’allume ma chaîne hi-fi, une marque japonaise bon marché monobloc dotée d’une platine disque, du légendaire double cassettes, tuner et d’un lecteur cd. Comme à son habitude, cette dernière laisse échapper un souffle continu dont j’ai l’habitude de m’ accommoder. Bon vers quel album vais-je me diriger? « Synthétiseur 2 », le vinyle du film « Le parrain » dégoté dans un vieux carton des parents? Mon regard fini par croiser l’étiquette d’une cassette déjà présente dans l’un des lecteurs, celle d’une compilation maison arrangée par une copine de lycée. Lorsque j’enfonce la touche « play », le groupe Status Quo me rappelle, avec son morceau « In the army now », à ma triste réalité: au mois d’octobre, je vais incorporer l’Armée de Terre pour honorer mon service militaire, devançant l’appel. Habituellement, j’ai tendance à sourire face aux blagues de cette amie mais en cet instant mon visage se veut quelque peu crispé.

Wooooowwwoooowwwww....

Bon, je laisse tomber la musique finalement, j’éteins l’appareil me libérant ainsi de son souffle. Bientôt, un autre appareil me permettra d’emporter cette cassette avec moi, un walkman Aïwa auto reverse offert à l’occasion de mon anniversaire, bien plus léger que mon tout premier, la technologie évolue, « on avance on avance » comme chanterait Alain Souchon. C’est aussi un cadeau pour mon départ en Alsace, soit à 400 kilomètres de chez moi, petite « surprise » grinçante suite aux fameux trois jours passés à Lyon il y a quelques temps de cela afin de valider mon aptitude au service militaire: « Vous souhaitez être incorporé pas trop loin de chez vous? Pas de soucis! ». Je tourne en rond, bordel cette journée s’annonce sans queue ni tête! Mon regard se dirige à présent vers ma table de nuit où, près du radio réveil cubique au rouge criard (cadeau des Trois Suisses), est posée ma lecture du moment: Rain Man, l’adaptation en roman du film de Barry Levinson avec Tom Cruise et Dustin Hoffman, ce dernier jouant le rôle d’un homme autiste. J’ai beaucoup aimé le film et la curiosité m’a poussé à aborder le livre trouvé dans un coin de la bibliothèque familiale. En regardant la couverture j’ai toujours la musique en tête. Me voilà donc parti pour quelques (courts) instants de lecture. Mais rien y fait, mon indécision me pousse à abandonner les lignes au profit de mon Amstrad CPC éternel compagnon de jeu

Bon, c’est bien beau mais mon esprit tourmenté est-il décidé à choisir un soft? Mes yeux parcourent les titres à l’intérieur du carton dédié, le même depuis le début de ce jour d’été 1987. Depuis quelques temps, les disquettes aux boîtiers cristaux ont vu leur emballage se muer en simple étuis Amsoft teintés de gris et rouge. La maladie ayant rattrapé mon père , la fête n’est plus à la maison comme veut le faire croire ce slogan d’une célèbre marque de plats mexicains. La pudeur veut ici que je passe sous silence ce dernier point. Les voici donc ces disquettes aux étiquettes remplies de noms divers griffonnés à la hâte au crayon HB. Là, calée entre deux boîtiers cristaux témoins des beaux jours des feuillets bleus Micromania, l’une d’entre elle indique la présence d’un jeu sorti il y a quelques temps déjà: L’île de Alain Massoumipour alias Poum, rédacteur dans le magazine que je n’achète plus non plus,  Amstrad 100% devenu désormais bimestriel.

Toi qui a le courage...

C’est sans grande conviction que je me lance dans le soft édité par Ubi Soft. Bientôt l’écran de chargement, la voix digitalisée, sa musique et l’introduction du jeu font que la magie fonctionne encore. Me voilà sur une île déserte, accompagné par le ressac de l’océan. Mon but: retrouver mon prédécesseur échoué lui aussi sur cette île. Oui, l’ambiance est là, j’aime déjà beaucoup ce jeu d’aventure texte plus souple que ces prédécesseurs en la matière. Plus j’avance et plus l’envie de rester sur ce morceau de Terre perdu au milieu de nulle part se fait sentir. La difficulté est elle aussi adoucie, je termine l’aventure et n’ai qu’un souhait recommencer. Ce que je fais d’ailleurs. Car l’île sera le tout dernier jeu à tourner sur mon Amstrad CPC. Après ces quelques instants de jeu, le moniteur se manifeste par le relâchement de son plastique encore chaud, la lumière de cet été nettement moins chaud que les précédents m’appelle, prendre l’air ne me fera pas de mal.

Octobre s’est si vite profilé, j’ai l’impression d’être pris en traître. Le jour fatidique est finalement arrivé. Au-dehors, la Toyota corolla un peu essoufflée attend son passager, au volant ma mère. Mon sac sur l’épaule, je jette un dernier regard sur ma chambre: rien ne sera plus pareil désormais, je le sais. En refermant la porte, les autocollants de Batman et Robocop (obtenu dans la compilation « Les justiciers ») font leur apparition. Ce dernier m’assure qu’il veillera sur mes affaires avec sa mention: « Cette maison est gardée par Robocop ». Je souris à celle-ci et ne peut m’empêcher de murmurer: « Je compte sur toi mon vieux ». Allez, plus de temps à perdre, rater mon train est exclus. Il nous faut encore parcourir à peu près 35 kilomètres pour atteindre la gare qui n’est pas celle de la ville habituelle, une sombre histoire administrative.  Sur la route ma mère parle un peu histoire d’alléger l’instant et me glisse un billet dans la poche gauche de mon blouson. A un moment, nous traversons une route boisée par des résineux, ce qui me ramène à la séquence où Batman emmène Vicky Vale au volant de sa Batmobile sur la musique de Danny Elfman. Nerveux je m’assure que j’ai bien toutes mes affaires, surtout mon walkman accompagné de ses cassettes: « The Soul Cages » de Sting mais aussi « Nevermind » de Nirvana entre autre… sans oublier celle de ma copine de Lycée.

Toujours avoir sa b... et son couteau, première règle!

Les semaines passent, les classes sont douloureuses, il y a une entorse et du sang (tympan percé) à la clef, par conséquent quelques jours de convalescence me sont attribués. Une casquette de baseball vissée sur la tête, cachant mon crâne presque rasé, je me retrouve devant mon bon vieux CPC 6128 endormi sous les housses maison confectionnées par ma mère. Avant cela j’ai eu le droit à mille et une questions de mon paternel, lui qui était béret vert, vétéran de deux guerres et présent à certains moments clefs historique veut savoir ce qu’il en est. Un peu malgré moi (les réflexes reviennent vite), je jette un œil dans mon carton de softs. Je repense alors à « Combat School » présent sur la compilation « Dynamite » édité par Ocean et qui n’a jamais voulu tourner sur mon cpc 464 (comme l’a souligné un membre d’un des groupes Amstrad sur FB, mon lecteur avait peut-être un soucis au final). Ironie du sort, mon plâtre à la cheville m’évitera le fameux parcours du combattant. De plus le visage de l’instructeur me rappelle le maréchal des logis chef de mon peloton. Maigre, sec, mais capable de mettre à terre un appelé voulant jouer le caïd en un rien de temps. Finalement, je range le carton, remet les housses sur l’ordinateur, jouer ne me dit rien. Mon regard se pose sur les champs libres de toute neige en cet hiver 1992, puis sur le poster de  Batman Returns. Et si j’allais plutôt voir ce qui passe sur Canal +? Appuyé sur mes béquilles, je passe devant l’autocollant de Robocop… Merci Murphy, tu as bien fait ton job…

vendredi 4 novembre 2022

La souris et le bombardier

1989. L’hiver, le vrai, le dur, est bien installé recouvrant en cette nuit dominée par une pleine lune enceinte d’un soleil déjà fatigué, les champs de givre. Si le cœur vous en dit et que les prémices de l’aube ne vous font pas peur, il est possible d’entendre ces derniers chanter alors que l’astre solaire tente d’effacer cette dette nocturne glacée. Mais pour l’heure, je suis calfeutré dans ma chambre devant mon cpc 6128, plongé dans une quasi obscurité que ma lampe de bureau articulée tient en respect par son halo jaunâtre. 

Je suis concentré, la boîte de la compilation « 12 jeux fantastiques » éditée par Gremlin Software ouverte, la portion de notice dédiée à « Night Raider » en évidence. Je vous l’ai déjà écrit (ou peut-être dit dans une vidéo) mais je ne suis pas très féru de simulation. Pourtant « Night Raider » m’intrigue et, je l’avoue, l’illustration de couverture mettant en scène un bombardier se détachant d’un ciel d’encre m’a attiré. Et puis il y a une ambiance particulière qui se dégage du soft. Celui-ci se déroule en pleine seconde guerre mondiale et nous met dans le cockpit d’un Grumman Avenger. Le diriger ne sera pas une mince affaire car le joueur devra occuper plusieurs postes, du pilotage à la supervision des moteurs en passant par l’artillerie. A ce titre , mention spéciale pour le manuel d’utilisation expliquant très bien le fonctionnement du jeu en présentant également les faits historiques. 

Un poste à ne surtout pas négliger.

Je dois d’abord m’entraîner à diverses manœuvres de base, comme le décollage et l’atterrissage avant de prétendre m’envoler pour torpiller le cuirassé Bismarck. Allez, avouons le, mes débuts ne sont pas très glorieux et alors que mon appareil s’écrase une nouvelle fois lors d’un appareillage manqué mon regard est attiré vers ma fenêtre. Au-dehors, comme pour me taquiner, l’astre cendré se montre furtivement à travers un épais nuage solitaire. C’est sans doute le moment opportun pour faire une pause, en profiter pour fermer les volets et ainsi faire barrière au froid prononcé de cette nuit hivernale. Oui mais voilà, je réalise aussi que je ne suis pas seul. Sur le rebord de ma fenêtre, une souris s’est installée, profitant de la chaleur dispensée par le radiateur. Elle aussi réalise qu’elle vient d’être découverte, aux aguets, prête à déguerpir si l’humain assis à son bureau devient menaçant. En milieu rural, les rongeurs sont légions, j’y suis habitué. 

Les volets attendront, je suis en plein apprentissage de pilotage, c’est du sérieux, j’ai une mission à remplir moi! Dressée sur ses pattes arrières, la souris renifle l’air ambiant, moi je reprend ma phase d’atterrissage. Graphiquement, je trouve le jeu plutôt réussi, j’aime beaucoup le poste d’ingénieur avec son tableau de bord, d’ailleurs il faut bien penser à en éteindre la lumière une fois les manipulations effectuées, sous peine de se faire repérer par l’ennemi en vol. La soirée avance et touche bientôt à sa fin, cette nuit verra l’équipage du Bismarck dormir en paix, je ne réussirais pas à atteindre ma cible. « Et toi, qu’est-ce que tu en penses? » Dis-je à l’adresse de ma compagnie de fortune… Mais cette dernière est déjà partie. 

En fermant mes volets, j’adresse un dernier regard à la nuit alors que le froid cingle mon visage. Là, au détour des nuages éparses, n’est ce pas une ombre grondante qui se détache de cette lune argentée? Non, il n’y a rien mais mon imagination semble vouloir prouver le contraire. Une fois les disquettes noires et la notice rangée dans la boîte aux teintes bleutées, il est temps d’aller à la rencontre de Morphée. Alors que le sommeil me gagne, j’entends la course effrénée d’un petit rongeur dans les murs et si j’allume la lumière je suis sûr de retrouver la souris près du radiateur, mais je préfère prendre tout le repos nécessaire…. Ce week-end se passera dans un bombardier Grumman Avenger.

jeudi 3 novembre 2022

L' Amstrad ou la vie sauvage

Inutile de tergiverser, oui je vais vous parler d’un jeu Amstrad CPC dans cet article mais auparavant je vous invite à me suivre pour un bon dans le temps, jusqu’en 1988 plus précisément. C’est lundi (dans mon lit aurait ajouté Jesse Garon), le collège reprend ses droits au travers d’une nouvelle semaine débutant avec le cours de français. Cela pourrait être pire, j’aurais très bien pu entamer cette maussade journée par les maths! Sauf que j’ai très envie d’être ailleurs comme devant mon ordinateur par exemple! Ma vision de cette matinée va pourtant se muer en curiosité. Devant moi, sur mon bureau de collégien portant les traces de plusieurs générations de compas, un nouveau livre signifiant une étude de texte, des questions mais aussi une longue lecture qui s’avère en général fastidieuse si le thème ne plaît pas. La grisaille des lourds nuages d’automne s’éclipse lorsque mon regard se pose sur le titre de l’œuvre: « Vendredi ou la vie sauvage ». Michel Tournier? Connais pas, jamais entendu parler alors. Nous entamons la lecture et bientôt, le naufrage du navire nommé « Virginie » sur lequel se trouve Robinson Crusoé dessine les prémices d’une nouvelle vie. Comme pour appuyer le récit, la pluie dépose quelques timides gouttes sur les fenêtres de la salle où nous étudions mais en réalité je sens sa présence d’une oreille distraite, rivé sur l’ouvrage qui captive toute mon attention. 

Quoi? Notre lecture doit déjà cesser? La sonnerie retentit pour appuyer les dires de la prof de français qui capte mon regard étonné et s’en amuse, sans doute ravie par mon intérêt concernant le livre. La journée se déroule au fil des cours mais mon esprit lui est resté sur cette île au large des côtes du Chili. En rentrant je n’ai qu’une envie, exceptionnellement non liée au CPC 464 mais à la reprise de ma lecture. Cependant je préfère attendre le soir, juste avant de dormir, habitude que j’ai conservé. Robinson Crusoé, ce nom me dit déjà quelque chose… Mais oui! Il fait partie des classiques trônant dans la bibliothèque du salon: Robinson Crusoé écrit par Daniel Defoe, inspiré par les mésaventures d’un marin: Alexandre Selkirk. Ce roman ne quittera plus mon cercle d’œuvres pour lesquelles je porte une affection particulière (tout comme celle de Michel Tournier).


Et après? Nous devons à présent revenir de nos jours (Marty McFly m’approuverait je pense). J’aurais aimé vous dire qu’après cette journée, je me plongeais à boussole perdue dans le jeu « Robinson Crusoé » développé par Jean-Yves Baxter, édité par Coktel Vision en 1987 mais tout cela sonnerait bien faux. Car je suis passé complètement à côté du soft en son époque, la première raison étant qu’en 1988 je possédais un cpc 464 et je ne suis pas sûr que le jeu ait été étendu au format cassette. Lorsque je consulte la fiche du logiciel sur CPC POWER, seule une version disquette est disponible et les publicités font état d’une sortie unique sur ce format contrairement aux ordinateurs Thomson. Pourtant, il y a un peu plus de trois ans, lorsque je fais découvrir à ma fille les jeux auxquels je jouais à son âge, nous tombons sur Robinson Crusoé. Ma progéniture est curieuse quant à ma vie de joueur et même si certains softs la laissent dubitative d’autres suscitent un enthousiasme particulier (Thanatos, Head Over Heels, Battle Ships etc…) et c’est donc ensemble que nous partons à la découverte du soft dont le système diffère des jeux d’aventures sur Amstrad. Ici il faut faire des choix, si on se trompe l’issue se veut fatale!

Une nouvelle vie commence...

Connaître la trame du roman aide dans les décisions à prendre. Graphiquement j’aime assez, c’est coloré, le seul point noir pour moi étant la musique qui détonne un peu avec l’ensemble. J’aurais aimé avoir des sons comme le ressac par exemple. Quoiqu’il en soit, ma fille et moi apprécions beaucoup le jeu d’autant qu’il m’a permis de lui faire découvrir le roman, original (un exemplaire adapté pour son âge néanmoins) et la version de Michel Tournier. D’ailleurs, au détour d’un vide grenier, j’ai pu mettre la main sur « Vendredi ou la vie sauvage » pour un prix inférieur à un euro bien que cette version est une réédition. C’est donc des souvenirs plein la tête que je suis ressorti de la foule, un sourire se dessinant sur les lèvres. Pour en revenir au jeu, il y a quelques temps de cela j’ai retrouvé la trace de Jean-Yves Baxter mais n’ai osé l’aborder, ne souhaitant pas le déranger dans sa nouvelle activité. Cependant, si d’aventure son navire venait à s’échouer sur cet article, je serais heureux de recueillir son avis sur le développement de son adaptation ou de lire son commentaire. En tous les cas je souhaite le remercier par ses mots, son jeu a contribué à la naissance d’un nouveau souvenir sur Amstrad CPC.

mardi 1 novembre 2022

Les ninjas et le chat qui mordait les câbles

Hiver 1998. Le week-end s’annonce et m’en voilà bien ravi. Cependant, avant de rentrer en mon appartement d’alors, détour par mon magasin de jeu vidéo habituel. Les quelques kilomètres me séparant du centre ville voient défiler les lumières jaunâtres des lampadaires dans l’habitacle de ma twingo, éclipsant pendant de courts instants la luminosité bleuâtre de mon autoradio bon marché. Happé par l’heure d’hiver avançant au son de « Depeche Mode », « Nada Surf » en passant par « Red Hot Chili Peppers » entre autre, j’arrive finalement à ma première destination mais il me faut encore emprunter les rues piétonnes. Allez, vite! Les minutes s’égrènent, la fermeture n’est plus très loin. Au fil de mes pas, des ombres furtives se dessinent du coin de l’œil mais quoi de plus normal lorsque l’on va chercher un jeu qui parle des ninjas? 

Ce jeu c’est Tenchu édité par Activision. Et il est là, dans le rayon des nouveautés éclairé par des néons aux lumières crues. Pas le temps de discuter ce soir si ce n’est les politesses d’usage, le vendeur s’apprête à fermer et moi je suis fatigué. Une fois sorti, alors que derrière moi l’enseigne lumineuse de la boutique tire sa révérence pour la soirée, je retourne vers le parking d’un pas pressé, sentant sous mes doigts le film plastique de mon achat « day one ». Autour de moi les restaurants, bars, s’affairent déjà à l’aube d’un week-end promettant un surcroît d’activité, les libraires finissent de remballer les étales des livres en promotions. Ouf! Me voilà enfin chez moi, tout du moins en les lieux pour lequel je paye un loyer. A mon entrée, Opale vient à ma rencontre pour réclamer son lot de caresses, de croquettes, puis revient à « sa » fenêtre plongeant de nouveau son regard félin dans une obscurité mélangée aux lumières artificielles. A son grand désarroi, je ferme les volets et, n’en pouvant plus d’attendre, hôte le film plastique ainsi que son filigrane. Quelques secondes plus tard la Playstation s’allume, le logo Sony laisse bientôt place à celui d’un jeu inséré… L’envoûtement commence.

Une chanson: Addua, initie mon voyage vers le japon féodal puis la musique composée par Noriyuki Asakura accompagne le menu principal. Je ne suis pas prêt… non je ne suis pas prêt pour ce choc émotionnel. C’est le second avec « Castlevania: Symphony Of The Night » dont je vous parle ici. Bon sang quelle musique, non mais quelle musique!!!!! Plus tard, lorsque je terminerais le jeu, je relancerais ce dernier rien que pour réécouter la bande son. Mais pour l’heure je dois commencer mon entraînement si je veux faire honneur au Seigneur Gohda et ainsi défendre son royaume. Ensuite place au choix, Rikimaru ou Ayame? Le premier est plus introverti, la seconde plus expansive et amie  de la princesse Kiku, fille de Gohda. Chacun ont des techniques quelque peu différentes, quant à l’ombre elle change rarement de camp au sein de cet art. Je termine le jeu, découpé en plusieurs scénario, avec Rikimaru dans un premier temps puis Ayame ensuite m’évertuant à obtenir le statut de grand maître pour chaque mission. 

Le jeu est un réel bouleversement dans ma vie de joueur. Mais pour l’instant je dois manger quelque chose, déposant ma manette mauve estampillée « L’odyssée d’Abe » (obtenue dans un pack avec le jeu éponyme) sur la petite table déjà bien encombrée, je vois qu’Opale semble très intéressée par le câble de la manette. A peine le temps de lui faire une remontrance qu’elle a déjà planté ses dents dans ce dernier. Quelques remontrances en haussant le ton, la voici partie en trombe, dérapant comme dans les cartoons de Bip Bip et le coyote. Le matériel en sécurité, je peux aller préparer mon repas puis reprendre ma partie… En réalité, je ne le sais pas encore, la  manette et les ports cartes mémoires sont hors-service, les petites dents acérées de chat semblent avoir occasionné un court circuit. La console fonctionne mais plus de sauvegarde possible et plus de manette « Oddworld »!

Une carte mais plus de mémoire!

Un peu comme Rikimaru et Ayame, Opale utilisera la technique Ninjutsu pour se subtiliser à mon regard durant la soirée, cependant, la colère passée, impossible de lui en vouloir… Et puis mon vendeur de jeu vidéo sera sans aucun doute content de me revoir pour l’achat d’une nouvelle Playstation mais… « vous n’auriez pas des manettes sans fil »?