vendredi 28 octobre 2022

Le renégat de la copie double

1988. Une nouvelle journée de collège se termine mais celle-ci s’est voulue plus légère. En rentrant dans la Toyota grise, remplaçante de la vieille Lada que j’appelais affectueusement  « le char d’assaut », j’ai des idées plein la tête, des lignes qui se remplissent. Le maniement de la langue française s’est proposé d’être un peu plus ludique avec le projet de réaliser une nouvelle de quelques pages. Aucune crainte sur un éventuel syndrome « page blanche » puisqu’ici le support sera nos bonnes vieilles copies doubles perforées à grands carreaux. Libre aux élèves de choisir le thème, du moment que ce dernier mette en œuvre les règles élémentaires enseignées récemment. 

Sur le chemin du retour, ma mère me parle mais je l’entends vaguement, perdu dans mes pensées, au sein de la structure de mon récit. J’ai déjà mon personnage et ce dernier sera celui de « Target: Renegade » édité par Imagine, jeu que j’ai récemment eu, au format cassette, lors de mon anniversaire. Bon, « Renegade » c’est un peu l’histoire d’un rendez-vous manqué pour moi. Je me souviens encore baver devant l’illustration de la couverture réalisée par Bob Wakelin, au sein de l’espace multimédia Mammouth, pour lire en bas à droite de la jaquette « Disk ». Dans l'espoir inconscient que l'imposant vendeur (celui dont je vous parle dans certains articles) soit magicien, je vérifie auprès de lui le format... et il me le précise à sa manière, sous entendu « Dégage avec ton Amstrad cpc 464 petit »! Ce n’est que quelques années plus tard , au détour d’une compilation nommée « Arcade Action » que je prenais ma revanche sur le sort. Mais revenons à « Target Renegade ».

Je fais quelle pointure déjà?

Ce qui me choqua dans un premier temps fut la transition. De l’ambiance un peu « bagarre à la bonne franquette » de son prédécesseur, on passe carrément à une ambiance grave, mélancolique. En lisant le scénario on comprend pourquoi, le frère de notre protagoniste s’est vu assassiné par le milieu mafieux dans d’horribles conditions. Le menu est gris, sans fioriture, la musique… Punaise cette musique m’a longtemps interloqué, me renvoyant une tristesse sans nom. Et ce n’est pas celle jouée durant les différents niveaux qui améliorait la situation. La nouveauté principale dans ce volet était la possibilité de jouer à deux simultanément. J’en avais rencontré l’occasion une fois et je dois avouer que c’était bien sympa. Le point que je ne trouvais pas très réussi était celui des bruitages, je les trouvais mous, c’est toujours le cas. 

C’était donc décidé, « Renegade » sera mon personnage principal. Le truc c’est qu’il fallait réaliser un dessin de son perso en couverture… et je n’étais vraiment pas doué pour le dessin (c’est toujours le cas d’ailleurs). Qu’à cela ne tienne, du papier calque, la jaquette du jeu, le tour était joué. Et le thème de l’histoire? Je faisais alors appel à un autre personnage qui pour moi devint culte en 1982: Snake Plissken. Ainsi, comme un alchimiste amateur, je mélangeais « Target Renegade » et « Escape From New York » de John Carpenter en changeant le scénario, bref un vrai gloubi-boulga! Très honnêtement, je ne me souviens absolument plus des lignes couchées sur ces copies doubles, ce projet ayant disparu dans les méandres d’un déménagement douloureux.  Je me rappelle cependant de l’air quelque peu circonspect emprunté par ma prof de français à l’époque. Malgré cela, se dessinait un sourire de satisfaction sur mon visage en regagnant ma place au parfum de bois et papeterie après avoir présenté mon œuvre et, pour sûr, en rentrant de cette nouvelle journée de cours, je relancerai « Target: Renegade » pour aller affronter Mister Big.

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