lundi 29 mai 2023

Howard et les prisonniers de la glace

1997/1998

Samedi matin. Le week-end a enfin daigné se présenter mais pour autant je n’échappe pas à la corvée d’approvisionnement de tabac consommé par ma compagne d’alors. Nous vivons dans un petit appartement comme l’aurait souligné Eleanor Vance dans « The haunting of hill house », l’un de mes romans de chevet écrit par Shirley Jackson. Les murs y sont a peu près épais ce qui n’empêche pas d’entendre les ébats des voisins immédiats ou encore la musique poussée a un volume extrême par ceux d’en face souhaitant partager leurs goûts musicaux le plus largement possible. 

Décidément, j’ai réellement horreur de l’environnement urbain mais en cet instant peu de choix s’offrent à moi. Néanmoins, ne le nions pas, il a aussi ses avantages comme par exemple son magasin indépendant de jeux vidéos situé en centre ville ou encore ses relais presses me permettant d’accéder facilement au Playstation magazine du moment.

C’est donc sous un soleil généreux que mes pas sont orientés vers ces commerces en ce samedi matin. En entrant dans le bar tabac local, les discussions semblent déjà aller bon train. Un léger silence tombe lorsque je pousse l’épaisse porte vitrée, différents parfums et odeurs assaillent mon odorat, du vin blanc auquel tournent déjà certains habitués aperçus à plusieurs reprises, au tabac dont les volutes finiront par se déposer sur mes vêtements mais aussi sur le sol paré de carreaux multicolores défraîchis. 

Les échanges verbaux reprennent, faisant état le plus souvent de politique se mêlant à la vie privée des intéressés. Après des salutations rapides d’usage, mon regard plonge dans l’espace presse proposant son lot de quotidiens, de magazines aux titres évocateurs mettant en exergue des corps féminins dénudés destinés à  assouvir une certaine avidité masculine mais après ça vous vous enquerrez bien de la cote argus d’une certaine Clio? Bon, son espace dédié est maigre mais pour autant le voilà (non, pas Albator), le rayon lié au jeu vidéo! Pourtant mon regard ne se portera pas sur le Playstation magazine mais sur une revue proposant un jeu pc pour une somme modique.

Oui, depuis quelque temps, le C a quitté le PC, le basic a été remplacé par un OS, Windows 95 avec lequel je prends tout juste mes repères. Quant aux caractéristiques techniques de la machine… disons que tout cela est encore un monde bien nébuleux pour moi. C’est donc sans me poser de question, que je décide d’acheter le magazine, ne sachant aucunement si le soft tournera sur ma machine, ce jeu c’est « Prisoner of ice » un point’n’clic édité par Infogrames se déroulant dans l’univers de l’écrivain H.P Lovecraft qu’on ne présente plus. Et à cette période j’y suis assez sensible puisque je suis en pleine lecture de ses œuvres notamment « L’appel de Cthulhu ».

Le patron de l’établissement, un colosse, émet un petit reniflement lorsque je dépose le magazine sur le comptoir destinés aux jeux d’argent et expédie rapidement mon achat y ajoutant à la volée les paquets de cigarettes d’une célèbre marque. Lorsque je sors de l’établissement je l’entends déjà reprendre sa conversation avec les habitués, accompagnés de quelques rires gras. Ces derniers n’auraient sans doute pas été du goût du vénérable Jorge de Burgos dans « Le nom de la rose ». Quoiqu’il en soit me voici de nouveau sous ce soleil bienvenu, la légère brise qui l’accompagne me libère des effluves de tabac, d'alcool et divers après-rasage saupoudrés par l’odeur acre des fluides corporels humains.

C’est la tête dans les nuages, absent du ciel en ce samedi, que je retourne vers mon appartement, mon regard se plongeant dans la couverture du magazine dont je me souviens absolument plus du nom. Après quelques doux mots échangés avec la muse du moment, j’allume le pc et attends patiemment le démarrage de Window 95. Pendant ce temps je compulse le magazine, notamment la partie sur « Prisoner of ice » dans lequel nous incarnons le lieutenant Ryan dont la mission principale est initialement de secourir un savant norvégien tout juste échappé d’une base antarctique allemande, l’action se déroulant en pleine seconde guerre mondiale. En plus du scientifique, le sous-marin utilisé dans cette opération de sauvetage réceptionnera deux caisses mystérieuses. Je n’en dis pas plus si vous souhaitez vous plonger également dans l’aventure, je précise juste que l’histoire est inspirée des « Montagnes hallucinées » de l’écrivain.

Une caisse, le début des ennuis...

L’installation du jeu se déroule sans accrocs (n’est-ce pas Colonel Smith?), ma machine d’alors correspondant aux exigences techniques et bientôt je suis happé dans l’aventure, oubliant presque les murs de l’appartement. Opale, la chatte ayant partagé ma vie pendant quelques années et dont je vous ai déjà parlé sur ce blog vient me rappeler à la réalité en sautant sur mes genoux et même la silhouette féminine d’alors qui m’avait d’abord jeté un regard inquisiteur concernant mon achat se laisse séduire par le soft. Ainsi pendant quelques heures, nous nous évertuerons à résoudre les énigmes qui composent le jeu. A cette époque j’aime beaucoup le style « point’n’clic », style que j’avais déjà expérimenté avec « Les chevaliers de Baphomet » sur Playstation, un autre grand jeu du genre.

Je garde donc un excellent souvenir de Prisoner of ice, disponible de nos jours sur GOG pour une somme modique (il est d’ailleurs régulièrement en promo) et de son pendant, Shadows of the comet qui était également présent dans le magazine mais j’ai appréhendé ce titre avec plus de difficultés à l’époque, ceci dit il s’agit d’un autre souvenir…

Les images du jeu proviennent du site abandonware-france.org

samedi 13 mai 2023

Combattant du dimanche

1988. Mon sommeil se voit bientôt subtilisé par la lumière de l’astre solaire dont les accents promettent une belle journée. Au-dehors les oiseaux ont depuis longtemps entamé leurs discussions, communiquant dans une langue propre à chaque espèce et la rumeur de leurs conversations sont amplifiées lorsque je me décide à ouvrir mes lourds volets de bois. Cette irruption ne semble nullement les déranger même si certains ont tourné la tête vers cet étranger au visage portant encore la bénédiction de Morphée… à moins que, dans un élan moins poétique, je ressemble plus à un critters ou encore au xénomorphe de mon poster voyant la créature se frayer un chemin en détruisant une porte!

Coucou, il est l'heure de se lever!

Si passereaux, pies, hirondelles se sont appropriés les cieux tout autant que les arbres environnants, mon chien lui lève la patte sur les fleurs récemment plantées par mes parents qui ne semblent pas l’avoir vu. Son regard m’implore de ne pas le dénoncer, cela sera notre secret. Je vais encore rester là quelques minutes, à profiter de ce calme que seule une voiture roulant paresseusement sur la route communale voisine viendra troubler. Elle aussi, à sa manière, donnera l’occasion à ses occupants de goûter à la beauté des lieux. En cet instant j’en suis convaincu, la richesse est là, sous mes yeux.

Malgré cette quiétude, un combat est sur le point d'être livré sur mon Amstrad CPC 464… enfin, plusieurs pour être plus précis. Là, dans son boîtier cristal, Street Fighter édité par Capcom en 1988 n’attend qu’une chose: lui prouver que je suis le meilleur face à dix combattants dans cinq pays autour du monde. Peuh, pas de problème pour moi! Cependant mon éphémère arrogance me suggère de prendre quelques forces puisées dans mon petit déjeuner. Chuuuttt!! Les gros durs de la jaquette ne doivent pas savoir que leur adversaire n’a pas encore pris son chocolat chaud et dévoré ses tartines de pains grillées agrémentées de confitures! Rien qu’à leur expression, je doute que ces gars là carburent au Tonimalt! 

"Alors vous voyez les gars, le clavier du cpc fait à peu près cette dimension là."

Allez, plus de temps à perdre, mais avant de me plonger dans le soft je vais accompagner mon père dans sa virée au village voisin. Journal local, pain et peut-être un petit bonus pâtisserie feront partie du butin de cette matinée dominicale. J’avoue apprécier ces quelques instants passé en sa compagnie. Une fois de retour les choses sérieuses commencent, la tension monte alors que le chargement de la cassette s’effectue. Au-dehors, la douceur printanière m’interpelle sérieusement mais je ne dois pas me laisser déconcentrer surtout que l’écran de présentation montre un adversaire prêt à en découdre ! 

Attends, je vais chercher le pain et on règle ça!

Si Retsu, le premier adversaire, ne pose pas réellement de problème il en sera autrement avec Geki, un ninja qui se rend temporairement invisible. Ce dernier m’a donné un peu de fil à retordre au début mais après quelques observations j’ai pu appréhender sa technique ninjutsu pour le contrer. Il en sera de même pour les adversaires suivants jusqu’au terrible Sagat, les voyages étant entrecoupés par des séquences bonus où nous devrons briser une pile de brique à mains nues. J’ai bien entendu essayé de reproduire cette séquence avec quelques briques usagées trouvées parmi le bric à brac de mon paternel… Le ridicule de la situation restera à ma discrétion. Même si le soft est assez avare en son (aucune musique), j’apprécie l'ensemble esthétique notamment ses graphismes colorés et les environnements traversés au cours de nos pérégrinations.

Pas de quoi fanfaronner avec ce qui me reste d'énergie!

Notre personnage n’est pas très véloce mais cela me permet d’appréhender les combats et de terminer le jeu sans trop de difficultés après quelques séances d’entraînement. Ne connaissant alors pas la borne d’arcade je ne peux juger la qualité de l'adaptation mais quoiqu’il en soit, j’apprécie vraiment ce jeu sur Amstrad cpc même si Ryu a perdu son « hadouken » sur le chemin. Quelques années plus tard je m’y essaierai avec la borne d’arcade de Street Fighter 2. Malgré ces défauts je conserve un très bon souvenir de Street Fighter.

Mais alors que je viens de défaire Sagat, midi s’annonce et son repas propose des frites! Hors de question d’attendre plus longtemps, après avoir rangé le boîtier dans mon carton qui accuse une certaine fatigue, je me dirige vers la cuisine sous le regard du Xénomorphe salivant lui aussi (cette saloperie est en train de bouffer la coque!). Bientôt la table de la véranda baignée de soleil sera parée des assiettes, ébréchées pour la plupart, couverts et verres de toutes les occasions. La fin de repas me verra céder à cette douce journée, foulant l'herbe des champs en compagnie des Dryades, le regard plongé dans l'horizon lointain traversé par quelques nuages paresseux.

vendredi 5 mai 2023

Opération Light Phaser

1990. En ce samedi après-midi, un soleil de printemps aux forts accents d’été inonde les rues de la petite commune à proximité de laquelle nous résidons. Ci et là quelques îlots d’ombres offerts par certains bâtiments à la façade défraîchie protègent un petit regroupement de personnes âgés venues profiter de ce bel après-midi. Il y a quelques minutes ma mère m’a déposé sur la place ne souhaitant pas trop s’attarder et c’est d’un pas rapide que je me dirige vers la maison d’un ami… enfin… une connaissance plus précisément. Le seul point commun qui nous fédère est l’Amstrad cpc. Justement, les parents de ce dernier ont fait l’acquisition d’un 464 avec le pistolet "light phaser" et je dois avouer que mon acceptation quant à l’invitation de cet élève qui fréquente le même collège est en réalité poussée par la curiosité de découvrir ce système. 

La pétoire en question (image CPC Power)

Un léger vent balaye les rues de ce village qui compte tout au plus 158 âmes à l’époque (je ne sais désormais combien d’habitants sont venus grossir ce nombre), mon ombre passe devant le restaurant dans lequel mes parents et moi allons déjeuner en certaines occasions. D’ailleurs il y a quelques temps de cela, entre deux plats, je m’essayais à la borne d’arcade Frogger tandis que mon ouïe indiscrète malgré elle entendait les critiques acerbes des gérants en cuisine sur les clients en salle… classe. L’établissement a depuis longtemps fermé ses portes tout comme un autre café à proximité. Désormais, les vitres sales renvoient un regard aveugle aux saisons qui défilent, attendant un éventuel repreneur dans une morne quiétude. 

Mais où en étais-je? Ah oui, me voici bientôt devant la bâtisse de cet « ami ». Sa maison est plutôt jolie, mitoyenne à d’autres. Les rosiers, gardiens aux épines acérées, font état d’un agréable parfum. Non loin de là un chat sans maître traverse la rue principale à la hâte. Je le connais quelque peu pour l’avoir vu à plusieurs reprise et m’étonne qu’il soit encore en vie. Dans le coin il ne fait pas bon être félin. Allez, plus de temps à perdre, je sonne et m’attends à voir l’un des parents surgir pour m’ouvrir la grille. En réalité c’est l’ami lui-même qui viendra à ma rencontre. J’avoue être soulagé. Si sa mère est plutôt chaleureuse, au sourire bienveillant (un terme à la mode), son père est aussi glacial qu’une tombe secrète retrouvée en arctique. Quelques regards et gestes anodins m’ont fait comprendre qu’il ne m’appréciait guère tout comme mes parents d’ailleurs. A ses yeux nous serons toujours des « pièces » importées.

Encore mieux, les dits parents se sont absentés, la maison est à nous! Elle est bien entretenue, rangée, nos pieds enveloppés par des chaussettes de sports blanches dotées de rayures rouges et bleues  traversent le salon. Ces derniers se veulent feutrés, se succédant sur la moquette qui ne souffre d’aucun défaut. Il en est de même pour celle posée sur les marches de l’escalier menant à la chambre de mon hôte. Ah, le voilà enfin cet Amstrad cpc 464 avec le light phaser prêt à l’emploi. Il est accompagné par une compilation de jeux dédiés dont Operation Wolf que je connais déjà bien pour y avoir joué sur mon cpc 464 en son temps…. « En son temps »… cette phrase me fait un peu bizarre à lire, même si je suis passé depuis sur 6128, j’ai l’impression que les chargements cassettes datent encore d’hier. 

Cœur de Louuuuuuppppp...

Le copain m’explique que la machine a été achetée chez Conforama et que le moniteur revient tout juste d’une révision car souffrant de problèmes avec le light phaser. Honnêtement je ne me souviens pas de toutes ses explications, leurs contours se voulant plus flous après toutes ces années. Il me défie sur Operation Wolf… Pourquoi pas? Après le chargement du jeu et de son premier niveau il est temps de rentrer dans l’action et je dois l’avouer… je ne suis pas très à l’aise avec le pistolet. A côté l’ami en question s’esclaffe déjà, un peu moins lorsque je lui explique que l’arme en plastique semble affectée par un manque de précision. Je finis par mourir dans ce premier niveau alors qu’habituellement j’arrive tout de même au dernier sans avoir utilisé le « continue ». Je cède la place à mon concurrent du moment.

Rapidement son assurance s’estompe lorsqu’il s’aperçoit que la précision souffre effectivement d’un défaut. Alors, là non plus, je ne me souviens plus trop de la suite des évènements sur ce dernier point mais il me semble que nous avions procédé à quelques essais, toujours sur Operation Wolf, sans plus de succès. Le pote du moment est dégoûté d’autant qu’il lui faudra annoncer la chose à ses parents. En un sens je compatis pour avoir expérimenté la chose sur certains softs. 

Les grains du temps s’écoulent, l’heure de mon départ approche à grands pas néanmoins, nous jouons à "Bubble Bobble" via la compilation " Les défis de Taito ". Le jeu est plutôt sympa, de plus nous pouvons y jouer à deux simultanément, l’après-midi se terminera donc sur une note positive. Après avoir pris congé de la personne, je retrouve ma mère sur la place, au volant de la Toyota Corolla essoufflée. Direction la maison… Ma seule et courte expérience avec le light phaser ne me laissera pas grande impression mais suffisamment pour écrire ce souvenir. Du coin de l’œil je revois le chat sans maître étalé de tout son long sur l’un des bancs de la place, se dorant le ventre au soleil…