dimanche 27 novembre 2022

Sabbat d'hiver

1989. Dans les bras d’une nuit s’apprêtant à embrasser le cœur profond des ténèbres, l’hiver corrige ses précédentes lignes, ajoutant des accents là où il en avait oublié, le gel quant à lui tient à prouver sa force en montrant qu’il est capable de fendre certaines roches. Tandis que les champs chantent sous l’orchestration du givre, l’astre cendré trouble la pudeur des arbres dénudés par une saison hivernale impassible. Ma fenêtre se laisse quelque peu intimider par le givre extérieur, cependant je suis trop concentré sur l’écran de mon 6128 transfigurant mon visage d’une manière blafarde pour fermer les volets. 

Le soft attirant mon attention mais surtout mon énervement n’est autre que Cauldron, le ton n’est pas à la plaisanterie. Le sabbat se prépare, je dois réunir six ingrédients afin de défaire une citrouille asseyant son arrogance dans les entrailles d’une crypte. Inutile d’aller lui chercher querelle sans les ingrédients réunis (pensez-vous, j’ai déjà essayé!), la cucurbitacée animée par la vie en ces lieux mystérieux se jouera de vous, l’invitant à la suivre avec son sourire malicieux pour mieux vous annihiler dans la toute dernière pièce. Bien que la moitié des vies allouées soit déjà entamée, les rayons lunaires, caressant ma main gauche à travers son périple intimement lié au temps, me confortent pour un nouvel essai. Allez, je suis tout de même capable d’attraper cette clé! Visiblement non, la sorcière semble être plus à l’aise sur son balai et s’envole dans une désagréable cabriole alors que je tente d’attraper l’objet fondu dans le décors.


Quelques écrans plus loin, je parviens tout de même à trouver une autre clé qui m’ouvre l’une de ses grottes aux portes anciennes.  Pendant un instant j’échapperai aux moqueries des fantômes rieurs ainsi qu’aux attaques systématiques des chauve-souris voulant sans doute venger leurs sœurs mijotées dans un chaudron de la vieille femme. Le chemin s’avère hasardeux, les sauts aveugles, la sorcière aussi raide que son balai voit pourtant ses efforts récompensés en caressant du regard l’un des ingrédients situé sur une plateforme rocheuse. A grand-peine, j’obtiens finalement l’artefact… il ne me reste qu’une vie! Un juron est murmuré à la manière du serpent, l’heure avancée n’est pas au bruit, les parents dormant dans une pièce à quelques pas de là. Sur le retour, tout espoir d’accomplir le sabbat se noie dans les flots, la sorcière ne sera donc pas au rendez-vous pour la cérémonie et la citrouille se repaîtra de sa défaite.

Un regard vers mon radio-réveil m’indique qu’un nouvel essai serait boudé par mon besoin de sommeil. Un peu à contre-cœur, je retire la disquette issue de « la collection CPC », éteins le 6128 puis ferme mes volets. Cependant, la nuit est trop belle pour ne pas être admirée. Emmitouflé dans ma robe de chambre à bout de souffle, je me pose aussi silencieux qu’un soupir sur la banquette grinçante bricolée par mon paternel dans la véranda il y a quelques temps de cela. L’air glacial est accentué par l’aluminium structural mais je me sens tellement bien au creux de cette nuit, comme adoubé par cette lune à la lumière filtrée au travers des plaques striées de l’ouvrage vitré. 


Je resterais là un petit moment bien que l’air vif ne cesse de narguer mes pieds nus, m’invitant à trouver la chaleur de mon lit. J’aime tellement ces moments, en harmonie avec les champs alentours, les haies cristallisées. J’ai même l’impression que toute cette végétation me renvoie un amour proche mais il s’agit bien là d’un sentiment égotique propre à l’être humain, ma présence n’ayant aucune importance pour ces lieux. Attendez… une ombre semble s’être dessinée devant l’astre pâle… j’en suis presque sûr, il s’agissait d’une sorcière sur son balais! Hmmmm… peut-être sont-ce simplement  les cratères et mers lunaires. A regret je délaisse la beauté de Nyx pour retourner en ma chambre. Lors de mon retour, le gros chat tigré de la maison « sobrement » nommé Belzébuth par ma mère (car ce dernier attrape toutes les mouches passant sous son nez), dédaigne lever la tête, lui qui ronflait bruyamment tout à l’heure. A contre-cœur il doit se pousser lorsque je me glisse sous les draps réchauffés aux pieds par le matou, mieux qu’une bouillotte! Bientôt le sommeil me gagne et sera teinté par des rêves embrumés. Au-dehors, la pleine lune verra de nouveau l’ombre passer, celle de la sorcière maugréant un sabbat inachevé.

4 commentaires:

  1. Perso je n'avais pas joué à Cauldron premier du nom, pourtant les écrans me faisaient saliver sur Tilt. Par contre j'ai eu Cauldron 2 et ce jeu était super frustrant à cause du rebond quasiment incontrôlable de la citrouille. Dommage car il était vraiment magnifique...

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    1. J'avais eu Cauldron 2 via Amcharge et je ne l'ai jamais terminé non plus! Trop difficile pour moi mais j'adorais l'ambiance.

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    2. Amcharge ! J'en avais entendu parler mais je n'avais plus le CPC à cette période. Tu pourrais peut-être faire une vidéo sur ce sujet peu abordé dans le rétrogaming.

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    3. J'y ai pensé, soit une vidéo soit un article.

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