1987. Trois âmes sortent d’une salle de cinéma. Mes parents et le conteur de ces lignes? Non, un copain, son père et moi. Il n’y aura donc pas de rue sombre, de meurtre et aucune tragédie similaire à celle de Bruce Wayne. En ce dimanche après-midi, le paternel du copain décide de nous emmener au cinéma pour briser l’ennui. Eux aussi vivent en milieu rural, pas très loin de chez moi et il nous faut donc parcourir un peu plus de trente kilomètres avant d’atteindre le cinéma situé au sein de la plus grande ville près de notre village. Le film? En cet instant ni lui ni nous ne connaissons encore la programmation.
Arrivés là-bas, une foule éparse (devenant sentimentale avec Alain Souchon quelques années plus tard) prend ses billets. Je ne me souviens plus des affiches de tête mais le choix se portera finalement sur « Six hommes pour sauver Harry » réalisé par Stuart Rosenberg (Amityville) dont le casting m’évoque déjà quelques autres films: Robert Duvall, Gary Busey, Mark Harmon, les autres acteurs ne me rappelant rien. Le pitch ne m’inspire pas vraiment: un ingénieur se voit kidnappé en Colombie, Washington pas très enclin à négocier refuse l’offre des ravisseurs. Les potes de Harry ne l’entendent pas de cette oreille et, accompagnés d’un mercenaire expérimenté, décident de passer à l’action. Non, je ne suis vraiment pas emballé mais je fais silence, je suis invité et qui plus est la place m’est offerte. Les occasions d’aller au ciné sont quasi inexistantes pour moi, la dernière datant de 1982 pour aller voir E.T à sa sortie avec ma sœur, mes parents n’étant guère intéressés par la fréquentation des salles. Ma culture cinéphile est constituée essentiellement par les diffusions télé, cassettes louées par mon père parfois auprès du vidéoclub à la sortie de son boulot, les magazines « Mad Movies » et « Impact », sans oublier Canal + présent dans notre foyer depuis 1984. Je me souviens d’ailleurs encore de la grille des futures diffusions lorsque mon père branchait pour la première fois le décodeur. Ainsi le dessin animé de Mister T, Sherlock Holmes de Miazaki entre autre seraient les premiers à constituer le programme jeunesse de la chaîne cryptée.
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Hey les mecs, vous avez lu son avis sur notre film? |
1h40 plus tard, je suis assez soulagé de sortir de la salle et là… Juste devant moi… une affiche que je n’avais pas remarqué à notre arrivée attire mon attention: Celle du film Predator avec Arnold Schwarzenegger. Derrière moi j’entends l’adulte qui nous accompagne s’exclamer: « alors celui-là il faudra le voir! ». Cela ne se fera jamais, les chemins de vie en ayant décidé autrement. A présent il est temps de rentrer. Dans la rue bientôt recouverte d’une fine pluie, un homme marche vers une destination inconnue. Vêtu d’un blouson en cuir, cheveux grisonnant, moustache, il porte deux sacs de voyage et je ne peux m’empêcher de penser à Paul Kersey (Charles Bronson) quittant la ville dans « Deathwish 3 » après avoir semé le boxon parmi les malfrats. Dans la voiture, le retour se fait en silence, notre séance ciné n’ayant pas suscité un enthousiasme particulier. Le père du copain fait néanmoins quelques blagues de tonton et nous raconte la fin d'un autre film de série B (plutôt Z) où le méchant termine sa carrière brutalement, affublé d'une grenade dans le slip. Peu à peu, la densité des habitations cède la place aux champs revigorés par la pluie.
En rentrant, passant à proximité du salon, la rumeur en provenance des émissions de Jacques Martin me parvient. Après les salutations d’usages auprès des parents indiquant mon retour, je retrouve ma chambre avec mon poster de Commando au-dessus du lit offert par ma mère qui aime le cinéma elle aussi, tout comme les séries (dont l’incroyable Hulk avec Bill Bixby). Mais où se trouve donc l’Amstrad CPC? Le souvenir se veut un peu plus flou sur ce point mais cela se joue à une poignée de semaines concernant son arrivée. Alors que le cycle diurne, imperturbable, poursuit son chemin, je me replonge dans les magazines de cinéma à ma disposition, laissant cette fin de dimanche après-midi que je n’ai jamais réellement apprécié agoniser en attendant l’émission « Sept sur Sept », sonnant le glas d’un week-end trop court tandis que Rosy Varte voyait rouge dans Maguy sur Antenne 2. Benny Hill viendra panser les plaies à 20 h puis, dans quelques heures, il sera temps d’affronter une nuit où le sommeil n’occupera qu’une maigre place... Et Predator dans tout ça? Il devra attendre la suite de l'article!
Toujours aussi bien écrit, et ce teasing à la fin 😃
RépondreSupprimerSinon on a les mêmes références TV de fin de Dimanche de l'époque... 7 sur 7, Maguy, Benny Hill 😁
Merci! Ah ces émissions, toute une génération traumatisée :)
SupprimerPour ce qui est du ciné j'ai eu du bol, mon père était très SF et ma mère comédie. J'ai donc pu voir entre autres au ciné l'Empire contre-attaque, E.T, Gremlins, l'As des As, Banzaï, Retour vers le Futur, SOS fantômes... Et la VHS m'a aussi beaucoup apporté en me donnant la possibilité de regarder des films qui ne m'étaient pas destinés lors de leur sortie : Mad Max 2, NY 1997, Blade Runner (mon préféré !!), Dead Zone...
RépondreSupprimerC'est cool d'avoir eu des parents versés dans le cinéma :) Concernant les films non appropriés à notre âge j'ai aussi vécu ça via Canal+ (Délivrance, un justicier dans la ville, Alien etc...) mais c'est aussi sans doute ce qui a forgé notre expérience cinéphile.
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