jeudi 1 mai 2025

Eddy et la créature

 1982.  Le souvenir est un peu flou néanmoins La tension est palpable et pour cause. Du haut de mes 8 ans j’ai la fâcheuse impression, en cette fin d’après-midi de ce mardi, que les courses au cœur du supermarché Rond Point  (devenu Carrefour par la suite) s’éternisent. L’heure tourne, une légère angoisse prenant la forme d’une question s’est emparée de moi: En restera-t-il pour nous? 

Je veux bien entendu parler de ce légendaire numéro spécial du programme Télé 7 jours contenant une paire de lunette en carton avec ses verres en plastique rouge et vert qui nous permettront de regarder le film de Jack Arnold en relief: « La créature du lac noir » (1954) dans l’émission « La dernière séance ». Enfin, c’est ce que nous promet la couverture.

Vestiges d'un passé

Allez plus de temps à perdre, le chariot chargé des achats réglés nous voici en direction du point presse où, en 1989, j’achèterais la réédition de « Batman: Year One » sous forme d’épisodes lors de la sortie du Batman de Tim Burton. Ouf, il est là, pas le saint Graal mais presque à mes yeux. Une fois le précieux ouvrage acquis retour à la maison pour préparer cette soirée qui sera de toute façon mémorable quoiqu’il arrive.

Sur le chemin, calé dans la banquette arrière d’une Lada s’apprêtant à tirer sa révérence, je suis littéralement absorbé par les quelques pages dédiées au long-métrage. Il s’agit de mon premier film réalisé par Jack Arnold, par la suite « Tarantula » deviendra culte à mes yeux, toujours diffusé au sein de l’émission présentée par Eddy Mitchell. Le temps passe (entraîne la mémoire comme le chantait Silmarils) œuvrant sur l’excitation de ce gamin qui n’en peut plus d’attendre. Cependant ce flottement temporel fait pour moi partie intégrante de ces précieux instants, ces précieux souvenirs.

L’heure du dénouement arrive, ne tenant pas en place sur le canapé à la gloire passée je préfère regarder le film à même la moquette noircie ci et là par quelques braises véhémentes échappées de l’âtre lors des soirées d’hiver. Je retiens mon souffle alors que le chanteur présente le film, AH voici le logo d’Universal! L’utilisation des lunettes est encore précoce, je préfère attendre, laissant mes parents à tour de rôle s’en équiper. Au final, je crois bien que le long-métrage m’intéresse plus que le procédé. Pourtant, ma mère m’invite à les utiliser lors de certaines scènes. Hmmmm, on ne peut pas dire qu’il y ait un grand changement mais je remarque tout de même quelques petits effets de profondeur ci et là.

Moi, après avoir enlevé les lunettes...

Au diable (dans la mare) les lunettes! Je veux pleinement suivre les péripéties de cette équipe scientifique en prise avec cette mystérieuse créature! Je suis réellement saisi par l’aspect du « monstre » qui est à mon sens convaincant. La soirée touche à sa fin. Mes parents semblent dubitatifs, face au programme, face à la technique… Quant à moi, alors que le sommeil espère bien me rattraper, me voici toujours étreint par l’effervescence de cette merveilleuse soirée.

mardi 29 avril 2025

Metallica(r)

 1998. Il y a là cette petite pièce peinte dans un vert au ton pastel. Je viens de débarquer à nouveau chez mes parents avec cette fois-ci une chatte sous le bras, Opale. Les chemins de vie se font et se défont, il est en ainsi, me voilà donc de retour à la case départ avec tout au plus un sac de voyage, un vieux pc, une Playstation, quelques films et d'ici peu l'album "Reload" du groupe Metallica.

Il me semble inutile ici de présenter James Hetfield et ses comparses dont la basse a changé de visage au fil du temps. Je dois avouer qu’avant cet album je n’avais pas prêté guère plus d’attention à la discographie du groupe hormis quelques classiques incontournables. Pourtant, au détour d’une sombre virée sous cette pleine lune qui veille sur ma conduite tel un ange gardien, la lumière bleu spectrale de mon auto-radio bon marché va éclairer un visage surpris par ce qu’il est en train d’écouter à la radio: « The Unforgiven II ». Les paroles de la chanson agisse tel un cocktail alchimique sévère, pénétrant instantanément mon système sanguin et ayant une fâcheuse tendance à laisser mon pied droit abuser de l’accélérateur. Heureusement pour moi, la nationale alors empruntée  se veut plutôt déserte en cette heure tardive, néanmoins une mauvaise rencontre tel le véhicule de fêtards alcoolisés revenant tout juste de boîte de nuit n’est pas à exclure… mais ma conscience n’a cure de ce potentiel danger, tout ce qu’elle veut c’est écouter « The Unforgiven II » jusqu’à plus soif pour lui faire oublier ce qui l’entoure, pour oublier la douleur. Rien à foutre de ces connards tout juste bon à sortir leur queue pour pisser face à la déesse de la nuit et sa beauté tels des incultes. 

C’est décidé, bien que la semaine de travail en devenir ne me laissera que peu de temps afin de faire un saut chez le disquaire local, samedi prochain sera mon « reload’s day ». Il me faut cet album, en un morceau et quelques paroles je semble être devenu accroc. Dans l’attente, alors que je roule sans but jusqu’à la prochaine ville où certaines silhouettes féminines exhiberont leur lassitude aux yeux d'un homme à la mine patibulaire sous les lumières jaunâtres de lampadaires impassible, il me faudra alors faire demi-tour en espérant que la chanson soit rediffusée ce qui ne sera pas le cas.

Quelques instants plus tard, c’est avec les plus grandes précautions que j’entre dans la petite impasse où se trouve le modeste pavillon. J’entends par là que la musique assourdissante qui émanait de l’autoradio il y a peu s’évapore brutalement, contrairement aux échos de « The Unforgiven II » qui tel un puissant alcool se sont emparé d’une âme à l’élan artistique malmenée ces derniers temps. Alors que le moteur de ma voiture émet ses derniers ronronnements, je prends soin de ne pas claquer ma portière trop brutalement évitant ainsi de réveiller le voisinage essentiellement composé de personnes âgés et  gendarmes car à quelques mètres de là se tient une caserne.

La lumière crue du lampadaire, roi silencieux d'un parterre envahi par des herbes folles, s’immisce au travers d'une vitre opaque celle de la porte d’entrée au bois fatigué, me permettant de déceler un léger mouvement en son contrebas. Il s’agit d’Opale qui m’attend de pied ferme proférant à mon encontre un petit miaulement lourd de reproche du type « t’étais où ». Après quelques caresses et mots de réconforts chuchotés à l’encontre de mon âme sœur féline, il est temps pour moi de saluer sous conditions Morphée, conditions qui se veulent être quelques pages du bouquin en court niché au cœur de ma pile à lire.

The door is closed so are you eyes…

The Unforgiven II

Cette nouvelle semaine étreinte par 39 heures de travail ,et souvent plus si affinité, se termine. Ce  jour saturnien me voit arpenter le centre-ville en direction du petit disquaire qui rendra les armes quelques temps plus tard. La visite est courte, à la sortie mes mains sentent le blister de l’album tant convoité. Retour à la case départ pour une écoute complète du disque.  Me voici donc de nouveau dans cette pièce verte, assis sur ce tabouret de bar vestige de notre maison auvergnate, tout près de la fenêtre. Je me retiens pour ne pas aller directement à « The Unforgiven II » mais je veux absolument écouter les pistes dans l’ordre. 

Si "Fuel" me donne envie d’appuyer sur l’accélérateur, la voix de Marianne Faithfull, décédée il y a peu, attire mon attention.  Je repasse bientôt avec émotion sur « The Unforgiven II » mais je n’étais pas au bout de mes surprises avec un autre morceau qui me prendra aux tripes « Low Man’s Lyric » que je réécouterais peut-être autant voir plus que « The Unforgiven II » (toi aussi joue au jeu qui consiste à compter le nombre de fois où j’ai cité cette chanson!). Quelques autres morceaux tels que "Carpe Diem Baby", la batterie de Lars Ulrich sur"Where the wild things are"  et "Fixxer" ne manqueront pas de m'interpeller.

Can you heal what father's done?
Or fix this hole in a mother's son?
Can you heal the broken worlds within?
Can you strip away so we may start again?
 

.../...

To fall in love with life again

Fixxxer

Alors que l’après-midi s’empreint bientôt d’une aura crépusculaire, « Reload » m’a donné l’envie d’entamer une nouvelle virée, à rouler jusqu’à plus soif en compagnie de Nyx et, au gré de ses humeurs cycliques, Séléné la surfeuse cendrée. C’était sans compter cette amante insatiable qu’est la solitude…

Mais que serait cet article  sans l'avis de Bowie mon intervenant musical: 

Encore avec ta musique dark toi!  

lundi 21 avril 2025

Elisabeta

  1995. Les déménagements se succèdent au cœur de cette ville industrielle et le moins que l’on puisse dire c’est que l’appartement actuel loué par mes parents en cet instant est sans doute l’un des pires. Ce dernier est dans un immeuble bordé par l’artère principale d’un quartier inondé par le flot d’une circulation incessante. 

Lorsque le minuscule balcon n’est pas la proie des gaz d’échappements, il bénéficie de l’arrosage des plantes de l’appartement juste au-dessus sans parler du bruit occasionné par cette locataire affectionnant les talons hauts quelque soit l’heure. Entre deux pérégrinations, j’occupe la petite chambre située côté parking, lieu un peu plus calme mais néanmoins témoins d’échauffourées entre voisins pour une sombre histoire de place attitrée.  Combien champs et quiétude me manquent! Malgré cela je parviens à trouver quelque beauté en ces lieux comme cette cuisine baignée par la luminosité d’un soleil parfois généreux. Là, dans ce minuscule espace, l’astre incandescent me réchauffe les os et l’âme, m’offrant par la même occasion quelques beaux souvenirs de lectures empruntées à la bibliothèque locale.

Il y a aussi cette lune, fidèle compagne de mes humeurs sombres, que je peux admirer à son firmament sur ce balcon, entre deux flots de véhicules roulant vers leur destinée. Il arrive même que mon esprit s’évade par-delà les toits puisque l’appartement est situé à l’avant dernier étage de la bâtisse. Si l’été est plus agressif et morne avec ses atours de béton, je peux tout de même compter sur le petit parc situé à quelques mètres de là où règne un magnifique chêne sans doute centenaire. Titi, le chien de la famille lui aussi quelque peu désorienté, apprécie particulièrement ce carré de verdure, alors que la semi-obscurité s’apprête à prendre possession des lieux. 

Lorsque je ne profite du cinéma localisé un peu plus bas en centre ville, je réside en ma chambre, bénéficiant de ma télé cathodique 51 cm d’une marque obscure et de mon magnétoscope récemment acquis grâce à mon salaire. Bien que je n’ai guère le temps d’en profiter, certains samedis soir me permettent de rattraper mon retard sur des films manqués lors de mon service militaire par exemple. Canal +, tout comme l’Amstrad cpc, est devenu un lointain souvenir. Ces derniers sont désormais remplacés par des locations effectuées au sein de ce petit vidéoclub récemment installé non loin de là. 

Paraît-il...

En portant mon choix sur « Bram Stoker’s Dracula » réalisé par Francis Ford Coppola, je m’apprête à être transpercé. Le gérant, féru de cinéma, m’ayant déjà évité quelques navets vus plus tard lors de diffusions tv, approuve mon choix. Depuis toujours, les œuvres traitant du vampirisme m’interpellent, bientôt la vision de Francis Ford Coppola sur le roman de Bram Stoker viendra rejoindre mon cercle d’œuvres que je considère comme majeures.

Allez, tout est prêt. L’appartement est empreint d’une certaine quiétude, même l’agitation de cette laide ville semble s’apaiser, il est temps d’insérer la cassette alors que je prends place sur ce lit fatigué pour entamer mon visionnage. 

Je ne vais pas ici vous faire une critique de ce long-métrage faisant partie pour moi de mes films cultes car je ne suis pas très doué en la matière d’autant que je ne serai absolument pas objectif. Gary Oldman y est littéralement possédé tout comme Anthony Hopkins dans le rôle du Dr Van Helsing. A n’en pas douter, l’esthétique globale du film avec son jeu d’ombres, notamment lorsque le jeune Harker incarné par Keanu Reeves est « l’invité » du Comte, y est pour quelque chose, appuyé par la musique de Wojciech Killar qui résonne encore à mes oreilles. 

Lucy, magistralement incarnée par Sadie Frost

Autre approche que j’ai particulièrement apprécié c’est celle d’un Dracula sombrant dans les ténèbres suite au suicide de sa promise, Elisabeta incarnée par Winona Ryder rejetée par une église hypocrite alors que son époux s’est ardemment battu pour défendre son dogme. Nous sommes loin du Dracula de la Hammer incarné par Christopher Lee mais ne vous méprenez pas (peu importe si c’est le cas), impossible pour moi de les départager dans le sens où des films tels que « Le cauchemar de Dracula », « Dracula Prince des ténèbres » ou encore l’interprétation de Bela Lugosi résident dans mon cercle d’œuvres vers lesquelles je reviens souvent.  Il en va de même pour le remake de « Nosferatu, Phantom der nacht » avec Isabelle Adjani ici transfigurée et Klaus Kinski.

A la fin de mon visionnage, au cœur d’une nuit encore jeune, je suis ébranlé. La seule solution pour être sûr de ce que je viens de voir est de regarder une nouvelle fois le long-métrage de Francis Ford Coppola. Alors qu’au-dehors les étoiles se battent avec les lumières artificielles d’une ville réduisant son activité par cette nuit d’été, mon être artistique, encore en émoi après ce second visionnage, cède bientôt lui aussi aux avances de Nyx... mais peut-être également aux murmures de Lucy Westenra.

Lorsqu'on aime on ne compte pas #2

mercredi 16 avril 2025

Sunday Man

 1988. Les ombres de l’existence, sous ce soleil temporel implacable, s’étirent à une vitesse folle. Aujourd’hui devient soudainement hier, demain n’aura bientôt rien à lui envier. Malgré tout, mes souvenirs liés à l’Amstrad cpc s’éparpillant de manière résiduelle en ma mémoire subsistent. Comme celui de ce dimanche après-midi, oui encore ce jour que je n’apprécie guère avec son aspect doucereux de quiétude, prêt à me livrer en pâture au lundi après avoir âprement négocié avec ces heures sournoises.

Il n’y a cependant aucune raison de pas profiter de mon cpc 464, notamment avec la compilation Dix Sur Dix partiellement évoquée sur le blog. Quelques jeux ont attiré mon attention comme « The Armageddon Man » édité par Martech en 1987 dans lequel nous incarnons un commandant suprême devant veiller sur la paix mondiale… rien que ça! Le moins que l’on puisse dire c’est que la tâche ne sera pas simple. 

Il me faudra tout d’abord patienter alors que la cassette déroule impassiblement sa bande magnétique dans le lecteur du 464. Un temps devenu précieux pour compulser la notice. D’ailleurs mieux vaudra appréhender la langue d’Albion car si le manuel est en français dans la compil’, le soft est lui intégralement en anglais. Notre champ d’action se résumera à un écran où nous aurons tout à portée de main: un planisphère qui nous rappellera les cours de géographie manqués, quelques outils d’espionnage (satellites, intercepteur de fréquences radio etc..) rapports sur les ressources des 16 pays membres, gestionnaire des déplacements de notre force d’intervention militaire ainsi que le courrier entrant/sortant.

La pression du compte rendu...

En clair "The armageddon man" fait appel à mes talents de gestionnaire… que je n’ai pas! Pourtant le jeu m’interpelle et malgré mon niveau d’anglais encore assez faiblard en cette année 1988, je m’accroche afin de contenter chaque pays. Ce ne sera pas chose aisée car en réalité les évènements surviennent rapidement et il n’est pas rare de se voir submergé par le travail! L’observation et l’écoute seront deux atouts majeurs indispensables afin d’éviter une guerre conventionnelle entre deux pays ou pire encore un conflit atomique. En général, les signes de tensions entre deux pays sont rapidement visibles et il sera alors possible d’agir en conséquence avec la mise en place de satellites défensifs qui se chargeront d’intercepter les ogives alors lancés ou encore d’imposer au pays le plus agressif la présence de notre armée.

L'arsenal de chaque pays...

La difficulté réside essentiellement dans le contentement de chaque pays membres, assurer un statut d’égalité. Notre commandement sera aussi examiné à la loupe et si certaines contrées ne nous critiqueront pas ouvertement, ces dernières nous le feront savoir d’une manière ou d’une autre. Même sans conflits déclarés, il se peut très bien que notre gestion désastreuse nous pousse vers la sortie! Ainsi il sera très important de porter attention à chaque courrier, notification reçue car il nous faudra porter une appréciation. Ignorer une décision cruciale peut mettre fin à la partie! Côté commandes, le curseur peut-être déplacé via le joystick ou le clavier mais je me suis toujours demandé si la souris AMX était éventuellement utilisable, un peu comme dans le cadre d'un jeu point'n'clic actuel.

Ouch!

Alors que ce dimanche touche finalement à sa fin, comprenez par là que le générique de Sept Sur Sept résonne non loin de là dans les hauts-parleurs de l’imposante télévision cathodique et que par conséquent l’heure du repas approche, je suis brutalement     démis de mes fonctions. Malgré tout, un sourire se dessine sur mon visage en portant un regard vers ma fenêtre de chambre afin de me plonger dans la quiétude rurale environnante car, à n’en pas douter, « The Armageddon Man » est une pépite insoupçonnée de l’Amstrad cpc.

jeudi 10 avril 2025

Kwon et les autres

 1989. Quel jour sommes-nous? Un mercredi sans doute où cette mélancolie un peu folle, hors de contrôle, accentue sa présence en laissant mon regard flâner sur les environs. Par la fenêtre de cette chambre, qui se révèle au final être une porte dimensionnelle que Rod Serling aurait peut-être validé, il s’agit d’une journée lumineuse. Ce soleil est bien trop timide pour faire croire au retour des beaux jours, mais suffisamment présent pour réchauffer les os et l’âme. 

Il ne m’en fallait pas plus pour laisser un vent léger, venu jouer les trouble-fête au cœur de cet instant presque printanier,  guider mes pas au milieu de ce champs faisant face à la demeure familiale. Si le ciel d’azur suffit amplement à mon bonheur, mon esprit est quelque peu distrait par l’idée de lancer ce nouveau jeu reçu récemment en provenance de chez Micromania. 

Allez, il est temps pour cet ado pourri gâté matériellement de délaisser cette contrée, tout du moins temporairement, afin de retrouver encore pour quelques temps le clavier de ce bon vieil Amstrad cpc 464. Appuyé dans ma décision par un rouge-gorge dont la complainte me fait comprendre qu’il serait effectivement souhaitable que je quitte les lieux, j’ai déjà en tête ma future action: ouvrir ce boîtier cristal avec cette jaquette à l’allure esthétique discutable. 

HKMoche

H.K.M pour Human Killing Machine, tel est le nom du soft sur lequel s’est porté mon choix récemment. Edité par U.S Gold cette même année nous y incarnons Kwon, un artiste martial dont le but sera d’affronter divers ennemis autour du globe. Inutile de tergiverser, nous sommes face à un dérivé de Street Fighter que j’appréciais assez au final sur mon 464, jeu déjà évoqué sur le blog.

Pourquoi ce choix? Même après toutes ces années, je ne sais quoi répondre à vrai dire. Quoiqu’il en soit, lors de mes premiers pas ou plutôt coups de poings, j’étais loin d’être emballé malgré une musique qui figure parmi mes préférées de l’Amstrad cpc. Notre tour du monde de la bagarre se limitera à cinq destinations: Moscou, Amsterdam, Barcelone, Germany et Beyrouth. La différence avec Street Fighter réside dans le fait que nos opposants compteront parmi eux un chien et un taureau… Youpi.

On doit attendre la fin du chargement ok!!

Bien qu’assez brouillons, les graphismes sont jolis mais l’action terriblement lente. Petit détail sympathique, les coups rendus à nos adversaires apparaissent sous forme d’onomatopées un peu comme dans la série Batman avec Adam West et Burt Ward. Si je parviens à remporter la victoire face à Igor, Shepski, Maria et Helga, Miguel et Brutus deviennent des obstacles infranchissables. Développé une nouvelle fois par Tiertex, Human Killing Machine s’avère rapidement être une déception vers laquelle je reviendrais peu par la suite. Cette après-midi se verra donc bien mal employée à tenter de défaire mes opposants. Des années plus tard, avec l’appui de l’émulation, j’arriverais à voir les derniers opposants de Kwon pour découvrir que le jeu boucle une fois le dernier adversaire vaincu.

Tiens, prends ça vilain!

Je ne garde donc pas un souvenir impérissable du soft d’U.S Gold si ce n’est son thème musical accrocheur. Alors que le boîtier cristal trouve sa place auprès des autres dans ce carton fatigué, ma main s’apprête à saisir celui de « Street Fighter » avant de se raviser. Une fois le cpc 464 éteint, un sourire se dessine sur mon visage: je connais un oiseau qui va sans doute être peu ravi de me revoir en ce champ.

samedi 5 avril 2025

Les lions d' Eleanor

  1995/1996. Je marche… beaucoup… pour échapper aux ombres de l’esprit qui se meuvent en périphérie de mes humeurs. Cette marche ou « crève » a pour elle de me faire découvrir des ruelles à l’existence insoupçonnée. La dame pâle qui me hante depuis mon enfance me protège en murmurant à mon instinct de survie, par ses complaintes inaudibles sur ce plan, d’éviter certains recoins nauséabonds violentés par les hommes, de cette ville industrielle où je réside alors.

En ce dimanche impitoyable (J.R Ewing aurait remplacé le jour dominical par univers), me renvoyant aux instants nostalgiques passés devant mon Amstrad cpc, ce pont de bitume semblable à un arc-en-ciel monochrome me mène tout droit vers une « anomalie » architecturale. Elle est là, debout, sous la grisaille, encadrée par deux habitations pour qui l’originalité est un luxe inaccessible. Il y a tout d’abord cette grille en fer forgé (tout du moins c’est ce que mon expérience inexistante en ce domaine qu’est la métallurgie me souffle) que le temps n’a pas épargné. Les murets effrités soutenant à bout de pierre ses supports brouillent les pistes de ma perception.

L'idée est là...

Au-delà de cette barrière à la gloire passée, s’étend un petit chemin dont les gravillons se voient bousculés par quelques herbes folles. Le règne de cette verdure sans maître s’arrête face à quelques marches où pierres et béton forment un patchwork dissonant. Ces dernières mèneront mon regard sous ce porche dont les piliers, jadis colorés par une teinte bleu pastel, se veulent désormais fissurés. Mais la vedette de cette ensemble, outre son toit rappelant quelque peu le manoir de la famille Addams, est bien cette petite tourelle se dressant fièrement à gauche de l’édifice, à moins que ce ne soit cette fenêtre en forme d’œil de bœuf à l’étage. 

En cet instant je m’imagine déjà à l’intérieur, scrutant par cette élégante fenêtre les passants importuns qui oseraient jeter un regard par-dessus le muret. Le panneau « à vendre », cible des intempéries solidement accroché à la porte d’entrée prend l’allure d’un gardien que l’on ne peut soudoyer, mettant un terme à ma rêverie. De plus mes jambes crient grâce et il est temps pour moi de retrouver cette chambre que j’occupe alors chez mes parents. Poussé par la fatigue physique, peut-être trouverais-je le sommeil qui me fera ainsi oublier ce futur lundi me voyant reprendre mon poste dans cette usine, face à ces machines assourdissantes aux copeaux métalliques dévoreurs de chair.

Quoiqu’il en soit, le salaire obtenu par mon être physique, ma psyché ne ratant pas l’occasion de se faire la malle dès qu’elle en a l’occasion, me permet d’acheter des livres. J’aimerais vous dire que je déniche les différents auteurs qui composent la collection « terreur » de chez « Pocket » au cœur des rayons d’un obscur libraire en centre-ville mais il en n’est rien. C’est sous les néons à la lumière crue de l’hypermarché local, au détour d’un panier de course, que je flâne parmi les couvertures noires à l’écriture rouge. Le moins que l’on puisse dire c’est que le rayon est fourni, trop même pour mon esprit qui ne sait plus où… donner de la tête. Pourtant, ce dernier jettera son dévolu sur l’une d’elles : « Maison hantée » écrit par Shirley Jackson

Lorsqu'on aime on ne compte pas paraît-il...

Étrange, ce nom trouve quelque résonance en moi. En lisant la quatrième de couverture, le souvenir remonte par-delà les brumes de l’oubli… Mais oui… Souviens-toi (pas l’été dernier)… « La maison du diable » réalisé par Robert Wise en 1963… tu faisais semblant de dormir sur le canapé… et te voilà terrorisé! Il ne m’en faut pas plus pour saisir cette chance de découvrir le roman original ayant inspiré le long-métrage m’ayant tant effrayé enfant. 

En voici le résumé: Le Dr Montague, versé dans le domaine de la parapsychologie, réunit trois personnes  au cœur d’une ancienne bâtisse ayant la réputation d’être hantée: Hill House construite jadis d’après les plans de Hugh Crain, un riche propriétaire terrien. Si Eleanor et Théodora présentent, différemment, une sensibilité au paranormal, Luke fait partie du groupe uniquement parce que sa tante, désormais héritière de Hill House, a souhaité qu’un membre de sa famille s’assure du bon déroulement des évènements.

Au fur et à mesure que le séjour se déroule, Hill House accentue son emprise sur Eleanor. Je n’en dirai pas plus si d’aventure vous n’aviez jamais lu ce fantastique classique. Oui, je m’emporte un peu, beaucoup même, mais cette rencontre avec Shirley Jackson au travers de ce roman a littéralement bouleversé mon monde littéraire et d’une certaine manière une partie de ma vie. Si La maison est incontestablement l’entité principale du roman, ce sont bien les états d’âme d’Eleanor qui nous guideront le long de ces lignes. Alors que la fatigue s'empreint à m'extirper de ma lecture, je résiste (peut-être afin de prouver que j'existe), impossible pour moi de m'arrêter (malgré les demandes d'un certain homme politique). A maints égards, je me suis senti proche de la jeune femme alors que cette dernière accuse la perte de sa mère et doit batailler avec sa sœur pour emprunter la voiture commune le temps du séjour. 

Drapée dans son manteau ténébreux, Hill House attend...

Alors que les kilomètres défilent, un peu à la manière de Marion Crane dans Psychose, je me suis parfois presque senti au côté d’ Eleanor qui se met à rêver de trouver ne serait-ce qu’une modeste maison comme celle qu’elle vient de croiser, avec ses deux lions de pierre, au détour d’un chemin. La demeure de Hugh Crain ne sera d’ailleurs qu'un leurre et Eleanor devra se débattre non seulement avec ses pensées mais également avec le regard des autres. 

Je l’évoquais lors des quelques lignes précédentes, le roman de Dame Jackson a été adapté par trois fois en tout sur le grand et petit écran. Tout d’abord avec « La maison du diable » (offrant au passage une légère modification intéressante), pour son titre français, de Robert Wise avec Julie Harris dans le rôle d’ Eleanor puis en 1999 sous la caméra de Jan de Bont avec Lily Taylor, Liam Neeson, Catherine Zeta Jones et Olwen Willson sous le titre Hantise. Je n’ai d’ailleurs pas du tout apprécié ce remake  faisant figure de « Train fantôme qui tâche » avec ses effets spéciaux grossiers. Je me souviens nettement de ce dimanche après-midi, plongé dans les ténèbres du cinéma local, mes yeux animés par la déception alors que je souhaitais  absolument voir le film dès sa sortie. 

Taken avec Liam Neeson... euh pardon Hantise!

La troisième adaptation nous viendra d’une plateforme de streaming tendance, sous forme de série en 2018, et sera une excellente surprise au final avec Thimoty Hutton. Enfin, même si elle n’est pas une adaptation directe, "Rose Red" de Stephen king sera un formidable hommage à l’œuvre originelle, parsemée de clins d’œil. D’ailleurs l’auteur a toujours clamé que « The haunting of Hill House » est le meilleur roman fantastique de ces cent dernières années et il en utilise les premières ligne en abordant « Salem » (un autre excellent roman à mes yeux).

Un très bel hommage

Ce que je regrette le plus c’est sans doute l’absence d’une édition digne de ce nom pour « The Haunting of Hill House » en France, l’œuvre devant se contenter uniquement du format poche. Néanmoins, son passage de « Pocket/terreur » à « Rivages/noir » nous a permis de bénéficier d’une révision de sa traduction initiale, révision opérée par Fabienne Duvigneau. Quoiqu’il en soit, si vous décidez de franchir le pas et peut-être découvrir « Maison hantée » de Shirley Jackson, peu importe l’édition choisie (sachant que la première, « Pocket » donc, est désormais plus difficile à trouver, je ne parle même pas de celle du « Masque fantastique »). Toutes vous permettront d’accompagner Eleanor dans cet éprouvant séjour.

Une édition à un prix décent svp...

« Aucun organisme vivant ne peut demeurer sain dans un état de réalité absolue. Même les alouettes et les sauterelles rêvent, semble-t-il. Mais Hill House, seule et maladive, se dressait depuis quatre-vingts ans à flanc de colline, abritant en son sein des ténèbres éternelles…/… Ce qui déambulait ici, scellé dans le bois et la pierre, errait en solitaire. »

Shirley Jackson – The Haunting of Hill House

 

 Ah mince, j'allais oublier la conclusion de Miss.P:

Et mes croquettes alors?
 

mercredi 2 avril 2025

Les portes de l'absence

  Je ne m’attendais pas à écrire tel article en ce 2 avril mais à vrai dire le décès de Val Kilmer survenu hier à l’âge de 65 ans m’a fait pas mal cogiter. Si je n’avais pas été convaincu par sa prestation dans le rôle de Bruce Wayne au cœur du film « Batman Forever » réalisé par Joël Schumacher en 1995, ses incarnations dans les longs-métrages Top Gun (1986), Willow (1988), The Doors (1991), Heat (1995) de Michael Mann et bien d’autres résonnent encore en moi après toutes ces années.

Val Kilmer dans Willow

Chris Shiherlis reste mon souvenir le plus récent, cependant je dois dire que  son interprétation de Jim Morrison dans le film d’Oliver Stone  me hante encore à ce jour. Je ne suis pas spécialement fan des Doors, néanmoins quelques-unes de leurs chansons font écho en moi et les textes du poète maudit restent à mes yeux un modèle du genre. Je considère l’artiste faisant partie de ces êtres talentueux, touchés par une grâce destructrice, un peu comme l’essence d’un pouvoir difficilement canalisable. 

Ces quelques lignes sont courtes, trop courtes pour exprimer ce désarroi  ressenti ces derniers temps face la disparition de nos icônes culturelles, ces artistes qui nous ont impressionnés, fait rêver alors que nous n’étions encore que des gamins puis des adolescents. Le temps fait son œuvre, nous n'y pouvons rien. Ainsi Val Kilmer a rejoint Richard Chamberlain parti récemment lui aussi, inoubliable John Blackthorn dans l’adaptation du livre de James Clavell, Shogun, en mini-série dans les années 80. Reposez en paix Messieurs et merci pour tout.

Richard Chamberlain dans Shogun