1996. Quel mois sommes-nous? Je ne sais plus très bien mais de mémoire la nuit a revêtu son manteau d’hiver. On ne peut pas dire que la foule se bouscule à l’entrée du modeste cinéma que j’ai l’habitude de fréquenter au cœur de cette ville industrielle. Mes yeux guidés par mon intuition prennent notes de quelques détails. Qui sait parmi tous ces visages se cache une âme hyper-sensible? Cette lueur d’espoir est vite conduite au tombeau, les gens attendant patiemment leur tour ne semblent être venu que pour passer un agréable moment… Mais au final, « quoi d’autre » comme le dirait un certain George.
Allez, mon tour de demander un billet pour « The crow: City of angels » arrive bientôt. L’ouvreur est un homme assez âgé et semble illuminer par sa bonne humeur cette dernière séance (vous vous en doutez, sans Eddy Mitchell). Il ne semble n’y avoir que des étudiants en cet instant puisque les quelques personnes encore devant moi bénéficient d’un tarif préférentiel. Aussi, lorsque je lui réponds non à sa question « vous aussi monsieur tarif étudiant? » et que je réponds « non », l’homme marque un temps d’arrêt. Je m’imagine alors ce qu’il pense éventuellement en cet instant: A – Ce mec ne saisit pas l’opportunité d’avoir un bon tarif B – Ce mec est complètement con ma parole! C – Réponse A et B pour sûr!

Après ce cours temps d’arrêt, le guichetier m’annonce sur le ton de la plaisanterie: « allez, tarif étudiant pour vous aussi, vous avez une tête à étudier quelque chose! ». Quelques instants plus tard, telle une ombre, je me faufile dans la plus petite salle du cinéma dédié au film avec Vincent Perez. En 1994, en cette même salle et peut-être même à seulement quelques sièges de là j’étais happé par le premier volet avec Brandon Lee.
Alors que la salle s’apprête à plonger non seulement dans l’obscurité mais également dans les ténèbres de la résurrection, une silhouette féminine s’assied à quelques mètres du siège que j’occupe… Elle se veut plutôt jolie et… accompagné de celui qui semble être son compagnon. De manière impromptue, me reviennent en tête les paroles de la chanson du groupe Tripping Daisy « I got a girl »: I got a girl and… she’s got a guy.
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Hey les mecs, vous faîtes quoi dans mon article?! |
Puisque nous en venons à parler musique, je connais déjà quelque peu le film pour avoir dévoré des magazines cinés parlant du long-métrage mais surtout l’album mettant en pistes si je puis dire divers artistes, confirmés et d’autres émergents. Ainsi, dès la première écoute, ce dernier viendra non seulement à me faire découvrir de nouveau groupe tel que Deftones, Bush, The Toadies, Filter, Seven Mary Three mais aussi des chanteuses telle que Pj Harvey, Heather Nova sans oublier de me rappeler la puissance vocale de Linda Perry. A l’intérieur, en guise de bonus, un mini comics reprend quelques éléments du film. Je dois avouer qu’il s’agit d’un ajout sympathique mais sans plus.
Tout dans ce disque est désespérément puissant devenant instantanément mon album de chevet alors que je suis pourtant plongé en quasi permanence dans le bruit de machines rythmées par l’acier. Mais chut, le film commence!
Ici, le corbeau accompagnera Ash incarné par Vincent Perez revenu d’entre les morts pour venger la mort de son fils par la bande de Judah Earl qui a fait main basse sur un Los Angeles perdu dans les enfers. La lumière mordorée du long-métrage fait briller Vincent Perez qui surjoue un peu trop peut-être ici à mon goût. C’est un acteur discret que j’apprécie même si je ne revois désormais plus aucun de ses films. Pour l’appuyer Iggy Pop jouant à merveille les viles personnes et puis Mia Kirshner qui incarne la lumière dans ce royaume interdit à l’espoir.
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Corbac, baby corbac! |
En sortant de la salle je dois l’avouer, le film n’arrive certainement pas à la cheville du premier malgré la magistrale musique de Græme Revell. Il n’empêche qu’en cet instant, cette séance m’a permis d’alimenter mes sombres pensées de l’époque. Mais alors que la lune a encore un long règne devant elle, je rentre à pied vers la promesse d’un certain sommeil. Les lampadaires répandant leur lumière jaunâtre sur la grisaille des trottoirs à la propreté douteuse, font renaître en moi quelques scènes du long-métrage. Pour sûr, alors qu’en cet instant les corbeaux dorment, j’écouterais une dernière fois « City of angels » chanté par Heather Nova avant de rejoindre l’antre des songes tourmentés.
Par contre, avant de laisser voler cet article vers ce nouveau souvenir qui vient de rejoindre le blog, je laisse le dernier mot à Bowie, mon intervenant musical: T’en penses quoi de cet album?
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C'est un peu dark ton truc là non? |