1987. C’est l’un de ses mercredis après-midi où je me suis rediffusé pour la énième fois Tarantula de Jack Arnold patiemment enregistré par ma mère l’année précédente. Oui, car la figure maternelle n’est pas très à l’aise avec la programmation du magnétoscope, aussi lorsque ce film mettant en scène une tarentule géante est annoncé en seconde partie de soirée au cœur de l’émission "La dernière séance", je veux absolument le voir.
Mais hors vacances, l’autorité parentale n’est pas très enclin à me laisser croquer cette part des ténèbres. Claude Pierrard et Stephen King auraient sans doute approuver ce choix. Ce fameux soir de 1986 ma mère attend donc la fin du long-métrage diffusé en version originale sous titrée. Mettant notamment en scène Leo G. Caroll, une sombre histoire d’expérience de laboratoire ratée voit alors une arachnide se développer de manière disproportionnée. A cette époque je suis fasciné autant qu’effrayé par ces films de « grosses bébêtes » (sans show ni Stéphane Collaro). Alors que je me suis lourdement endormi sur le canapé bon marché déchiré en plusieurs endroits, la patience maternelle a ses limites et me réveille à un moment crucial du film, celle où le professeur Gérald Deemer atteint d’acromégalie annonce que la tarentule a péri dans l’incendie de son laboratoire…. Hmmm, je sens le subterfuge, aussi émets-je sérieusement des doutes quant à cette fin trop facile d’autant que le film n’en est qu’à sa moitié (fait vérifié grâce à l’horloge de l’enregistreur). Mon intuition a vu juste puisque ma mère admet avec contrariété que ce n’est en réalité pas le cas!
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Marrant le blog de Temps Nyx non?
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Malgré sa fatigue, elle ira même jusqu’à enregistrer l’intégralité du générique de fin! Après toutes ces années je la remercie encore.
Mais revenons en cette année 1987 qui verra la bande de la cassette vidéo céder suite à mes visionnages intempestifs! Ce mercredi après-midi est emprunt d’un fort souvenir à mes yeux. Alors que le générique se termine, je rejoins ma mère, accaparée par ses mots croisés, sous la véranda. Il y a là un petit coin de paradis meublé par des fauteuils en bois dont l’assise est adoucie par d’épais coussins. Une plante en pot dont l’apparence rappelle celle du yucca s’abreuve de la lumière extérieure filtrée par des stores à demi-ouverts. Ces derniers me rappellent furieusement ceux de la maison du professeur Gérald Deemer. Au-dehors, le ciel incertain dispense ses humeurs, tantôt timidement ensoleillé mais la plupart du temps déversant sa mélancolie au travers d’ondées, rideaux de pluie qui abreuvent mon imagination et questionne le regard.
Hormis le griffonnement actif du critérium vert de la connaissance maternelle envers ces cases qui restent pour moi hermétiques, seule la vie rurale exprime sa certitude quant à l’arrivée de l’automne. Après être resté quelques instants à m’imprégner de ce moment, il est grand temps pour moi de réveiller mon Amstrad cpc 464 d’autant qu’il y a peu j’ai eu la chance d’avoir un nouveau jeu gosse gâté pourri que je suis.
Ma démarche traînante traversant la véranda est bientôt interrompue par un soleil soudainement généreux jouant les troubles-fêtes alors qu’une nouvelle ondée se déverse sur les champs. Un arc-en-ciel vient appuyer le phénomène et telle une incantation j’entends ma mère prononcer ces paroles: « Tiens, le diable marie ses filles aujourd’hui! ». Je n’oublierai jamais cette phrase, la retranscrivant le plus délicatement possible lorsque celle qui a veillé sur moi pendant de longues années empruntera l’Orient Express, accompagnée peut-être par le célèbre détective d’Agatha Christie dont elle affectionnait tant les romans. Sa destination restera à la discrétion de l’invisible.
Cette phrase m’amuse autant qu’elle m’interpelle alors que ma mère lève à peine la tête de ses grilles noircies. Mais n’ai je pas dit que je me dirigeais vers ma chambre afin de retrouver mon Amstrad cpc 464? Le nouveau jeu en question est signé Mastertronic et s’intitule Kobayashi Naru sorti cette même année. Bon, vous l’avez peut-être déjà compris mais qui dit Mastertronic dit jeu « budget ». De mémoire, ces derniers étaient vendus aux alentours de 35 frs et s’avéraient être des productions avec une qualité correspondant au prix… Cependant la surprise était parfois de mise… mais pas pour Kobayashi Naru un jeu d’aventure intégralement en anglais dont je n’ai jamais compris les tenants et aboutissants.
Le but de notre avatar est de prétendre à l’immortalité en passant différentes épreuves. Les choix, actions que nous effectuerons se feront au travers d’icônes à sélectionner. A cette époque ma connaissance de la langue d’Albion est restreinte, je ne comprends quasiment rien au jeu et clique sur les différentes icônes un peu, beaucoup même, au hasard. Si je parviens à progresser par chance ma motivation se résigne rapidement pour délaisser complètement le jeu au bout de quelques temps. Je ne me souviens plus exactement comment ce jeu a atterri dans ma « cpcthèque » mais à n’en pas douter, vu la date, il s’agissait là de mes balbutiements dans l’univers des jeux sur Amstrad, qui plus son prix attractif a assis mon choix (et surtout celui de mes parents). Graphiquement le jeu n’est pas désagréable mais c’est à peu près tout même si je ne peux réellement en juger puisque ma progression s’est voulue très limitée.
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Je comprends rien ok!!
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Des années après, alors que je redécouvrais les jeux sur cpc via l’émulation, faisant travailler ma mémoire afin de retracer mon parcours « softueux », je me réessayais donc à « Kobayashi Naru » sans vraiment plus de succès et surtout plus aucune patience! Un petit tour sur cpcgamereviews m’a fait comprendre que non seulement le jeu s’avérait difficile mais qu’en plus aucune logique ne le composait. Cependant, son souvenir est associé à celui de ce jour particulier, celui où sous une ondée teintée par un généreux soleil, le diable a marié ses filles.
Cet article, dédié à ma mère, a été écrit en écoutant le morceau "meeting Rebecca" issu du jeu "Resident Evil" de Capcom.