samedi 5 avril 2025

Les lions d' Eleanor

  1995/1996. Je marche… beaucoup… pour échapper aux ombres de l’esprit qui se meuvent en périphérie de mes humeurs. Cette marche ou « crève » a pour elle de me faire découvrir des ruelles à l’existence insoupçonnée. La dame pâle qui me hante depuis mon enfance me protège en murmurant à mon instinct de survie, par ses complaintes inaudibles sur ce plan, d’éviter certains recoins nauséabonds violentés par les hommes, de cette ville industrielle où je réside alors.

En ce dimanche impitoyable (J.R Ewing aurait remplacé le jour dominical par univers), me renvoyant aux instants nostalgiques passés devant mon Amstrad cpc, ce pont de bitume semblable à un arc-en-ciel monochrome me mène tout droit vers une « anomalie » architecturale. Elle est là, debout, sous la grisaille, encadrée par deux habitations pour qui l’originalité est un luxe inaccessible. Il y a tout d’abord cette grille en fer forgé (tout du moins c’est ce que mon expérience inexistante en ce domaine qu’est la métallurgie me souffle) que le temps n’a pas épargné. Les murets effrités soutenant à bout de pierre ses supports brouillent les pistes de ma perception.

L'idée est là...

Au-delà de cette barrière à la gloire passée, s’étend un petit chemin dont les gravillons se voient bousculés par quelques herbes folles. Le règne de cette verdure sans maître s’arrête face à quelques marches où pierres et béton forment un patchwork dissonant. Ces dernières mèneront mon regard sous ce porche dont les piliers, jadis colorés par une teinte bleu pastel, se veulent désormais fissurés. Mais la vedette de cette ensemble, outre son toit rappelant quelque peu le manoir de la famille Addams, est bien cette petite tourelle se dressant fièrement à gauche de l’édifice, à moins que ce ne soit cette fenêtre en forme d’œil de bœuf à l’étage. 

En cet instant je m’imagine déjà à l’intérieur, scrutant par cette élégante fenêtre les passants importuns qui oseraient jeter un regard par-dessus le muret. Le panneau « à vendre », cible des intempéries solidement accroché à la porte d’entrée prend l’allure d’un gardien que l’on ne peut soudoyer, mettant un terme à ma rêverie. De plus mes jambes crient grâce et il est temps pour moi de retrouver cette chambre que j’occupe alors chez mes parents. Poussé par la fatigue physique, peut-être trouverais-je le sommeil qui me fera ainsi oublier ce futur lundi me voyant reprendre mon poste dans cette usine, face à ces machines assourdissantes aux copeaux métalliques dévoreurs de chair.

Quoiqu’il en soit, le salaire obtenu par mon être physique, ma psyché ne ratant pas l’occasion de se faire la malle dès qu’elle en a l’occasion, me permet d’acheter des livres. J’aimerais vous dire que je déniche les différents auteurs qui composent la collection « terreur » de chez « Pocket » au cœur des rayons d’un obscur libraire en centre-ville mais il en n’est rien. C’est sous les néons à la lumière crue de l’hypermarché local, au détour d’un panier de course, que je flâne parmi les couvertures noires à l’écriture rouge. Le moins que l’on puisse dire c’est que le rayon est fourni, trop même pour mon esprit qui ne sait plus où… donner de la tête. Pourtant, ce dernier jettera son dévolu sur l’une d’elles : « Maison hantée » écrit par Shirley Jackson

Lorsqu'on aime on ne compte pas paraît-il...

Étrange, ce nom trouve quelque résonance en moi. En lisant la quatrième de couverture, le souvenir remonte par-delà les brumes de l’oubli… Mais oui… Souviens-toi (pas l’été dernier)… « La maison du diable » réalisé par Robert Wise en 1963… tu faisais semblant de dormir sur le canapé… et te voilà terrorisé! Il ne m’en faut pas plus pour saisir cette chance de découvrir le roman original ayant inspiré le long-métrage m’ayant tant effrayé enfant. 

En voici le résumé: Le Dr Montague, versé dans le domaine de la parapsychologie, réunit trois personnes  au cœur d’une ancienne bâtisse ayant la réputation d’être hantée: Hill House construite jadis d’après les plans de Hugh Crain, un riche propriétaire terrien. Si Eleanor et Théodora présentent, différemment, une sensibilité au paranormal, Luke fait partie du groupe uniquement parce que sa tante, désormais héritière de Hill House, a souhaité qu’un membre de sa famille s’assure du bon déroulement des évènements.

Au fur et à mesure que le séjour se déroule, Hill House accentue son emprise sur Eleanor. Je n’en dirai pas plus si d’aventure vous n’aviez jamais lu ce fantastique classique. Oui, je m’emporte un peu, beaucoup même, mais cette rencontre avec Shirley Jackson au travers de ce roman a littéralement bouleversé mon monde littéraire et d’une certaine manière une partie de ma vie. Si La maison est incontestablement l’entité principale du roman, ce sont bien les états d’âme d’Eleanor qui nous guideront le long de ces lignes. Alors que la fatigue s'empreint à m'extirper de ma lecture, je résiste (peut-être afin de prouver que j'existe), impossible pour moi de m'arrêter (malgré les demandes d'un certain homme politique). A maints égards, je me suis senti proche de la jeune femme alors que cette dernière accuse la perte de sa mère et doit batailler avec sa sœur pour emprunter la voiture commune le temps du séjour. 

Drapée dans son manteau ténébreux, Hill House attend...

Alors que les kilomètres défilent, un peu à la manière de Marion Crane dans Psychose, je me suis parfois presque senti au côté d’ Eleanor qui se met à rêver de trouver ne serait-ce qu’une modeste maison comme celle qu’elle vient de croiser, avec ses deux lions de pierre, au détour d’un chemin. La demeure de Hugh Crain ne sera d’ailleurs qu'un leurre et Eleanor devra se débattre non seulement avec ses pensées mais également avec le regard des autres. 

Je l’évoquais lors des quelques lignes précédentes, le roman de Dame Jackson a été adapté par trois fois en tout sur le grand et petit écran. Tout d’abord avec « La maison du diable » (offrant au passage une légère modification intéressante), pour son titre français, de Robert Wise avec Julie Harris dans le rôle d’ Eleanor puis en 1999 sous la caméra de Jan de Bont avec Lily Taylor, Liam Neeson, Catherine Zeta Jones et Olwen Willson sous le titre Hantise. Je n’ai d’ailleurs pas du tout apprécié ce remake  faisant figure de « Train fantôme qui tâche » avec ses effets spéciaux grossiers. Je me souviens nettement de ce dimanche après-midi, plongé dans les ténèbres du cinéma local, mes yeux animés par la déception alors que je souhaitais  absolument voir le film dès sa sortie. 

Taken avec Liam Neeson... euh pardon Hantise!

La troisième adaptation nous viendra d’une plateforme de streaming tendance, sous forme de série en 2018, et sera une excellente surprise au final avec Thimoty Hutton. Enfin, même si elle n’est pas une adaptation directe, "Rose Red" de Stephen king sera un formidable hommage à l’œuvre originelle, parsemée de clins d’œil. D’ailleurs l’auteur a toujours clamé que « The haunting of Hill House » est le meilleur roman fantastique de ces cent dernières années et il en utilise les premières ligne en abordant « Salem » (un autre excellent roman à mes yeux).

Un très bel hommage

Ce que je regrette le plus c’est sans doute l’absence d’une édition digne de ce nom pour « The Haunting of Hill House » en France, l’œuvre devant se contenter uniquement du format poche. Néanmoins, son passage de « Pocket/terreur » à « Rivages/noir » nous a permis de bénéficier d’une révision de sa traduction initiale, révision opérée par Fabienne Duvigneau. Quoiqu’il en soit, si vous décidez de franchir le pas et peut-être découvrir « Maison hantée » de Shirley Jackson, peu importe l’édition choisie (sachant que la première, « Pocket » donc, est désormais plus difficile à trouver, je ne parle même pas de celle du « Masque fantastique »). Toutes vous permettront d’accompagner Eleanor dans cet éprouvant séjour.

Une édition à un prix décent svp...

« Aucun organisme vivant ne peut demeurer sain dans un état de réalité absolue. Même les alouettes et les sauterelles rêvent, semble-t-il. Mais Hill House, seule et maladive, se dressait depuis quatre-vingts ans à flanc de colline, abritant en son sein des ténèbres éternelles…/… Ce qui déambulait ici, scellé dans le bois et la pierre, errait en solitaire. »

Shirley Jackson – The Haunting of Hill House

 

 Ah mince, j'allais oublier la conclusion de Miss.P:

Et mes croquettes alors?
 

mercredi 2 avril 2025

Les portes de l'absence

  Je ne m’attendais pas à écrire tel article en ce 2 avril mais à vrai dire le décès de Val Kilmer survenu hier à l’âge de 65 ans m’a fait pas mal cogiter. Si je n’avais pas été convaincu par sa prestation dans le rôle de Bruce Wayne au cœur du film « Batman Forever » réalisé par Joël Schumacher en 1995, ses incarnations dans les longs-métrages Top Gun (1986), Willow (1988), The Doors (1991), Heat (1995) de Michael Mann et bien d’autres résonnent encore en moi après toutes ces années.

Val Kilmer dans Willow

Chris Shiherlis reste mon souvenir le plus récent, cependant je dois dire que  son interprétation de Jim Morrison dans le film d’Oliver Stone  me hante encore à ce jour. Je ne suis pas spécialement fan des Doors, néanmoins quelques-unes de leurs chansons font écho en moi et les textes du poète maudit restent à mes yeux un modèle du genre. Je considère l’artiste faisant partie de ces êtres talentueux, touchés par une grâce destructrice, un peu comme l’essence d’un pouvoir difficilement canalisable. 

Ces quelques lignes sont courtes, trop courtes pour exprimer ce désarroi  ressenti ces derniers temps face la disparition de nos icônes culturelles, ces artistes qui nous ont impressionnés, fait rêver alors que nous n’étions encore que des gamins puis des adolescents. Le temps fait son œuvre, nous n'y pouvons rien. Ainsi Val Kilmer a rejoint Richard Chamberlain parti récemment lui aussi, inoubliable John Blackthorn dans l’adaptation du livre de James Clavell, Shogun, en mini-série dans les années 80. Reposez en paix Messieurs et merci pour tout.

Richard Chamberlain dans Shogun

jeudi 27 mars 2025

L’ œil du tigre

 1986 ou 1987 Le souvenir suivant reste à la discrétion de l’incertitude quant à sa date. Nous sommes mardi soir et pour ma part l’excitation est à son comble. L’imposante télévision cathodique, acquise depuis peu, avec son écran de protection et sa télécommande tout droit sortie d’une émission des frères Bogdanoff, est calée sur la seconde chaîne. Cette dernière me voit allongé sur ce canapé simili cuir à la teinte foncée. La mousse s’échappant de l’accoudoir hémorragique me fait sentir l’ossature de bois qui malmène en cet instant ma nuque. Le meuble est bien mal en point donc, assailli de toute part par les griffes de Belzébuth qui l’affectionne particulièrement et recouvert d’un plaid dont l’état n’a rien à lui envier. Le morceau de tissu beige clair est destiné à Love notre chienne Berger allemand  dont la mâchoire présente un handicap lié à la maltraitance de ses précédents « maîtres ». 

Elle ne tardera d’ailleurs pas à me rejoindre, prenant alors la majeure partie de la place. Bien que je sois allongé, outre le fait que Love entend bien avoir sa part de territoire malgré sa douceur, je ne tarderais pas à me redresser une fois la page de publicités cédant place au film de ce mardi soir. Le long-métrage en question est « Rocky 3 – L’œil du titre ». Les premières notes de la chanson du groupe « Survivor » me font immédiatement frissonner. En cet instant, le morceau est déjà gravé en ma tête et ne la quittera plus jamais , le cœur prenant le relais au fil du temps qui passe. 

Le salon à la moquette élimée, mes parents sur leur fauteuil respectif, l’odeur du tabac dont ma mère abuse, chaque détails liés à notre quotidien est absorbé par le film. Je suis en colère alors que Rocky s’écroule sous les coups de Clubber Lang incarné par Mister T, pleure discrètement lorsque Mickey joué par Burgess Meredith (Le Pingouin dans la série Batman datant de 1966) décède dans ce sombre vestiaire, exulte lorsque Apollo décide de mener Rocky vers la victoire.  A la fin de cette séance qui n’est pas encore la dernière, impossible pour moi de rester en place malgré les gestes de mon père qui m’invite au calme. Le sommeil aura bien du mal à trouver son chemin cette nuit là, quelque peu retardé par la chanson du groupe « Survivor » entonné par mon esprit agité.

C’est avec ce souvenir en tête que j’aborderais Frank Bruno’s Boxing édité par Elite en 1985 et découvert pour ma part via la compilation « Four Hits Pak » du même éditeur. Nous y incarnons ici un boxeur professionnel bien réel: Frank Bruno.  Le jeu obtient à mes yeux un statut mystérieux avec son menu austère et son choix de commandes déroutant. Afin de vaincre mes adversaires au nombre de 8 je dois utiliser le joystick ainsi que le clavier. Tous sont caricaturaux mais n’en sont pas moins redoutables, la difficulté augmentant progressivement. Pour atteindre la victoire, outre me familiariser avec les commandes, il me faudra également observer les techniques de mes ennemis. 


Si le premier combattant n’est pas très difficile à vaincre, le second n’hésitera pas à enfreindre les règles en vigueur en utilisant ses pieds pour me mettre à terre. Il faut donc être prêt à se baisser dès que celui-ci entreprend un coup de savate ce que je ne fais pas à temps, me retrouvant bien souvent K.O. La victoire n'est donc pas pour aujourd’hui, l’entraînement sera de mise avant d’aller plus loin et d’atteindre Peter Perfect le champion américain. La bonne idée du jeu est de fournir un code une fois l'adversaire en cours vaincu, ainsi il est possible de reprendre là où nous en étions lors d’une prochaine partie. De même si la défaite survient en cours de jeu, il est possible d’affronter à nouveau le dernier boxeur.


Graphiquement parlant, j’apprécie beaucoup le style. Si comme dit plus haut je suis quelque peu déstabilisé par les commandes, la jouabilité reste très agréable. Je ne parviendrais jamais à défaire mes adversaires en une seule fois, cependant, avec le temps, l’œil du tigre appuiera mon ambition de gagner le titre mondial. Mais au final, le seul gagnant de l’histoire reste ce souvenir indélébile lié au film avec Sylvester Stallone et le jeu de l’éditeur Elite.

mercredi 12 mars 2025

James contre les rats

 51 ans c’est l’ âge du roman de James Herbert, 51 ans est également l’âge que j’atteindrai d’ici quelques mois, ce qui veut donc dire que le récit de l’auteur britannique né en  1943 et décédé en 2013 a été édité l’année de ma naissance. Il m’aura fallu attendre tout ce temps avant de découvrir ce premier livre de James Herbert dont j’avais croisé la couverture lors des années actives de la collection « Terreur » chez Pocket dirigée alors par Patrice Duvic, une collection pour laquelle j’ai beaucoup d’affection.  J’ai également pas mal de très bons souvenirs lecture avec cette dernière et quelques-uns dont l’aura m’a laissé dubitatif. Au même titre que Graham Masterton, James Herbert faisait partie des fers de lance de la collection « Terreur ».

Lors de ma découverte de cette collection, « Sanctuaire » racontant l’histoire d’une jeune fille sous l’emprise d’une force inconnue, ne m’avait pas réellement plu. Après cette expérience, je n’ai alors pas eu l’occasion de me plonger au cœur des autres roman de l’écrivain. C’était sans compter ma rencontre fortuite avec un rat, au détour de l’une de mes ballades appuyée par un soleil généreux. Bien que cette dernière fut très courte, le rongeur se dressant sur ses pattes arrière, m’observant en humant l’air avant de détaler afin de se soustraire à ma présence, cet instant suffit à me rappeler l’existence de ce roman que je n’avais donc jamais lu. 

Quelques semaines plus tard, le souvenir a fait son chemin, se frayant un passage vers mon souhait de découvrir enfin ce terrifiant récit de l’auteur. Dans ces lignes qui se passent à Londres, un jeune professeur de dessin, Harris, se voit bientôt confronté à des rats d’une espèce exotique. Ceux-ci semblent différents de leurs congénères qui peuplent, dans l’ombre, nos villes et environnements ruraux. Les animaux présentent une taille importante (environ celle d’un chien moyen) et surtout ils n’ont aucunement peur de l’homme allant jusqu’à toiser ce dernier, le poursuivre même afin de se repaître de sa chair suite à un événement que je ne dévoilerai pas ici afin de ne pas gâcher la découverte.

Contrairement à « Sanctuaire » je trouve ici que les évènements s’enchaînant à un rythme assez soutenu ne laissent aucune place à l’ennui. Ce qui n’empêche pas à  chaque personnage rencontré,  ancré dans le récit ou appelé à succomber, d’avoir sa part d’existence, de souvenirs. L’auteur restitue également quelques informations concernant les espèces communes que nous sommes à même de rencontrer parfois et même si j’ai appris certains détails à leur sujet, quelques éléments supplémentaires auraient été les bienvenus. Cependant, c’est ça aussi la découverte d’un roman, selon le sujet, on peut être amené à souhaiter en savoir plus nous poussant en ce cas à aller vers des sources d’informations un peu plus détaillées. Qui plus est, en 1974, point d’Internet. Les encyclopédies étaient certes riches en informations mais il faut avouer que la toile est un outil très pratique de nos jours pour avoir certains éléments plus facilement et actualisés au fil du temps. 


Quoiqu’il en soit, avec son style simple et efficace, James Herbert nous livre ici un premier excellent roman. Je regrette juste de l’avoir découvert aussi tard. Mais l’histoire avec les rongeurs n’est pas terminée puisqu’il s’agit d’une trilogie. Me reste à découvrir « Le repaire des rats » (1979) et « L’empire des rats » (1984). Il me faudra faire preuve de patience afin de les trouver à un prix décent dans le sens ou désormais, les livres de la collection « Terreur » de chez pocket semblent malheureusement emprunter le chemin de l’inflation, un peu comme pour les Amstrad cpc.

Mais, comme à chaque article lecture, je laisse le mot de la fin à Miss P.

Encore une histoire avec des rats... pffff

mercredi 26 février 2025

Pilotes et Mat(hs)

 1989/1990, la date exacte est floue à vrai dire. Le cpc 464 ne tardera pas à quitter les murs de ma chambre pour aller rejoindre ceux d’une connaissance, cédé à un prix qui restera à la discrétion des protagonistes que sont mon père et l’acheteur. Il me semble avoir déjà évoqué cette transaction lors de lignes précédentes d’ailleurs. 

Quoiqu’il en soit, mon échec scolaire s’apprête à m’accompagner lors de ce nouveau cursus propre au lycée. Mes angoisses et ma mélancolie semblent dispersées, aveuglées par un certain détachement que je ne sais vraiment expliqué. Malgré cela, l’obsession de mon père porte sur mon niveau en mathématiques (concernant ce point je n’ai aucun argument pour me défendre). Aussi décide-t-il de me faire suivre des cours particuliers auprès d’un premier étudiant calé en la matière qui jettera l’éponge au bout de quelques courts, assurant qu’il y a du progrès en la matière ce qui s’avère faux. 

Ne voyant aucun résultat probant, mon paternel revient à la charge avec cette fois-ci le fils du proviseur adjoint que tout le monde craint au lycée. En réalité, en dehors il s’agit d’un homme charmant. Ce dernier vit dans le coin et son fils a pour souhait d’être pilote de ligne. Il suit d’ailleurs un cursus en ce sens mais la route est longue. Alors pour arrondir les angles des frais liés à ses études, le voici en lys pour un défit de taille: relever mon niveau en maths toujours au ras du tarmac. A vrai dire, lors de ces cours, j’ai l’impression d’effectuer une sortie astrale, laissant ainsi cette enveloppe physique jouer au pantin avec son stylo et regard vide.

Le jeune homme n’est pas désagréable mais s’énerve légèrement parfois. La situation est néanmoins désamorcée par la présence de l’Amstrad cpc lorsque, lors d’une pause, il me pose quelques questions sur les jeux en ma possession. L’un d’eux attire son attention: Fighter pilot édité par Digital Integration en 1985 en  présent sur la compilation « They sold a million 3 » évoquée lors de précédents articles. J’ai cette compilation depuis longtemps mais elle aussi s’apprête à partir avec le cpc 464 d’ici quelques temps. 

A la fin du cours (accueilli avec soulagement), je lui propose d’essayer le jeu. Il se livre alors sur son cursus en cours et son souhait de devenir pilote lui aussi dans un tout autre domaine néanmoins. Allez, une fois la cassette chargée et la musique d’intro (que j’apprécie au passage) éludée, nous voici sur la piste. Pendant le chargement, mon « invité » a pris connaissance de la notice car la procédure pour faire décoller et piloter l’avion de chasse est plutôt complexe (de mon point de vue). Hormis le tableau de bord, graphiquement parlant, le jeu n’est pas très détaillé mais ce n’est pas réellement gênant car ce sont surtout les commandes qui vont attirer notre attention dans les diverses situations proposées.

Et si on essayait ce bouton...

Sur ce dernier point, le jeu a l’air plutôt complet nous proposant les entraînements liés à tout bon pilote ainsi que le choix de notre grade (élève pilote pour moi svp!). En cet instant je possède un joystick Moonraker (peut-être Roger Moore l’a t-il utilisé qui sait?) dont le manche a la fâcheuse tendance d’être amovible. Ici nous n’aurons pas trop à nous en inquiéter car il ne s’agit pas d’un jeu d’arcade. Mon professeur du moment s’essaye donc à faire décoller en me demandant la procédure décrite sur la notice de la compil’ et c’est avec plaisir que je m’exécute car en réalité je reviens très peu vers Fighter Pilot à cette époque. 

L'écran de sélection: hey les mecs on est pas là pour rigoler ok?!

Ainsi pendant quelques instants, là, sur nos chaises face à l’Amstrad cpc 464 perdu au milieu du bourbonnais, j’ai l’impression d’être dans le cockpit de cet avion prêt à décoller. Une fois la procédure effectuée, le copilote que je suis devenu assistera de son mieux le pilote pendant ces quelques minutes car la session de jeu se voudra courte, le jeune professeur devant repartir assez tôt. 

Par la suite, les quelques cours suivis sous sa coupe s’achèveront par une séquence «Fighter Pilot », nous essayant à diverses sections du pilotage. Mon père mettra fin à ses cours de maths extra-scolaire jugeant mon cas réellement désespéré. Même si j’en suis soulagé j’éprouve tout de même un petit regret car ces séances de pilotages m’avaient bien amusé. Je n’ai jamais revu Jean-Marc mais il y a quelques années de cela, via un échange de mails avec son père, j’appris qu’il avait réalisé son souhait en devenant pilote de ligne. 

Le pilote: mais pourquoi tu m'as rien dit sur le train d'atterrissage?!!

Aussi, lorsque ce ciel suffisamment dégagé me laisse apercevoir  la silhouette d'un avion volant vers une destination inconnue, une esquisse de sourire se dessine sur mon visage en repensant à ses sessions de vols sur Fighter Pilot de Digital Integration.

 

mardi 25 février 2025

Vincent et le corbeau

  1996. Quel mois sommes-nous? Je ne sais plus très bien mais de mémoire la nuit a revêtu son manteau d’hiver. On ne peut pas dire que la foule se bouscule à l’entrée du modeste cinéma que j’ai l’habitude de fréquenter au cœur de cette ville industrielle. Mes yeux guidés par mon intuition prennent notes de quelques détails. Qui sait parmi tous ces visages se cache une âme hyper-sensible? Cette lueur d’espoir est vite conduite au tombeau, les gens attendant patiemment leur tour ne semblent être venu que pour passer un agréable moment… Mais au final, « quoi d’autre » comme le dirait un certain George. 

Allez, mon tour de demander un billet pour « The crow: City of angels » arrive bientôt. L’ouvreur est un homme assez âgé et semble illuminer par sa bonne humeur cette dernière séance (vous vous en doutez, sans Eddy Mitchell). Il ne semble n’y avoir que des étudiants en cet instant puisque les quelques personnes encore devant moi bénéficient d’un tarif préférentiel. Aussi, lorsque je lui réponds non à sa question « vous aussi monsieur tarif étudiant? » et que je réponds « non », l’homme marque un temps d’arrêt. Je m’imagine alors ce qu’il pense éventuellement  en cet instant: A – Ce mec ne saisit pas l’opportunité d’avoir un bon tarif  B – Ce mec est complètement con ma parole! C – Réponse A et B pour sûr! 

Après ce cours temps d’arrêt, le guichetier m’annonce sur le ton de la plaisanterie: « allez, tarif étudiant pour vous aussi, vous avez une tête à étudier quelque chose! ». Quelques instants plus tard, telle une ombre, je me faufile dans la plus petite salle du cinéma dédié au film avec Vincent Perez. En 1994, en cette même salle et peut-être même à seulement quelques sièges de là j’étais happé par le premier volet avec Brandon Lee

Alors que la salle s’apprête à plonger non seulement dans l’obscurité mais également dans les ténèbres de la résurrection, une silhouette féminine s’assied à quelques mètres du siège que j’occupe… Elle se veut plutôt jolie et… accompagné de celui qui semble être son compagnon. De manière impromptue, me reviennent en tête les paroles de la chanson du groupe Tripping Daisy « I got a girl »: I got a girl and… she’s got a guy.

Hey les mecs, vous faîtes quoi dans mon article?!

Puisque nous en venons à parler musique, je connais déjà quelque peu le film pour avoir dévoré des magazines cinés parlant du long-métrage mais surtout l’album mettant en pistes si je puis dire divers artistes, confirmés et d’autres émergents. Ainsi, dès la première écoute, ce dernier viendra non seulement à me faire découvrir de nouveau groupe tel que Deftones, Bush, The Toadies, Filter, Seven Mary Three mais aussi des chanteuses telle que Pj Harvey, Heather Nova sans oublier de me rappeler la puissance vocale de Linda Perry. A l’intérieur, en guise de bonus, un mini comics reprend quelques éléments du film. Je dois avouer qu’il s’agit d’un ajout sympathique mais sans plus. 

Tout dans ce disque est désespérément puissant devenant instantanément mon album de chevet alors que je suis pourtant plongé en quasi permanence dans le bruit de machines rythmées par l’acier. Mais chut, le film commence! 

Ici, le corbeau accompagnera Ash incarné par Vincent Perez revenu d’entre les morts pour venger la mort de son fils par la bande de Judah Earl qui a fait main basse sur un Los Angeles perdu dans les enfers. La lumière mordorée du long-métrage fait briller Vincent Perez qui surjoue un peu trop peut-être ici à mon goût. C’est un acteur discret que j’apprécie même si je ne revois désormais plus aucun de ses films. Pour l’appuyer Iggy Pop jouant à merveille les viles personnes et puis Mia Kirshner qui incarne la lumière dans ce royaume interdit à l’espoir. 

Corbac, baby corbac!

En sortant de la salle je dois l’avouer, le film n’arrive certainement pas à la cheville du premier malgré la magistrale musique de Græme Revell.  Il n’empêche qu’en cet instant, cette séance m’a permis d’alimenter mes sombres pensées de l’époque. Mais alors que la lune a encore un long règne devant elle, je rentre à pied vers la promesse d’un certain sommeil. Les lampadaires répandant  leur lumière jaunâtre sur la grisaille des trottoirs à la propreté douteuse, font renaître en moi quelques scènes du long-métrage. Pour sûr, alors qu’en cet instant les corbeaux dorment, j’écouterais une dernière fois « City of angels » chanté par Heather Nova avant de rejoindre l’antre des songes tourmentés.

Par contre, avant de laisser voler cet article vers ce nouveau souvenir qui vient de rejoindre le blog, je laisse le dernier mot à Bowie, mon intervenant musical: T’en penses quoi de cet album?

C'est un peu dark ton truc là non?
 

samedi 22 février 2025

Fahrenheit 451

  Guy Montag est pompier mais pas de ceux qui éteignent les incendies. Non, dans ce future dystopique imaginé par Ray Bradbury, les livres sont sources de corruption de l’esprit, pire encore il favoriserait le libre arbitre et la connaissance. Pour remédier à ce danger, l’unité de pompiers dont fait partie le personnage principal a pour vocation de brûler tout ouvrage découvert chez un habitant. En général, cette découverte fait suite à une dénonciation. 

Un livre qui chauffe...

Pourtant, un soir, alors qu’un appel destiné à son unité retenti, Montag va éprouver un choc, celui de la réflexion à travers un signe, quelques lignes tout au plus et surtout cette femme qui refuse d’abandonner sa bibliothèque. A partir de là, rien ne va plus, sa situation maritale allant même jusqu’à être remise en question d’autant que son épouse Mildred est définitivement ancrée dans cette société où les écrans sont rois. Mais n’est-ce pas  plutôt cette discussion impromptue avec sa jeune voisine, Clarisse, qui n’aurait pas, il y a quelques jours déjà, semé le doute en son esprit?

Comme je vous le disais lors de ma vidéo présentant une partie de mon humble bibliothèque, Fahrenheit 451 (température à laquelle un livre s’enflamme et se consume) faisait partie depuis longue date de ma pile à lire. Le roman étant au programme de 3ème au collège, classe dans laquelle ma fille évolue lors de l’écriture de cet article, je me suis enfin décidé à le lire. 

"- Vous arrive-t-il de lire les livres que vous brûlez?"

Il éclata de rire. "C'est contre la loi!

- Ah oui, c'est vrai.

Discussion entre Clarisse et Guy Montag

Pour tout vous avouer, je n’ai jamais rien lu de Ray Bradbury (1920 – 2012), pas même « Chroniques Martiennes » dont j’avais pourtant croisé la couverture étant plus jeune. Habituellement, je ne suis pas très versé dans le domaine de la science-fiction ce qui ne m’empêchent pas d’être interpellé par certaines œuvres. La sombre dystopie de Fahrenheit 451 en faisait partie mais j’avoue avoir été quelque peu déçu dès lors que les derniers mots fuyaient mon regard. J’aurais souhaité que l’auteur aille un peu plus loin dans ses propos alors qu’un sombre pan de la seconde guerre mondiale plane sur le sort destiné aux livres tout au long du récit.

Pourtant, cette sombre aura s’accentue avec la menace d’un conflit atomique en arrière plan. Mais je n’en dit pas plus si jamais vous souhaiteriez découvrir l’œuvre de Ray Bradbury. Le roman s’est également vu adapté au cinéma sous la caméra de François Truffaut mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir… Un jour peut-être même si je ne suis pas très emballé. Quoiqu’il en soit, ne vous méprenez pas, Fahrenheit 451 (écrit en 1955) reste un classique du genre, très agréable à lire, qui mérite d’être lu.

Mais je laisse le mot de la fin à Miss P.

Hein, quoi, mes croquettes brulent??!!!!