1988. En cette nuit d’été où les ténèbres se meuvent à leur guise, j’ai décidé de camper dans le jardin familial. Ce dernier n’obtient son nom que grâce à la barrière de fortune bricolée par mon paternel le séparant ainsi du vaste champ sur lequel le ciel étend ses humeurs selon les saisons. Installée à quelques encâblures du sapin planté après mon second noël passé en ces terres aux accents volcaniques, ma tente semble être une forteresse imprenable toute indiquée pour rêver de mes futurs jeux Amstrad cpc. Chien et loup ont tout juste terminé leur affrontement me laissant enfin la possibilité de contempler Dame Lune parée d’argent ou sanguine selon son humeur. Inutile de la courtiser, elle n’a d’yeux en cet instant que pour les étoiles occultées par son imposante présence.
En cette année 1988, la sorcière de Cauldron prendra son envol sur d’autres cpc que le mien puisqu’elle n’entamera son sabbat qu’en 1989 dans « La Collection CPC » pour ma part, sur 6128. Mais… qu’est-ce que?!! Le loup-garou de « Hurlements » serait-il venu s’appuyer sur ma toile de tente? Hmmm… sûrement pas, il la transpercerait d’un seul coup de griffes! Mais alors qui s’amuse à me faire peur? Allez un peu de courage, je dois inspecter les environs. Ah, voilà les coupables! Mon chien, Titi et Belzébuth le chat ont décrété que faire du toboggan sur mon édifice de fortune se veut très amusant. Bon, après m’être esclaffé et les avoir gentiment chassé, me voici à nouveau dans les bras de cette quiétude rurale. Les imposants feuillus bordant la départementale deux haies plus loin se chargeront d’atténuer les phares d’une voiture égarée au cœur de la nuit alors que les grillons poursuivent sans discontinuer leur chant.
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Ouais, ouais, c'est de toi qu'on parle! |
Quelle heure est-il au fait? Bien que la fatigue semble vouloir m’étreindre, la chaleur de cette journée écoulée a bien du mal à se dissiper mais je peux compter sur la verdure environnante pour atténuer ses effets. En attendant que Morphée daigne se présenter, une question existentielle s’empare de mon esprit: Quel jeu vais-je lancer demain sur mon cpc 464? Cela fait un petit moment que je n’ai pas ouvert mon coffret FIL de trois jeux… Alors pourquoi pas jouer à… V? Euh… non, je ne comprends toujours rien et il fut sans doute ma première grosse déception de la part d’Ocean. Gunfright alors? J’ai beaucoup aimé celui-ci mais j’en ai fait un peu le tour idem pour The way of the tiger même si je ne suis parvenu qu’une fois à en voir la fin.
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Ah oui, on parle de toi aussi! |
Allongé sur mon duvet, assailli par l’odeur du gazon fraîchement tondu se mélangeant à celle des matières qui composent la toile de tente, me voilà à nouveau attiré par un bruit extérieur. Oh, rien de bien terrifiant semble-t-il mais ce dernier est assez singulier en cette heure désormais avancée de la nuit pour me pousser à scruter le ciel. Bon la fermeture de la porte est un peu capricieuse (forever) mais je parviens à m’extraire à temps pour admirer le spectacle. Là, entre les errances d’une pipistrelle et les hululements d’une chouette engoncée dans son manteau nocturne, passant devant le disque cendré à présent nimbé d’une fine brume, il me semble bien apercevoir un vol d’oies sauvages. Inutile de tergiverser, le souvenir est lointain et ma mémoire me joue peut-être des tours, cependant je reste suffisamment sûr de ce que j’ai vu pour être affirmatif concernant ce point malgré tout ce temps.
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Non j'ai dit Morphée pas Orphée! |
Mais où en étais-je? Ah oui, j’en appelais au gluon du carton gardien de mes cassettes cpc, comme me l’aurait suggérer Groucha de l’émission « Téléchat », afin de m'aider à choisir une cassette pour contenter le lecteur de mon cpc 464. Head over Heels? Non, je l’ai déjà terminé celui-ci et j’en suis fier d’ailleurs! Bon, ok, sortons l’artillerie lourde et plongeons nous dans cette compilation qui me renvoie encore, à l’écriture de cet article, de puissantes ondes nostalgiques. Alors que mon cerveau énumère un par un les dix softs qui composent la compil’ « Top Ten Collection » de Elite, mon choix s’arrête sur "Saboteur 2" édité par Durell en 1987 et programmé par Clive Townsend. Nous incarnons la sœur du ninja mortellement blessé dans le premier volet. Bon, si comme moi vous êtes un heureux nostalgique de l’Amstrad cpc, vous avez sûrement croisé le chemin de cet excellent jeu dont la musique résonne encore en mes oreilles après toutes ces années. Allez, je l’avoue, pour avoir vu la jaquette du soft dans les pubs d’un magazine, sans doute un numéro d’Amstrad Cent Pour Cent, mon âme adolescente n’est certainement pas restée insensible face à cette silhouette féminine bravant moult danger sur sa moto.
Je le soulignais quelques lignes plus tôt, la musique de Rob Hubbard est un « banger » comme dirait ma fille du haut de ses quinze ans. Je me souviens encore très bien de mon émerveillement face au menu principal. Graphiquement parlant il n’y a pas vraiment de dépaysement, nous restons dans les tons du premier volet. Le changement réside surtout dans l’aspect dynamique du jeu. Tout commence par l’arrivée de notre ninja en deltaplane au cœur de la nuit.
Une pression sur le bouton feu du joystick (ou la touche du clavier qui lui correspond) et la silhouette gracile effectue alors un saut périlleux pour atterrir aux abords de cette gigantesque base. Adieu le petit entrepôt de Saboteur, ici nous sommes face à une superficie qui nous fera tourner la tête! De même, gardes humains et chiens ont été remplacés par de dangereux robots armés de lance-flammes ainsi que des panthères bien plus coriaces. Notre mission évoluera au fil des parties, la première consistant « simplement » à nous évader sur une moto située au cœur des souterrains du silo à missile. Une fois celle-ci remplie, un code nous sera alors fourni pour accéder à la suivante un peu plus compliquée avec recherche de micro films à la clef. L’objectif de chacune d’entre-elles nous sera expliqué dans un débriefing, la dernière portant le numéro 9 étant la plus difficile et je ne l’ai jamais atteinte.
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Non, ceci n'est pas une demande en mariage étrange! |
Je parlais de dynamique et bien notre héroïne en est le parfait exemple avec ses sauts périlleux et ses coups de pieds chassés en courant! Côté arsenal, l’étendue des lieux nous donnera l’occasion de trouver diverses armes au même titre que le premier volet et notre vie est toujours représentée par cette barre rouge qui se restaurera lorsque nous serons au repos. Puisque notre personnage reste un mercenaire, le score sera converti en argent (supposé amusant dans un monde d’hommes riches comme le chantait un certain groupe des années 70).
Et puis… ah, il semble que je me sois enfin endormi. Mais c’était sans compter un satané moustique venu virevolter autour des mes oreilles. La rosée matinale ne verra donc pas l’aventurier de pacotille se réveiller, ce dernier s’étant au cours de la nuit réfugié en sa chambre. Titi et Belzébuth, dont la présence est à jamais ancrée en ma mémoire auront donc finalement leur toboggan. Quant à moi, le soleil écrasant ne m’atteindra pas, calfeutré dans ma chambre au volets fermés. Impassible, l’astre incandescent dispersera ses rayons sur l’herbe jaunie de cet été 1988 alors qu’appuyée par la musique tonitruante de Rob Hubbard, cette ombre féminine ayant pour seul témoin une lune argentée tentera d’assouvir sa vengeance.