1989. Nous ne sommes pas à St–Yorre et d’ailleurs ça ne va pas très fort. Me voici de nouveau alité, ayant contracté un mal dont seul les lieux sujets à la promiscuité ont le secret, en l’occurrence le collège. D’ici quelques heures le médecin devrait passer c’est tout du moins ce que l’accueil de son cabinet affirmait à ma mère un instant auparavant. La nuit ayant délaissé les paysages ruraux, il ne s’agira donc pas de Georges Beller au volant de sa renault 5 blanche qui viendra m’examiner mais notre praticien habituel voyant défiler les kilomètres, ces lignes laissant à ma mémoire l’oubli du modèle de son véhicule (et était-il blanc comme dans la série?).
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Georges n'est pas là et en plus nous c'est médecins de nuit pas de jour hein!
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Pourtant, quelques jours auparavant tout allait certainement pour le mieux puisque je venais de recevoir des nouvelles de Marianna, par l’émissaire attitré de mon Amstrad CPC 464, vivant ses derniers jours auprès de moi (mais je ne le sais pas encore en cet instant), Micromania. Le test élogieux du numéro 15 d’Amstrad Cent Pour Cent m’ayant totalement convaincu c’est avec une impatience à peine dissimulée que j’attendais sa venue. A sa réception, j’étais ébloui par son format, boîte cartonnée et, bien entendu, son poster qui irait rejoindre le premier au-dessus de mon lit. L’adolescent que j’étais ne voyait aucun inconvénient à ce que la silhouette de la princesse Marianna lui offre son dernier regard, à défaut de son étreinte, juste avant le sommeil. Et en parlant de la jeune dame, désormais libérée du joug de l’infâme Drax, il est à présent possible de l’incarner, donnant ainsi le change au viril guerrier en slip du premier opus, sous-vêtement que Sean Connery n’aurait certainement pas renié dans le film « Zardoz ».
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Autre slip, autre légende...
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Laissons la maladie de côté afin que je puisse vous emmener le temps de quelques lignes au cœur des donjons de Drax, revenu dans un esprit de vengeance. Si tout d’abord j’étais sous l’emprise d’une certaine excitation, cette dernière s’est muée en une légère amertume voir déception que je ne souhaitais pas m’avouer. Certes, il était possible maintenant d’évoluer dans divers tableaux, d’affronter des ennemis variés, partir à l’aventure afin de trouver les deux objets nécessaires disséminés dans le niveau en cours afin de défaire le maléfique sorcier mais… L’alchimie ne semblait plus fonctionner ici. Je trouvais les bruitages un peu fades, les sauts au-dessus des gouffres occasionnaient bien trop souvent ma mort et les ennemis qui ricanaient en vous poussant dans l’un d’eux m’était devenu tout simplement insupportable (encore pire lorsque ces créatures vous coinçaient dans un recoin, vous frappant sans relâche sans réelle possibilité de se relever).
Je n’en boudais pour autant pas mon plaisir puisque je terminais le jeu à plusieurs reprises, prenant par la même occasion un malin plaisir à décapiter une vile créature ou extraire d’une manière barbare le cœur d’un geôlier me donnant l’impression d’être dans une épreuve de « Fort Boyard ». Je ne sais si vous aviez emprunté le même chemin que moi, j’entends par là essayer de tromper le jeu en sortant directement d’un niveau sans prendre la peine de trouver les deux objets essentiels, mais ceci menait à l’échec dans la lutte finale avec Drax, me retrouvant dans l’incapacité de passer les deux gardiens qui le protègent.
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Attention à la tête avec celui-ci...
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Je dois cependant interrompre le récit de ma partie car le médecin vient d’arriver. Sous ses allures très sérieuses, il fait un peu partie de la famille et en voyant mon teint cireux ce dernier fronce les sourcils. L’examen commence après qu’il ait posé son imposante sacoche exhalant un parfum de cuir mélangé à celui des lieux où son activité s’exerce, le tout appuyé par son eau de toilette.
– Alors ça n’a pas l’air très fort…
Tandis qu’il sort les instruments habituels, Stéthoscope et tensiomètre entre autre, son regard sonde les murs de ma chambre pour s’arrêter sur mon nouveau poster de Barbarian 2.
– Ah, un nouveau jeu, ça marche le micro au fait?
– Bah, ouais lui plutôt bien
– Tu as joué un peu aujourd’hui?
– Non, je me sens trop mal
– Ah, ok, t’en fais pas on va regarder ça
Ainsi l’Amstrad cpc était devenu en quelque sorte un complément de diagnostic, si je jouais c’est que ça n’allait pas si mal, dans le cas contraire c’était un peu plus sérieux. Au moment de relever ma tension, le médecin reprend son tour d’horizon des posters… et oublie quelque peu le tensiomètre
– Euh docteur… j’ai un peu mal au bras là…
– Ah, mince, excuse-moi, je réfléchissais à… ma prochaine patiente » me dit-il appuyé par un imperceptible clin d’œil.
Bien entendu, cet oubli était là pour me faire sourire. Après quoi, une prescription d’antibiotiques (qui à l’époque étaient presque automatique) souvent synonyme de « trucs dégueulasses en tout genre » venait clore la consultation. Pour être honnête je ne me souviens pas de toutes les visites mais celle-ci m’avait marqué. Avant de partir le professionnel de santé ne manquait pas de me rappeler qu’il fallait rattraper mes devoirs manqués et éviter l’abus d’ordinateur.
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Joystick gauche, droite, vittttteeeee!!!!
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A la fin de cette journée, je ne me sentais guère mieux, il me fallut deux jours supplémentaires avant de voir de nouveau mon reflet dans l’écran du cpc 464 et ainsi reprendre une nouvelle partie de Barbarian 2. Par la même occasion, je revenais également sur le test d’Amstrad Cent Pour Cent qui lui avait attribué 98%, pour me rendre compte que, si j’étais d’accord sur les graphismes, je l’étais beaucoup moins sur le reste, notamment les sons que je trouvais inférieurs à son prédécesseur vers lequel je retournerais plus souvent par la suite. Pour moi, Barbarian 2 était un bon jeu mais l’excitation ressentie lors de cette journée de 1987, date de ma rencontre avec le premier volet, se retrouvait quelque peu écornée… Quant à Dame Marianna, depuis ses deux posters, elle ne semblait pas m’en tenir rigueur.