mercredi 26 février 2025

Pilotes et Mat(hs)

 1989/1990, la date exacte est floue à vrai dire. Le cpc 464 ne tardera pas à quitter les murs de ma chambre pour aller rejoindre ceux d’une connaissance, cédé à un prix qui restera à la discrétion des protagonistes que sont mon père et l’acheteur. Il me semble avoir déjà évoqué cette transaction lors de lignes précédentes d’ailleurs. 

Quoiqu’il en soit, mon échec scolaire s’apprête à m’accompagner lors de ce nouveau cursus propre au lycée. Mes angoisses et ma mélancolie semblent dispersées, aveuglées par un certain détachement que je ne sais vraiment expliqué. Malgré cela, l’obsession de mon père porte sur mon niveau en mathématiques (concernant ce point je n’ai aucun argument pour me défendre). Aussi décide-t-il de me faire suivre des cours particuliers auprès d’un premier étudiant calé en la matière qui jettera l’éponge au bout de quelques courts, assurant qu’il y a du progrès en la matière ce qui s’avère faux. 

Ne voyant aucun résultat probant, mon paternel revient à la charge avec cette fois-ci le fils du proviseur adjoint que tout le monde craint au lycée. En réalité, en dehors il s’agit d’un homme charmant. Ce dernier vit dans le coin et son fils a pour souhait d’être pilote de ligne. Il suit d’ailleurs un cursus en ce sens mais la route est longue. Alors pour arrondir les angles des frais liés à ses études, le voici en lys pour un défit de taille: relever mon niveau en maths toujours au ras du tarmac. A vrai dire, lors de ces cours, j’ai l’impression d’effectuer une sortie astrale, laissant ainsi cette enveloppe physique jouer au pantin avec son stylo et regard vide.

Le jeune homme n’est pas désagréable mais s’énerve légèrement parfois. La situation est néanmoins désamorcée par la présence de l’Amstrad cpc lorsque, lors d’une pause, il me pose quelques questions sur les jeux en ma possession. L’un d’eux attire son attention: Fighter pilot édité par Digital Integration en 1985 en  présent sur la compilation « They sold a million 3 » évoquée lors de précédents articles. J’ai cette compilation depuis longtemps mais elle aussi s’apprête à partir avec le cpc 464 d’ici quelques temps. 

A la fin du cours (accueilli avec soulagement), je lui propose d’essayer le jeu. Il se livre alors sur son cursus en cours et son souhait de devenir pilote lui aussi dans un tout autre domaine néanmoins. Allez, une fois la cassette chargée et la musique d’intro (que j’apprécie au passage) éludée, nous voici sur la piste. Pendant le chargement, mon « invité » a pris connaissance de la notice car la procédure pour faire décoller et piloter l’avion de chasse est plutôt complexe (de mon point de vue). Hormis le tableau de bord, graphiquement parlant, le jeu n’est pas très détaillé mais ce n’est pas réellement gênant car ce sont surtout les commandes qui vont attirer notre attention dans les diverses situations proposées.

Et si on essayait ce bouton...

Sur ce dernier point, le jeu a l’air plutôt complet nous proposant les entraînements liés à tout bon pilote ainsi que le choix de notre grade (élève pilote pour moi svp!). En cet instant je possède un joystick Moonraker (peut-être Roger Moore l’a t-il utilisé qui sait?) dont le manche a la fâcheuse tendance d’être amovible. Ici nous n’aurons pas trop à nous en inquiéter car il ne s’agit pas d’un jeu d’arcade. Mon professeur du moment s’essaye donc à faire décoller en me demandant la procédure décrite sur la notice de la compil’ et c’est avec plaisir que je m’exécute car en réalité je reviens très peu vers Fighter Pilot à cette époque. 

L'écran de sélection: hey les mecs on est pas là pour rigoler ok?!

Ainsi pendant quelques instants, là, sur nos chaises face à l’Amstrad cpc 464 perdu au milieu du bourbonnais, j’ai l’impression d’être dans le cockpit de cet avion prêt à décoller. Une fois la procédure effectuée, le copilote que je suis devenu assistera de son mieux le pilote pendant ces quelques minutes car la session de jeu se voudra courte, le jeune professeur devant repartir assez tôt. 

Par la suite, les quelques cours suivis sous sa coupe s’achèveront par une séquence «Fighter Pilot », nous essayant à diverses sections du pilotage. Mon père mettra fin à ses cours de maths extra-scolaire jugeant mon cas réellement désespéré. Même si j’en suis soulagé j’éprouve tout de même un petit regret car ces séances de pilotages m’avaient bien amusé. Je n’ai jamais revu Jean-Marc mais il y a quelques années de cela, via un échange de mails avec son père, j’appris qu’il avait réalisé son souhait en devenant pilote de ligne. 

Le pilote: mais pourquoi tu m'as rien dit sur le train d'atterrissage?!!

Aussi, lorsque ce ciel suffisamment dégagé me laisse apercevoir  la silhouette d'un avion volant vers une destination inconnue, une esquisse de sourire se dessine sur mon visage en repensant à ses sessions de vols sur Fighter Pilot de Digital Integration.

 

mardi 25 février 2025

Vincent et le corbeau

  1996. Quel mois sommes-nous? Je ne sais plus très bien mais de mémoire la nuit a revêtu son manteau d’hiver. On ne peut pas dire que la foule se bouscule à l’entrée du modeste cinéma que j’ai l’habitude de fréquenter au cœur de cette ville industrielle. Mes yeux guidés par mon intuition prennent notes de quelques détails. Qui sait parmi tous ces visages se cache une âme hyper-sensible? Cette lueur d’espoir est vite conduite au tombeau, les gens attendant patiemment leur tour ne semblent être venu que pour passer un agréable moment… Mais au final, « quoi d’autre » comme le dirait un certain George. 

Allez, mon tour de demander un billet pour « The crow: City of angels » arrive bientôt. L’ouvreur est un homme assez âgé et semble illuminer par sa bonne humeur cette dernière séance (vous vous en doutez, sans Eddy Mitchell). Il ne semble n’y avoir que des étudiants en cet instant puisque les quelques personnes encore devant moi bénéficient d’un tarif préférentiel. Aussi, lorsque je lui réponds non à sa question « vous aussi monsieur tarif étudiant? » et que je réponds « non », l’homme marque un temps d’arrêt. Je m’imagine alors ce qu’il pense éventuellement  en cet instant: A – Ce mec ne saisit pas l’opportunité d’avoir un bon tarif  B – Ce mec est complètement con ma parole! C – Réponse A et B pour sûr! 

Après ce cours temps d’arrêt, le guichetier m’annonce sur le ton de la plaisanterie: « allez, tarif étudiant pour vous aussi, vous avez une tête à étudier quelque chose! ». Quelques instants plus tard, telle une ombre, je me faufile dans la plus petite salle du cinéma dédié au film avec Vincent Perez. En 1994, en cette même salle et peut-être même à seulement quelques sièges de là j’étais happé par le premier volet avec Brandon Lee

Alors que la salle s’apprête à plonger non seulement dans l’obscurité mais également dans les ténèbres de la résurrection, une silhouette féminine s’assied à quelques mètres du siège que j’occupe… Elle se veut plutôt jolie et… accompagné de celui qui semble être son compagnon. De manière impromptue, me reviennent en tête les paroles de la chanson du groupe Tripping Daisy « I got a girl »: I got a girl and… she’s got a guy.

Hey les mecs, vous faîtes quoi dans mon article?!

Puisque nous en venons à parler musique, je connais déjà quelque peu le film pour avoir dévoré des magazines cinés parlant du long-métrage mais surtout l’album mettant en pistes si je puis dire divers artistes, confirmés et d’autres émergents. Ainsi, dès la première écoute, ce dernier viendra non seulement à me faire découvrir de nouveau groupe tel que Deftones, Bush, The Toadies, Filter, Seven Mary Three mais aussi des chanteuses telle que Pj Harvey, Heather Nova sans oublier de me rappeler la puissance vocale de Linda Perry. A l’intérieur, en guise de bonus, un mini comics reprend quelques éléments du film. Je dois avouer qu’il s’agit d’un ajout sympathique mais sans plus. 

Tout dans ce disque est désespérément puissant devenant instantanément mon album de chevet alors que je suis pourtant plongé en quasi permanence dans le bruit de machines rythmées par l’acier. Mais chut, le film commence! 

Ici, le corbeau accompagnera Ash incarné par Vincent Perez revenu d’entre les morts pour venger la mort de son fils par la bande de Judah Earl qui a fait main basse sur un Los Angeles perdu dans les enfers. La lumière mordorée du long-métrage fait briller Vincent Perez qui surjoue un peu trop peut-être ici à mon goût. C’est un acteur discret que j’apprécie même si je ne revois désormais plus aucun de ses films. Pour l’appuyer Iggy Pop jouant à merveille les viles personnes et puis Mia Kirshner qui incarne la lumière dans ce royaume interdit à l’espoir. 

Corbac, baby corbac!

En sortant de la salle je dois l’avouer, le film n’arrive certainement pas à la cheville du premier malgré la magistrale musique de Græme Revell.  Il n’empêche qu’en cet instant, cette séance m’a permis d’alimenter mes sombres pensées de l’époque. Mais alors que la lune a encore un long règne devant elle, je rentre à pied vers la promesse d’un certain sommeil. Les lampadaires répandant  leur lumière jaunâtre sur la grisaille des trottoirs à la propreté douteuse, font renaître en moi quelques scènes du long-métrage. Pour sûr, alors qu’en cet instant les corbeaux dorment, j’écouterais une dernière fois « City of angels » chanté par Heather Nova avant de rejoindre l’antre des songes tourmentés.

Par contre, avant de laisser voler cet article vers ce nouveau souvenir qui vient de rejoindre le blog, je laisse le dernier mot à Bowie, mon intervenant musical: T’en penses quoi de cet album?

C'est un peu dark ton truc là non?
 

samedi 22 février 2025

Fahrenheit 451

  Guy Montag est pompier mais pas de ceux qui éteignent les incendies. Non, dans ce future dystopique imaginé par Ray Bradbury, les livres sont sources de corruption de l’esprit, pire encore il favoriserait le libre arbitre et la connaissance. Pour remédier à ce danger, l’unité de pompiers dont fait partie le personnage principal a pour vocation de brûler tout ouvrage découvert chez un habitant. En général, cette découverte fait suite à une dénonciation. 

Un livre qui chauffe...

Pourtant, un soir, alors qu’un appel destiné à son unité retenti, Montag va éprouver un choc, celui de la réflexion à travers un signe, quelques lignes tout au plus et surtout cette femme qui refuse d’abandonner sa bibliothèque. A partir de là, rien ne va plus, sa situation maritale allant même jusqu’à être remise en question d’autant que son épouse Mildred est définitivement ancrée dans cette société où les écrans sont rois. Mais n’est-ce pas  plutôt cette discussion impromptue avec sa jeune voisine, Clarisse, qui n’aurait pas, il y a quelques jours déjà, semé le doute en son esprit?

Comme je vous le disais lors de ma vidéo présentant une partie de mon humble bibliothèque, Fahrenheit 451 (température à laquelle un livre s’enflamme et se consume) faisait partie depuis longue date de ma pile à lire. Le roman étant au programme de 3ème au collège, classe dans laquelle ma fille évolue lors de l’écriture de cet article, je me suis enfin décidé à le lire. 

"- Vous arrive-t-il de lire les livres que vous brûlez?"

Il éclata de rire. "C'est contre la loi!

- Ah oui, c'est vrai.

Discussion entre Clarisse et Guy Montag

Pour tout vous avouer, je n’ai jamais rien lu de Ray Bradbury (1920 – 2012), pas même « Chroniques Martiennes » dont j’avais pourtant croisé la couverture étant plus jeune. Habituellement, je ne suis pas très versé dans le domaine de la science-fiction ce qui ne m’empêchent pas d’être interpellé par certaines œuvres. La sombre dystopie de Fahrenheit 451 en faisait partie mais j’avoue avoir été quelque peu déçu dès lors que les derniers mots fuyaient mon regard. J’aurais souhaité que l’auteur aille un peu plus loin dans ses propos alors qu’un sombre pan de la seconde guerre mondiale plane sur le sort destiné aux livres tout au long du récit.

Pourtant, cette sombre aura s’accentue avec la menace d’un conflit atomique en arrière plan. Mais je n’en dit pas plus si jamais vous souhaiteriez découvrir l’œuvre de Ray Bradbury. Le roman s’est également vu adapté au cinéma sous la caméra de François Truffaut mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir… Un jour peut-être même si je ne suis pas très emballé. Quoiqu’il en soit, ne vous méprenez pas, Fahrenheit 451 (écrit en 1955) reste un classique du genre, très agréable à lire, qui mérite d’être lu.

Mais je laisse le mot de la fin à Miss P.

Hein, quoi, mes croquettes brulent??!!!!

vendredi 7 février 2025

Mjoll

 Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Mjoll  2014 - février 2025









 

 

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases ;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon cœur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux !

 Le chat (II) de Charles Baudelaire 

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Every picture tells a story. Sometimes we don't like the ending. Sometimes we don't understand it.

 Le chat du Cheshire dans le jeu Alice Madness Returns

 

En hommage à Mjoll partie trop tôt


samedi 1 février 2025

Steven et la facture téléphone

 1982. Le souvenir se veut épars, confus, tout au plus ai-je quelques images néanmoins plus insistantes qu’une persistance rétinienne. En cet instant, je tiens fermement une main, fine, élégante, et si je lève un peu la tête la grisaille ambiante me permettra de dessiner le visage de celle qui tient la mienne. Il s’agit de celui de ma sœur, plus âgée que moi, majeure. En cet instant c’est sans doute la plus jolie femme que je connaisse avec sa silhouette élancée et ses cheveux blonds cendrés tombant en cascade sur ses frêles épaules. 

En s’apercevant que je la regarde d’un air interrogateur, elle me sourit mais reste en alerte au milieu de la foule qui se veut plutôt dense devant ce cinéma s’apprêtant à diffuser d’ici peu E.T réalisé par Steven Spielberg. Je suis un peu intimidé. Hormis le petit écran familial je ne connais rien d’autre, qui plus est la ville avec sa densité d’âmes à la ronde ne me sied guère. Pourtant je m’apprête là à vivre ma toute première séance de cinéma accompagné d’une présence protectrice que je ne verrai quasiment plus par la suite.

Au fur et à mesure, la file d’attente s’étiole, bientôt l’humidité du trottoir n’est plus qu’un souvenir inconfortable et nous voici devant un guichet. Mon regard se perd un peu partout, sur les visages fermés, sur les affiches des autres longs-métrages dont je ne me souviens absolument pas. M’ayant délaissé le temps d’acheter les places, la main de ma sœur reprend son rôle de guide, les traits fins de son visage orné d’un sourire m’invitant à la suivre. J’aimerais vous dire que je me remémore la couleur des sièges et places précises mais cela m’est tout bonnement impossible. De mémoire je nous revois à peu près dans la rangée centrale et me sens sacrément perdu face à ce gigantesque écran. 

Ne pas reproduire à la maison...

Alors que la salle est encore sous le joug des lumières jaunâtres crues dont elle se débarrassera une fois plongée dans l’obscurité, mon regard est attiré par un ouvreur au panier chargé de friandises. Ma sœur ne manque pas l’occasion pour aller à sa rencontre, sa chevelure flottant parmi les silhouettes pour certaines encore indécises quant à leur siège définitif. Bientôt, j’entends quelques protestations, un individu à la courtoisie inexistante semble vouloir lui subtiliser sa  place parmi les gourmands. « Hey mec, tu la connais pas ma sœur! » Ai-je envie de crier mais je suis bien trop timide pour ça. Elle ne se laisse pas faire et envoie paître son adversaire. Ses yeux marrons indisposés reprennent les atours de la radiance alors qu’elle se tourne de nouveau vers moi, des treets dans les mains. Ma dentition n’est pas très enthousiaste face à ce déluge de sucre mais qu’à cela ne tienne, ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à la sortie d’un film surtout avec une sœur dont j’ai appris l’existence depuis peu!

Fond dans la bouche, pas dans la main!

Le brouhaha des conversations se substitue bientôt au silence alors que les lieux empruntent des atours ténébreux. Hormis quelques paquets de bonbons dissipés, les spectateurs sont absorbés par le film qui commence (après quelques publicités de l’époque concernant les magasins locaux). Le son tonitruant s’empare de mon être mais fait place, quelques plans plus tard, à l’émotion lorsque E.T semble exhaler son dernier souffle sous le regard d’Eliott dévasté. Ma sœur ne me voit alors pas pleurer et c’est tant mieux, de quoi aurais-je l’air?! 

Lorsque tu es décoiffé par le son...

La séance terminée, les derniers noms du générique disparaissant au profit des plafonniers implacables qui font leur grand retour, je m’aperçois que ma sœur ne cache pas son émotion. Scrutant mon visage, elle me pose la question que je redoute en apposant sur mon visage, d’un geste délicat, l’une de ses mains: « et toi tu n’as pas pleuré? ». Ma tête émet un geste de dénégation… les yeux gonflés. Son sourire est sans équivoque, elle a décelé ma supercherie!

Nous voici de retour sur ce trottoir aux accents de bitume. D’ici quelques instants le paternel viendra nous chercher. La voiture comptera un passager supplémentaire, prenant la forme d’un souvenir inoubliable lié à cette séance.

 Cet article, dédié à ma sœur, a été écrit en écoutant la chanson "Knock me out" de Linda Perry