1997/1998.
Samedi matin. Le week-end a enfin daigné se présenter mais pour autant je n’échappe pas à la corvée d’approvisionnement de tabac consommé par ma compagne d’alors. Nous vivons dans un petit appartement comme l’aurait souligné Eleanor Vance dans « The haunting of hill house », l’un de mes romans de chevet écrit par Shirley Jackson. Les murs y sont a peu près épais ce qui n’empêche pas d’entendre les ébats des voisins immédiats ou encore la musique poussée a un volume extrême par ceux d’en face souhaitant partager leurs goûts musicaux le plus largement possible.
Décidément, j’ai réellement horreur de l’environnement urbain mais en cet instant peu de choix s’offrent à moi. Néanmoins, ne le nions pas, il a aussi ses avantages comme par exemple son magasin indépendant de jeux vidéos situé en centre ville ou encore ses relais presses me permettant d’accéder facilement au Playstation magazine du moment.
C’est donc sous un soleil généreux que mes pas sont orientés vers ces commerces en ce samedi matin. En entrant dans le bar tabac local, les discussions semblent déjà aller bon train. Un léger silence tombe lorsque je pousse l’épaisse porte vitrée, différents parfums et odeurs assaillent mon odorat, du vin blanc auquel tournent déjà certains habitués aperçus à plusieurs reprises, au tabac dont les volutes finiront par se déposer sur mes vêtements mais aussi sur le sol paré de carreaux multicolores défraîchis.
Les échanges verbaux reprennent, faisant état le plus souvent de politique se mêlant à la vie privée des intéressés. Après des salutations rapides d’usage, mon regard plonge dans l’espace presse proposant son lot de quotidiens, de magazines aux titres évocateurs mettant en exergue des corps féminins dénudés destinés à assouvir une certaine avidité masculine mais après ça vous vous enquerrez bien de la cote argus d’une certaine Clio? Bon, son espace dédié est maigre mais pour autant le voilà (non, pas Albator), le rayon lié au jeu vidéo! Pourtant mon regard ne se portera pas sur le Playstation magazine mais sur une revue proposant un jeu pc pour une somme modique.
Oui, depuis quelque temps, le C a quitté le PC, le basic a été remplacé par un OS, Windows 95 avec lequel je prends tout juste mes repères. Quant aux caractéristiques techniques de la machine… disons que tout cela est encore un monde bien nébuleux pour moi. C’est donc sans me poser de question, que je décide d’acheter le magazine, ne sachant aucunement si le soft tournera sur ma machine, ce jeu c’est « Prisoner of ice » un point’n’clic édité par Infogrames se déroulant dans l’univers de l’écrivain H.P Lovecraft qu’on ne présente plus. Et à cette période j’y suis assez sensible puisque je suis en pleine lecture de ses œuvres notamment « L’appel de Cthulhu ».
Le patron de l’établissement, un colosse, émet un petit reniflement lorsque je dépose le magazine sur le comptoir destinés aux jeux d’argent et expédie rapidement mon achat y ajoutant à la volée les paquets de cigarettes d’une célèbre marque. Lorsque je sors de l’établissement je l’entends déjà reprendre sa conversation avec les habitués, accompagnés de quelques rires gras. Ces derniers n’auraient sans doute pas été du goût du vénérable Jorge de Burgos dans « Le nom de la rose ». Quoiqu’il en soit me voici de nouveau sous ce soleil bienvenu, la légère brise qui l’accompagne me libère des effluves de tabac, d'alcool et divers après-rasage saupoudrés par l’odeur acre des fluides corporels humains.
C’est la tête dans les nuages, absent du ciel en ce samedi, que je retourne vers mon appartement, mon regard se plongeant dans la couverture du magazine dont je me souviens absolument plus du nom. Après quelques doux mots échangés avec la muse du moment, j’allume le pc et attends patiemment le démarrage de Window 95. Pendant ce temps je compulse le magazine, notamment la partie sur « Prisoner of ice » dans lequel nous incarnons le lieutenant Ryan dont la mission principale est initialement de secourir un savant norvégien tout juste échappé d’une base antarctique allemande, l’action se déroulant en pleine seconde guerre mondiale. En plus du scientifique, le sous-marin utilisé dans cette opération de sauvetage réceptionnera deux caisses mystérieuses. Je n’en dis pas plus si vous souhaitez vous plonger également dans l’aventure, je précise juste que l’histoire est inspirée des « Montagnes hallucinées » de l’écrivain.
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Une caisse, le début des ennuis... |
L’installation du jeu se déroule sans accrocs (n’est-ce pas Colonel Smith?), ma machine d’alors correspondant aux exigences techniques et bientôt je suis happé dans l’aventure, oubliant presque les murs de l’appartement. Opale, la chatte ayant partagé ma vie pendant quelques années et dont je vous ai déjà parlé sur ce blog vient me rappeler à la réalité en sautant sur mes genoux et même la silhouette féminine d’alors qui m’avait d’abord jeté un regard inquisiteur concernant mon achat se laisse séduire par le soft. Ainsi pendant quelques heures, nous nous évertuerons à résoudre les énigmes qui composent le jeu. A cette époque j’aime beaucoup le style « point’n’clic », style que j’avais déjà expérimenté avec « Les chevaliers de Baphomet » sur Playstation, un autre grand jeu du genre.
Je garde donc un excellent souvenir de Prisoner of ice, disponible de nos jours sur GOG pour une somme modique (il est d’ailleurs régulièrement en promo) et de son pendant, Shadows of the comet qui était également présent dans le magazine mais j’ai appréhendé ce titre avec plus de difficultés à l’époque, ceci dit il s’agit d’un autre souvenir…
Les images du jeu proviennent du site abandonware-france.org