lundi 21 avril 2025

Elisabeta

  1995. Les déménagements se succèdent au cœur de cette ville industrielle et le moins que l’on puisse dire c’est que l’appartement actuel loué par mes parents en cet instant est sans doute l’un des pires. Ce dernier est dans un immeuble bordé par l’artère principale d’un quartier inondé par le flot d’une circulation incessante. 

Lorsque le minuscule balcon n’est pas la proie des gaz d’échappements, il bénéficie de l’arrosage des plantes de l’appartement juste au-dessus sans parler du bruit occasionné par cette locataire affectionnant les talons hauts quelque soit l’heure. Entre deux pérégrinations, j’occupe la petite chambre située côté parking, lieu un peu plus calme mais néanmoins témoins d’échauffourées entre voisins pour une sombre histoire de place attitrée.  Combien champs et quiétude me manquent! Malgré cela je parviens à trouver quelque beauté en ces lieux comme cette cuisine baignée par la luminosité d’un soleil parfois généreux. Là, dans ce minuscule espace, l’astre incandescent me réchauffe les os et l’âme, m’offrant par la même occasion quelques beaux souvenirs de lectures empruntées à la bibliothèque locale.

Il y a aussi cette lune, fidèle compagne de mes humeurs sombres, que je peux admirer à son firmament sur ce balcon, entre deux flots de véhicules roulant vers leur destinée. Il arrive même que mon esprit s’évade par-delà les toits puisque l’appartement est situé à l’avant dernier étage de la bâtisse. Si l’été est plus agressif et morne avec ses atours de béton, je peux tout de même compter sur le petit parc situé à quelques mètres de là où règne un magnifique chêne sans doute centenaire. Titi, le chien de la famille lui aussi quelque peu désorienté, apprécie particulièrement ce carré de verdure, alors que la semi-obscurité s’apprête à prendre possession des lieux. 

Lorsque je ne profite du cinéma localisé un peu plus bas en centre ville, je réside en ma chambre, bénéficiant de ma télé cathodique 51 cm d’une marque obscure et de mon magnétoscope récemment acquis grâce à mon salaire. Bien que je n’ai guère le temps d’en profiter, certains samedis soir me permettent de rattraper mon retard sur des films manqués lors de mon service militaire par exemple. Canal +, tout comme l’Amstrad cpc, est devenu un lointain souvenir. Ces derniers sont désormais remplacés par des locations effectuées au sein de ce petit vidéoclub récemment installé non loin de là. 

Paraît-il...

En portant mon choix sur « Bram Stoker’s Dracula » réalisé par Francis Ford Coppola, je m’apprête à être transpercé. Le gérant, féru de cinéma, m’ayant déjà évité quelques navets vus plus tard lors de diffusions tv, approuve mon choix. Depuis toujours, les œuvres traitant du vampirisme m’interpellent, bientôt la vision de Francis Ford Coppola sur le roman de Bram Stoker viendra rejoindre mon cercle d’œuvres que je considère comme majeures.

Allez, tout est prêt. L’appartement est empreint d’une certaine quiétude, même l’agitation de cette laide ville semble s’apaiser, il est temps d’insérer la cassette alors que je prends place sur ce lit fatigué pour entamer mon visionnage. 

Je ne vais pas ici vous faire une critique de ce long-métrage faisant partie pour moi de mes films cultes car je ne suis pas très doué en la matière d’autant que je ne serai absolument pas objectif. Gary Oldman y est littéralement possédé tout comme Anthony Hopkins dans le rôle du Dr Van Helsing. A n’en pas douter, l’esthétique globale du film avec son jeu d’ombres, notamment lorsque le jeune Harker incarné par Keanu Reeves est « l’invité » du Comte, y est pour quelque chose, appuyé par la musique de Wojciech Killar qui résonne encore à mes oreilles. 

Lucy, magistralement incarnée par Sadie Frost

Autre approche que j’ai particulièrement apprécié c’est celle d’un Dracula sombrant dans les ténèbres suite au suicide de sa promise, Elisabeta incarnée par Winona Ryder rejetée par une église hypocrite alors que son époux s’est ardemment battu pour défendre son dogme. Nous sommes loin du Dracula de la Hammer incarné par Christopher Lee mais ne vous méprenez pas (peu importe si c’est le cas), impossible pour moi de les départager dans le sens où des films tels que « Le cauchemar de Dracula », « Dracula Prince des ténèbres » ou encore l’interprétation de Bela Lugosi résident dans mon cercle d’œuvres vers lesquelles je reviens souvent.  Il en va de même pour le remake de « Nosferatu, Phantom der nacht » avec Isabelle Adjani ici transfigurée et Klaus Kinski.

A la fin de mon visionnage, au cœur d’une nuit encore jeune, je suis ébranlé. La seule solution pour être sûr de ce que je viens de voir est de regarder une nouvelle fois le long-métrage de Francis Ford Coppola. Alors qu’au-dehors les étoiles se battent avec les lumières artificielles d’une ville réduisant son activité par cette nuit d’été, mon être artistique, encore en émoi après ce second visionnage, cède bientôt lui aussi aux avances de Nyx... mais peut-être également aux murmures de Lucy Westenra.

Lorsqu'on aime on ne compte pas #2

2 commentaires:

  1. J'avais 13 ans à l'époque, peut être 14 quand j'ai vu le film sur Canal+ Grippé, j'étais resté à la maison un jour de semaine et ma mère avait dû s'absenter dans l'après-midi.
    Je me souviens comme la premiere scène (la bataille contre les Turcs) m'avait captivé immediatement, Puis la suite... c'était sulfureux... (la scène où Lucy se fait prendre par la "bête", les succubes -dont une toute jeune Monica Belluci...), romantique à l'extrême, mais diablement magnifique. Les effets spéciaux à l'ancienne m'avaient complètement emballés et je regarde encore avec grand plaisir se film indémodable. Allez, j'aurais juste raccourci légèrement la baston de fin, qui traîne un peu en longueur. Mais Dieu, quel film !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Excellent la manière dont tu as découvert le film (moins pour la grippe par contre). Oui, comme tu le soulignes il y a quelques longueurs parfois.

      Supprimer