samedi 20 avril 2024

Egyptus forever

Il suffit d’une vidéo, celle de Génération Micros par exemple, pour raviver un souvenir, celui de ce samedi matin où l’impression d’être le maître du temps s’empare de moi. Bien entendu il ne s’agit ici que d’une illusion, à peine une sensation comme le chantait Jean-Louis Aubert. Mais qu’importe, le weekend est bel et bien là, m’ouvrant grand ses bras et la grisaille au-dehors m’incite à allumer une fois de plus mon Amstrad cpc 464.

Ainsi, après le petit déjeuner, je rejoins mon antre, ma chambre au papier peint bleu et moquette grise passée. Mon sac de collège me jetant un regard de biais peut bien attendre! Tel un grimoire ancestral suspicieux, hors de question de l'ouvrir, de peur que formules mathématiques ou encore incantations  sorties des forêts ancestrales d’Albion ne s’emparent de moi. 

Pourtant, en quelque sorte, il sera question de magie puisque je m’en vais prêter main forte à deux curieuses créatures, deux canidés à la morphologie atypique pour être plus précis. L’un est doté d’ailes de chauve-souris et lance des donuts pour se défendre, l’autre peut se mouvoir plus rapidement que son compagnon et porter des objets dans son sac. Leurs pères, Jon Ritman et Bernie Drummond les ont projetés dans un sombre univers où règne en despote l’empire de la dent noire. Le chemin de la liberté (rien à voir cependant avec le réseau du rail de la saga Fallout) sera semé d’embûches et… pourquoi ne pas en profiter pour libérer les autres planètes sous le joug du triste empereur?

Allez, il est temps de s’atteler à la tâche, enfin , je dois quelque peu réfréner mon enthousiasme puisque je suis sur cpc 464, par conséquent ma soif de liberté devra tout d’abord s’acquitter du chargement cassette. Alors que l’écran de chargement reprenant la jaquette du jeu dessinée une fois de plus par Bob Wakelin s’affiche, mon regard parcourt les murs de ma chambre décorés par divers posters. Rocky se prépare au combat, juste au-dessous du tableau affichant fièrement les médailles de mon paternel, le T-800 n’éprouvera bien entendu aucune compassion pour cet adolescent troublé par le regard de Maria qui semble lui offrir son cœur, éludant l’imposant barbare venu la délivrer. A l’extérieur, le vent joue les troubles fêtes et vient me rappeler à l’ordre en effleurant ma fenêtre de ses doigts invisibles.

Ah! Le chargement vient de se terminer, quelques réglages à réaliser concernant les touches en jeu et c’est parti. J’ai pas mal avancé mais dois bien entendu refaire le chemin depuis le début, les poissons permettant de sauvegarder temporairement la partie en cours se retrouvant dans l’assiette du néant à chaque extinction de la machine. Alors que j’ai trouvé un nouveau passage, les heures alliées aux minutes se griment en secondes. Je n’ai pas vu le temps passer et le désagréable parfum d’une cigarette royale m’indique que ma mère vient de profaner mon sanctuaire. 

« Comment ça, tu m’as déjà appelé deux fois pour le repas?! » Accaparé par mon avancée couronnée de succès, j’avoue avoir fait abstraction des « à table! ». Inutile de palabrer, le regard maternel contrarié  est sans appel, comme le crie si bien Ulfric Sombrage dans Skyrim, « il faut y aller maintenant! ». Je me vois dans l’obligation de fairebentorse à ma règle: ne jamais laisser le cpc allumé pendant une longue absence. Mais voilà, je suis sur le point de réussir, j’ai libéré les quatre planètes à savoir le pénitencier, le monde du livre, la planète safari (j’ai dit Safari, pas Daktari) et Egyptus mon monde préféré. Il ne me reste plus qu’à subtiliser la couronne du vil empereur et à m’évader pour de bon. Hors de question de voir ma réussite réduite à néant!

Le repas me paraît long, trop long. A tout instant je m’attends à une remarque désagréable de mon père concernant le temps perdu sur cette machine, ça et sa demande d’aide concernant le rangement d’un petit tas de barres de métal ainsi que divers outils bon pour la casse qu’il déplace quasiment tout les week-end, les dits artefacts revenant à leur place initiale au bout de quelques temps, un peu comme un cycle cérémoniel. Un miracle se produit, je ne subirais ni l’un ni l’autre, mon père semblant très fatigué. La dernière cuillère de Danette engloutie, la vaisselle débarrassée, la table parée de son antique toile cirée nettoyée, me voici de nouveau devant mon 464, reprenant ma progression. 

Le temps se fait traître de nouveau si bien qu’au-dehors, la lumière de ce jour dédié à Saturne se pare peu à peu des atours du crépuscule. La quiétude rurale n’est que peu troublée par mon enthousiasme exacerbé lorsque Head et Heels rentrent enfin chez eux, couronne sur la tête. Derrière moi, mon chat Belzébuth ouvre un œil empli d’interrogation avant de s’étirer pour mieux se rendormir.  C’est à contrecœur que j’allume ma lampe de bureau puis ferme mes volets non sans jeter un regard empli de gratitude envers cette paisible contrée. D’ici, les arbres semblent être des gardiens indestructibles, les haies des remparts infranchissables à moins que Sir Griswold et Sir Larkin ne décident de les enjamber. La complainte d’un tube cathodique prenant un repos bien mérité fait main basse sur ce pensif instant. L’heure du dîner ne tardera pas et je n’ai pas envie de me faire pincer une nouvelle fois!

mercredi 3 avril 2024

Les vacances de Baphomet

 1997 – Voilà l’été comme le chantaient « Les Négresse Vertes ». Cette saison me rappelle bien entendu avant tout ces après-midi calfeutré en la pénombre de ma chambre, absorbé par les actions se déroulant sur l’écran de mon Amstrad cpc… Mais ce temps semble révolu à présent, quelque peu balayé par le revers de mon entrée dans la vie active depuis. 

En cette année 1997, l’usine dans laquelle je travaille voit ses portes fermées pour un mois entier. Outre le discret sourire qui s’affiche sur mon visage, ce temporaire arrêt est synonyme d’éloignement… Oui, pendant une poignée de semaines plus de copeaux brûlants jaillissant des machines mal sécurisées, ce maudit parfum d’huile de coupe exhalé par le métal fraîchement scindé se détachera de mes mains, la brume du bruit persistant des fraiseuses à l’œuvre cessera de vriller mes pensées. Ma voiture n'empruntera cependant pas les autoroutes embouteillées pour aller voir un pan de la famille issue du Sud mais le voyage sera de la partie sous une autre forme.

En ces premiers après-midi influencés par une certaine liberté, alors que le parking goudronné d’un magasin restitue sa rancœur sur les rares passants en faisant danser ses volutes de chaleurs sous les caprices de l’astre fier, c’est avec la Playstation de Sony que je me prépare à rentrer chez mes parents où une chambre m’est réservée. Depuis quelques temps ces derniers occupent un modeste pavillon, empreint d’une aura calme qui me rappellent l’îlot qu’était notre ancienne maison passée dans les mains de nouveaux propriétaires non sans déchirement. 

J’ai profité d’une promotion me permettant de mettre la main sur cette console dont la réputation ne cesse de grandir. Mon attirance pour elle n’est pas lié à ce retentissement publicitaire mais bel et bien à un jeu d’aventure découvert au détour d’une page du Playstation Magazine: « Les chevaliers de Baphomet » développé par Charles Cecil sous l'égide de Revolution Software.

Allez il est temps de se lancer dans l’aventure après avoir soigneusement déballé la console et connecté tous les câbles nécessaires: la prise péritel et celui du secteur. Enivré du parfum caractéristique d’une machine neuve que l’on vient de découvrir, la magie opère. Il y a tout d’abord ce fier logo, celui d’une marque qui sort du carcan des appareils dédiés à la restitution musicale et veut s’imposer dans un tout autre domaine désormais: le jeu vidéo. 

De nouveaux frissons s’emparent de moi, similaires à ceux que je ressentais lors de la découverte d’un nouveau soft sur Amstrad CPC mais ce n’est qu’un début puisque le logo de Revolution software lui succède pour laisser place à l’introduction du jeu contée par Georges Stobbart (dont le doublage est assuré par le comédien Emmanuel Curtil), touriste américain plongé malgré lui dans une aventure sous l’aura des chevaliers du temple.

Les jeux d’aventures liés à l’Amstrad cpc résonnent encore en moi, inutile donc de dire combien « Broken sword » (titre original du jeu) m’interpelle avec un système que ne je connais pour ainsi dire pas du tout : le « point’n’click ».  Affairé à parcourir les rues de la capitale puis bientôt d’autres contrées, poursuivant l’homme déguisé en clown meurtrier, je ne vois pas l’astre solaire effectuer son cycle à travers les volets entrebâillés de ma chambre.

En cet instant Opale n’est pas encore née, les limbes de mon imagination atrophiées par cette vie quotidienne réclament plus que jamais leur dû et cette formidable aventure dont je suis acteur me passionne pleinement. Un sentiment d’éternité s’empare de moi, il y a bien longtemps, me semble-t-il, que je n’avais pas ressenti un tel engouement face à un jeu. Une scène où je bloque totalement me voit essayer toutes les solutions possibles afin d’avancer ne serait-ce qu’un peu. Je ne terminerais pas « Les chevaliers de Baphomet » le jour même, il me faudra un peu plus de temps souhaitant également prendre mon temps, alors que mes pas me mènent en Ecosse aux côtés de Nicole Collard (doublée par Nathanièle Esther). Au détour de ces quelques lignes, une pensée pour Pierre Hatet, ce grand comédien qui nous a quittés en 2019 également présent dans le jeu.

Mais alors que le ciel étoilé s’invite discrètement quelque peu chahuté par une pollution lumineuse, c’est avec le sourire que je mets hors tension la Playstation. Je garde un fort souvenir des « Chevaliers de Baphomet » dont je n’ai croisé le chemin qu’une fois tout au plus depuis hormis par l'intermédiaire de GOG qui propose une version "director's cut" du jeu mais également la version originale. Cependant cette dernière est intégralement en langue anglaise mais Steam semble proposer une version française. mais je dois vous laisser, je m'en vais écrire à Nicole voir ce qu'elle est devenue après toutes ces années...