Hiver 1988. La nuit est déjà tombée, l'heure du repas a sonné mais la table du dîner se voit quelque peu animée. Nous avons de la visite, une cousine et son compagnon passent nous rendre visite le temps d'un weekend, le temps d'une étape. Oui, car notre humble demeure retapée par mon père dans sa grande majorité est un point de rendez-vous pour cette famille qui se veut dispersée aux quatre coins de la France.
Sa situation, dans la région Auvergne, n'est sûrement pas étrangère à ces visites annoncées par le réseau cuivré mais parfois impromptues. Outre ce point il y aussi ce que je considère, comme une magie, un certain calme que j'apprécie à chaque instant. Et c'est sans l'ombre d'un doute ce qu'est venue chercher ma cousine dont le profil s'apparente pour moi à une "business woman" me permettant d'emprunter quelques mots à la langue anglaise. Elle est rédactrice en chef d'un journal local de mémoire, et pour le collégien plutôt mou au visage marqué par l'acné que je suis, une main de fer dans un gant de velours. J'éprouve de l'admiration pour cette femme qui me respecte profondément pas seulement par le tissage des liens familiaux.
![]() |
Ah ouais, il y avait du boulot quand même. |
Quoiqu'il en soit, le repas suit son cours, les échanges sont parfois vifs mais toujours teintés de rires au bout du compte. Alors que le plateau de fromage tire sa révérence au profit des gouttes d'un café qui résonnent en la cafetière encore affairée à jouer les alchimistes électroménagers, j'en profite pour m'éclipser. Direction ma chambre où m'attend mon Amstrad cpc 464 avec Operation Wolf que j'ai reçu depuis peu. Alors que je m'évertue à fermer délicatement la porte de la cuisine afin de ne pas déranger les conversations parées des atours de la vie adulte, je ne peux m'empêcher d'embrasser la vue que m'offre la véranda en cette nuit. Malgré le baiser glacial rendu à mon être par cet hiver, mon regard se fige face un paysage quasi lunaire dû à la conjugaison du brouillard et du gravier (maigre résistance humaine face à la végétation ambiante réelle propriétaire des environs) sorte d'écume factice qui précède une herbe gelée. Mon esprit ne peut alors s'empêcher de fredonner "Walking on the moon" de The Police.
![]() |
Bon ça vient ce café?! |
Allez, le froid me pousse à retrouver la chaleur de ma chambre. Une fois de plus, mon bureau emprunte les teintes jaunâtres dispensées par la lumière de ma fidèle lampe de bureau et quelques instants plus tard le chargement des données s'échappant du lecteur cassette subtilisent la place du silence. Alors que l'écran de chargement d' Operation Wolf apparaît au fur et à mesure, assis sur ma chaise en bois peu confortable parée d'un coussin usé, mes pensées se perdent. Ces dernières sont brusquement interrompues par l'irruption de ma cousine en mon sanctuaire. Il semble que le café tarde à venir. La conversation s'engage, elle regarde mes posters, nous parlons un peu de cinéma, de lecture et bientôt de l'Amstrad cpc.
Bien que l'aspect générationnel nous sépare, je sens qu'elle s'intéresse, elle ne fait pas semblant. Ses mains fermement ancrées sur mes épaules, elle suivra mes péripéties de loup solitaire dans les milieux hostiles d' Operation Wolf édité par Ocean cette même année. Il ne me semble pas nécessaire de vous parler ici en détails de ce grand classique de la machine, adaptation de la borne d'arcade que je connaîtrais quelques temps plus tard lors d'un voyage scolaire en Angleterre (évoqué d'ailleurs dans l'une de mes vidéos sur la chaîne). Je reviendrais souvent vers le jeu durant mon ère cpc et je m'y prête volontiers de manières plus éparses désormais. Ma "grande" cousine trouve les ordinateurs fascinant en un sens. Elle prendra congé quelques instants avant la fin du jeu, la machine à café en ayant terminé avec la préparation du noir breuvage.
![]() |
Café en milieu hostile! |
Me voilà de nouveau seul avec pour souvenir un parfum, la caresse passée d'une main ferme de cette silhouette féminine au cheveux bruns coupés au carré sur ma joue droite. J'aurais l'occasion de la croiser au cours de mon existence, dans d'autres circonstances avant qu'elle ne quitte définitivement cette Terre au cœur d'une nuit en apparence paisible. Cet article lui est d'ailleurs dédié. Après toutes ces années, je me souviens encore de cette soirée d'hiver perdue dans les limbes de la mémoire d'une ruralité issue de mon passé.
Très bel hommage à ta Cousine.
RépondreSupprimerSalut Jack, merci beaucoup.
SupprimerSalut Temps Nyx,
RépondreSupprimerPas eu le temps de trop passer sur ton blog durant l'été, mais j'ai parcouru avec un grand plaisir tes nouveaux articles,
Celui-ci est particulièrement beau, on revit cette même nostalgie, informatique bien sûr, mais surtout de nos familles qui progressivement disparaissent, nous laissant seuls avec nos souvenirs
Merci à toi
Salut Gino et merci à toi d'avoir lu mes nouveaux articles:) Le temps passe si vite, à tous les niveaux! A bientôt.
Supprimer