1988. C’est l’un de ces soirs d’hiver où la neige se mêle à la pluie. Nous sommes deux, tout du moins pour le moment, d’ici quelques instants le camarade de classe qui pratique le judo avec moi verra ses parents le délivrer de ce bar du village où se trouve notre collège. La séance d’entraînement à laquelle nous devions participer a été annulée sans que personne ne soit prévenu, quelques temps plus tard nous apprendrons que le professeur était atteint d’une « démotivation impromptue » et que cette dernière l’a empêché d’utiliser son téléphone pour prévenir ses élèves.
La plupart des autres membres du club ont déjà pu repartir entre temps mais pas nous, ainsi les intempéries prononcées nous forcent à trouver refuge dans ce bar. Si mon camarade de classe (qui n’en est pas vraiment un à vrai dire) s’est déjà changé moi je suis directement venu en kimono et… oublié mes affaires de rechange dans la voiture de ma mère déjà repartie. De ce fait notre entrée est remarquée, notamment par les trois piliers de comptoir déjà éméchés par quelques verres. La vieille dame qui tient le troquet semble un peu débordée mais pourtant il va nous falloir demander l’accès au téléphone afin de demander à nos parents de revenir nous chercher plus tôt.
L’appareil est situé un peu en retrait mais pas assez pour être isolé des beuglements des trois ivrognes qui échangent des bribes de phrases. Le copain, sympa, me prête une pièce afin que je puisse téléphoner à ma mère, de ce fait je le laisse d’abord passer son coup de fil. D’ici quelques instants ses parents viendront le chercher. A mon tour d’essayer, j’ai moins de chance que lui, le téléphone me renvoie une tonalité occupée. Mon pote de fortune n’a plus de pièces sur lui, me voilà donc condamné à attendre de longs instants. Au-dehors, le mélange pluie/neige semble vouloir s’apaiser et ça tombe bien puisque bientôt l’un des hommes avinés a pour entreprise de « brûler ma soutane » selon ses dires, enfin si il parvient à trouver son briquet.
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Rassure nous, tu vas parler un peu d'Amstrad quand même non? |
Pour une fois je suis ravi de sortir pour retrouver l’air glacial. Quelques minutes plus tard, un bref au revoir et le camarade s’engouffre dans la voiture de son père, mon regard verra les feux arrières rougeâtres s’éloigner au cœur de cette soirée troublée. Me voilà donc seul, dans le froid, à attendre que les minutes s’égrainent… Si lentement! Je qu’une envie retrouver ma chambre et mon Amstrad Cpc 464. Mais le mauvais sort n’en a pas terminé avec moi puisque bientôt mes pensées sont interrompues par une voix que je ne connais que trop bien: Celle d’un élève du collège, d’une classe supérieure et qui me raille souvent. D’ailleurs sa première phrase sera ici « Tu fais du judo toi!!!! ». Lui pratique le karaté et ne se prive pas pour s’en vanter, « au karaté on fait ça, je maîtrise d’ailleurs cette prise… » et blabla blabla… Il est clair que l’humilité ne fait pas partie de son enseignement.
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Attends il n'a pas fini son histoire! |
Je préfère ne pas répondre et surtout ne pas montrer que mon kimono, recouvert de mon manteau, n’est pas suffisant pour me protéger du froid, surtout aux jambes. En dessous de la mince couche de tissu je grelotte. Hors de question de lui montrer. Il est bientôt rejoint par deux de ces copains. S’ensuivront tout un flot de railleries diverses et variées à mon encontre ainsi qu’une boule de neige contenant une pierre que je recevrais dans les jambes. Les minutes deviennent des heures, finalement ma mère arrivera, passant obligatoirement devant l’établissement pour atteindre le dojo (qui s’avère en fait la salle des fêtes). Les caïds seront déjà entré dans le bar entre temps.
En cet instant je suis trop heureux de retrouver l’habitacle de la vieille Corolla et surtout son chauffage! Sur le chemin du retour, j’expliquerais ma présence devant le bar mais tairais les faits autour. D’un commun accord, le judo s’arrêtera ici pour ma part…
Les dernières lueurs du village s’estompent, les ombres s’emparent de la voiture qui conjure l’obscurité avec ses phares dans lesquels brilleront parfois des regards appartenant à la nuit. Quelques instants plus tard je retrouve le confort de ma chambre avec ma fidèle lampe de bureau qui éclaire une toute nouvelle compilation: « Karate Ace » de l’éditeur Gremlin. Ironiquement, mon regard rencontrera « Uchi Mata » titre d’une simulation de judo reprenant le nom d’une prise « classique ». Cette soirée semble décidément placée sous le signe de l’ironie puisque j’ai subi cette prise lors d’un entraînement avec un membre féminin du dojo. Accidentellement, la jeune femme manque sa prise, la transformant en coup de pied dans une partie délicate de mon anatomie, me laissant plié en deux sur le tatamis.
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C'était à peu près ma position après la prise... |
Allez, puisqu’il en est ainsi, je vais donc jouer à « Uchi Mata »! Pas très longtemps à vrai dire, le jeu n’est pas très beau, je ne parviens pas à l’appréhender et donne même un coup de poing à mon adversaire par une quelconque subtilité du joystick! Je reviendrais très peu vers ce jeu par la suite. Souhaitant oublier cette soirée, malgré la répétition en mon esprit des termes peu flatteurs dont j’ai été l’objet quelques instants auparavant la chaude lumière de ma lampe de bureau me verra jouer à un autre soft dans l’attente d’un autre affrontement, celui où je devrais expliquer à mon père pourquoi j’ai choisi d’arrêter le judo.
Salut Temps Nyx. J'ai vraiment mal pour toi quand tu parles de certaines anecdotes de ton enfance. J'ai moi-même été une tête de turc, un souffre douleur. C'était atroce. Je n'avais aucun ami. (Comme aujourd'hui d'ailleurs) Quand j'entends des gens aujourd'hui dire que c'était mieux avant... Non c'était pareil avant. Il y avait déjà des gros connards. Et je pense qu'il y en a toujours eu et qu'il y en aura toujours. Pour ma part je suis toujours quelqu'un de timide, fragile et effacé, mais je réussi à le cacher derrière une fausse confiance en moi, un visage fermé et un corps un peu plus musclé... Merci à toi en tout cas pour ton partage. Notre enfance était heureuse mais il y avait quand même des points négatifs (Les cons). A bientôt l'ami.
RépondreSupprimerSalut Jack et merci beaucoup pour ton commentaire. Je crois que nous avons eu le même parcours concernant les interactions avec les autres. Comme tu le dis, le "c'était mieux avant" n'est pas toujours vrai même si il y a eu des moments heureux il y en a eu des difficiles. A bientôt.
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