Bien que le titre en fasse la suggestion, je ne vous parlerai pas de l’album du chanteur Morissey « Vauhall and I ». Nous sommes en 1994/1995 (les années passent, les contours de certains souvenirs s’assombrissent), un vendredi soir. C’est las, après une semaine de travail, que je rentre d’un pas traînant sous cette lune, confidente platonique de toujours. Dans mes poches, les clefs de mon appartement ayant remporté le titre de taudis tintent au contact de quelques pièces. Tout ce dont j’ai envie c’est d’une bonne douche et suivre les aventures des agents Mulder et Scully face à l’homme à la cigarette.
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Non, on a dit CD and I! |
C’était sans compter mon voisin le plus proche, surgissant comme un diable de sa boîte à mon passage. Il me fait quelque peu penser à Rick Moranis dans « Ghostbusters » mais ici la porte d’entrée des studios aux murs mitoyens ne se refermera pas seule, loin de là. Je n’ai rien à lui reprocher de particulier, cependant nous n’avons aucun point commun et il parle… beaucoup. Ce dernier m’invite pour l’apéritif. Pourquoi pas? Qui plus est, un breuvage à tendance alcoolisée me fera un peu de bien, scandant ainsi un peu plus fort le nom d’ Hypnos au fil des gorgées.
Les notes d’un morceau du groupe Talk Talk en arrière plan terminent ainsi d’asseoir sa proposition. L’appartement du dit voisin ressemble à un cabinet de curiosités, ce dernier achetant les dernières nouveautés dans une certaine mesure… et démesure. En entrant, mon regard est d’abord attiré par sa chaîne hi-fi aux éléments séparés et enceintes composées d’un bois noble. Ma micro-chaîne JVC, cadeau que je me suis octroyé avec mon premier salaire, fait pâle figure avec son plastique noir moulé mais elle me convient parfaitement, tout du moins Mike Muir du groupe « Suicidal Tendencies » ou encore Les Thugs et Sloy ne semblent pas s’en offusquer lorsque le laser du lecteur déverse leurs paroles.
Autour d’un verre, la discussion, enfin, SA discussion, alimentée de bric et de broc suit les flots des prémices de ce nouveau weekend. Le regretté Mark Hollis prononce les derniers mots de la chanson « Desire » tandis que mes yeux, accompagné par mon intérêt, s’égarent sur les disques de ce voisin bavard. Pourtant un mot, « Jeu », va me faire revenir instantanément au sein de la conversation. Ce terme me semble tout droit sorti d’une éternité, les images de mon Amstrad CPC, désormais chez mon frère, me revienne. D’ailleurs je ne reverrais plus ce dernier… Il en est ainsi, les chemins de vie se font et défont.
Pour mon hôte, cet univers est ici représenté par ce qui s’apparente à un autre lecteur de disque estampillé « Philips », le CD-I dont je ne connais absolument rien. Top fier de me montrer son nouveau gadget, il lance un jeu à la volée: Zelda. En cet instant je connais la licence de Nintendo uniquement de nom, n’ayant pas réellement croisé le chemin de Link par le passé mais ce que je vois ici me paraît très laid et ne me donne aucunement envie de m’y essayer. Je laisse mon voisin s’amuser et ce dernier ne semble pas connaître grand chose au monde du jeu vidéo (et à vrai dire moi non plus, hormis quelques jeux électroniques, le téléscore de SEB et l’Amstrad CPC jusqu’à présent!).
A côté de l’appareil, trône déjà une petite pile de disques mais je ne m’y intéresse guère à vrai dire. Le jeu s’arrête, à mon grand soulagement, l’apéritif aussi et il est temps pour moi de retourner en mon appartement. Ce soir je prévois de regarder X-Files avec Scully et Mulder sans oublier leur supérieur Skinner qui va se démener pour couvrir ses agents. Enfin, si la télévision des voisins m’en laisse l’occasion, les murs des appartements étant sans l’ombre d’un doute composé de papier à cigarette, il y a une forte chance que les dialogues des agents du F.B.I se transforment en comédie musicale.
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Bon alors cet épisode? On Attend! |
Juste avant de partir, mon voisin s’affaire à me préparer un sac plastique contenant le CD-I. Il s’apprête à partir en week-end et propose de me prêter l’appareil pendant ces deux jours. Pourquoi pas? Même si je sais que je n’y toucherai pas, surtout après avoir vu cet épisode de Zelda. Le lendemain matin voit un soleil radieux me réveiller, les volets accordéons à la peinture écaillée laissant quelque peu les fils d’Hélios effleurer mon visage encore en proie au sommeil. Au-dehors, divers passereaux chantent déjà depuis un bon moment, n’ayant que faire de ma paresse humaine engoncée dans une rêverie drapée par des souvenirs lointains.
Les gestes quotidiens réclament leur dû et lors de l’exécution de ceux-ci mon regard se pose sur le sac plastique translucide contenant le CD-I. Je décide finalement de m’y intéresser. Posés sur le plastique noir de l’appareil plusieurs disques, l’horrible Zelda donc et d’autres dont j’ai oublié le nom, sauf pour l’un d’entre eux qui va finalement attirer mon attention: L’ange et le démon. Le jeu prend place au célèbre Mont Saint-Michel vidé de ses habitants, les lieux étant occupé par les forces du mal. Notre quête sera de récupérer l’épée de l’archange pour défaire le démon, en résolvant diverses énigmes.
Le soft propose pas moins de 2500 photographies du lieu historique et il n’en faut pas plus pour piquer ma curiosité. Rapidement, je suis happé par l’ambiance, notamment celle de l’introduction. Le jeu se déroulera sur des écrans fixes, les photos des lieux donc, accompagnés par quelques animations, musiques et effets sonores. Outre notre réflexion, un pointeur (comme celui d’une souris) nous permettra d’interagir avec les icônes d’actions/directions ainsi qu’avec certains éléments du décors. Des indices et jingles viendront conforter le joueur lors de sa quête.
En cet instant, je dois l’avouer, c’est un réel plaisir d’évoluer au cœur du Mont Saint-Michel en toute quiétude (malgré la taille d'écran de ma télévision du moment soit 36 cm) ! De mémoire, découpé en chapitres (présenté sous forme d’un grimoire accentuant l’ambiance), le soft n’est pas très long à terminer. Sa difficulté est accessible à tout public, cette dernière permettant de découvrir les lieux en toute sérénité. Même si les incrustations des créatures vous barrant le chemin à divers endroits prêtent à sourire, je trouve pour ma part que le soft arrive ici à son but: divertir en offrant un certain côté culturel.
Je ne verrais donc pas le temps passer en ce samedi, puisque je me replongerais une nouvelle fois dans l’aventure de « l’ange et le démon », rien que pour ressentir l’aura paisible du mont (même si il ne s’agit que de photos). Le dimanche soir me verra restituer son bien à mon voisin, le remerciant au passage pour cette expérience et exaltation ressenties avec le CD-I, tout du moins pour ce qui concerne « l’ange et le démon ». Ce fut mon seul contact avec cette plateforme qui ne rencontra pas le succès escompté, j’en garde néanmoins un très bon souvenir.